Par Philippe Mesnard.
Les jours se suivent et se ressemblent. D’une manière générale, nous sommes très bien gouvernés et l’avenir est riche de merveilleuses promesses.
Par exemple, la secrétaire d’État à l’enfance, Charlotte Caubel, est ravie d’accueillir les enfants et les épouses des djihadistes partis guerroyer aux côtés de l’État islamique, c’est-à-dire asservir les populations et massacrer les chrétiens. La France vient ainsi de rapatrier « trente-deux enfants et quinze femmes françaises ». Nous aurons bientôt trois-cents rejetons de djihadistes sur notre sol, ce qui nous vaudra, du moins peut-on l’espérer, de ne plus être condamné par le Comité contre la torture des Nations Unies qui reproche à la France d’être complice des hypothétiques « traitements inhumains ou dégradants » que subiraient en Syrie nos ressortissants, leurs compagnes et leurs enfants, qui étaient partis en vomissant la France. Or donc, Charlotte jubile. Les protocoles sont au point, les familles d’accueil sont évaluées, tout baigne, « nous sommes extrêmement attentifs, mais il s’avère qu’au bout d’un an ou deux on peut obtenir des résultats spectaculaires grâce aux protocoles mis en place et aux centres de psychotrauma. Le dispositif est très riche et balisé. » (Le Monde). Puis, et comme Zemmour n’aurait pas osé espérer que ce soit dit, « quand tout va bien, l’enfant repart sur son territoire d’origine, qui est souvent celui des grands-parents. Nous avons beaucoup appris dans la Seine-Saint-Denis. » D’où étaient partis les djihadistes français, là où ils avaient appris à détester la France et à vénérer l’État islamique. Nous n’avons donc aucun motif de nous inquiéter – sinon de la stigmatisation de ces enfants, nous rappelle Charlotte.
Toutes les guerres ne suscitent pas les mêmes surveillances
Quand la France ne rapatrie pas ses ressortissants, elle se prépare à rapatrier ses troupes du Burkina Faso (on finirait par penser que la diplomatie macronienne est fautive, mais ce serait mal penser), dont elle a vexé l’armée en étant vétilleuse sur le respect des droits de l’homme, mal pratiqué par les soldats burkinabés. C’est ainsi, les droits de l’homme imposent une surveillance constante des armées en guerre et, on a peine à le croire, il apparaît que la guerre n’est pas propice à leur plein épanouissement. Du moins au Burkina Faso puisque la France est moins vétilleuse en d’autres endroits, à l’image de l’ONU, toutes les guerres ne suscitent pas les mêmes surveillances, et on laisse l’Arabie saoudite affamer le Yémen depuis huit ans ou l’Azerbaïdjan étrangler le Haut-Karabagh sans trop protester. D’ailleurs, l’Azerbaïdjan a trouvé insultants les propos des Français condamnant le fait que son armée, appuyée par les Turcs (qui appartiennent à l’Otan) et forte de mercenaires djihadistes syriens, avait envahi l’Arménie et s’y était comporté de façon cavalière avec les Arméniens et les droits de l’homme. Le président azéri exige des excuses de la France. On devrait envoyer Charlotte examiner le dossier.
Brigitte, ministre de la Santé, dégagée aux législatives, nommée… à la tête de l’Igas
On pourrait aussi lui confier le dossier Orpea. Nous faisons grand cas de l’intelligence sociale de Charlotte, de son souci de respecter des protocoles innovants qui témoignent d’une bonne dynamique et de son sens aigu du bien commun. Pourquoi Orpea ? Parce que Victor Castanet, qui avait dénoncé il y a un an, le 24 janvier 2022, le scandale de ces Ehpad, ressort son livre Les Fossoyeurs en édition de poche, augmenté de dix chapitres qui lui permettent entre autres de décrire comment la Macronie était très embêtée par le scandale : comme Macron avait annoncé une grande loi sur le financement de la dépendance, loi restée dans les limbes de ses promesses, voilà que l’enquête jetait un jour sombre sur les pratiques du capitalisme vautour – et une lumière crue sur l’incurie de l’État. Ce sont les parlementaires LREM qui ont tout fait pour empêcher qu’on mette sur pied une commission d’enquête parlementaire, laquelle a eu le plus grand mal à obtenir le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) – issu d’une enquête mal conduite, selon Castanet –, la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, ou ses services, freinant des quatre fers pour finalement leur donner une version expurgée au nom du secret des affaires… Rassurez-vous, Brigitte est devenue ensuite ministre de la Santé puis, s’étant fait dégager aux législatives, Macron l’a nommée… à la tête de l’Igas, où on espère qu’elle sera aussi efficace que lorsqu’elle était en charge de l’Autonomie. Nul doute que Charlotte n’en ait fait son modèle de gouvernement intelligent et porteur d’avenir, pour les affaires, en tout cas. ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.