PAR RÉMI HUGUES.
Article en 7 parties, publiées du mardi 7 au lundi 13 février 2023. Étude à la lisière des domaines politique et religieux, qui, naturellement, peut donner lieu à débat.
Luc de Barochez a signé pour l’hebdomadaire néoconservateur Le Point du 8 novembre 2022 un éditorial commençant ainsi : « Vladimir Poutine est en guerre contre le diable. Il a échoué a « dénazifier » l’Ukraine ; il va la « désataniser ». Le glissement n’est pas que sémantique. Le recours à un discours apocalyptique pourrait annoncer des crimes encore plus abjects que ceux que Moscou a perpétrés depuis neuf mois. La guerre russo-ukrainienne est désormais assimilée par les propagandistes du Kremlin à une lutte entre le Bien et le Mal, entre l’archange Michel, en la personne du président russe, et l’Antéchrist, incarné par l’Occident »[1].
Cet Occident post-moderne, déchristianisé, est désormais en guerre contre un monde pour qui Dieu n’est pas mort, ni ses blasphémateurs, pour paraphraser l’un des plus célèbres passages d’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche, qui d’ailleurs fut aussi l’auteur d’un livre intitulé L’Antéchrist dans lequel il s’en prit vertement à saint Paul :
« Saint Paul faussa à nouveau l’histoire d’Israël pour la faire apparaître comme la préface de ses actes : tous les prophètes ont parlé de son “sauveur”… L’Église faussa plus tard même l’histoire de l’humanité pour en faire le prélude du christianisme… Le type du sauveur, la doctrine, la pratique, la mort, le sens de la mort, même l’après la mort – rien ne resta intact, rien ne garda plus de sa ressemblance avec la réalité. Saint Paul déplaça tout simplement le centre de gravité de toute l’existence, derrière cette existence – dans le “mensonge” de Jésus “ressuscité”. »[2]
La Parole rapportée de l’apôtre Saint Paul est au cœur du présent article : il est question ici d’examiner un sujet peu vendeur, réservé à une poignée d’irréductibles érudits qui s’intéressent autant à l’ontologie, domaine de la philosophe qui consiste à étudier l’être en tant qu’être, qu’à la géopolitique, ou science des relations internationales.
L’école d’Action Française peut s’enorgueillir d’avoir produit des œuvres faisant référence dans ces deux domaines. Respectivement : Ontologie du secret de Pierre Boutang – d’une part – ainsi que Kiel et Tanger de Charles Maurras et Les conséquences politiques de la paix de Jacques Bainville, d’autre part.
La meilleur façon de rendre hommage à ces Maîtres de la pensée française est de les lire dans une optique bien précise : mieux comprendre les grands enjeux de l’heure, donner du sens aux problèmes cruciaux contemporains et résoudre ce qui, dans le domaine des sciences sociales, relève du mystère.
Gardons-nous de transformer Maurras, Bainville ou Boutang en pièces de musée, qu’on ne pourrait toucher qu’avec les yeux, pour reprendre cette astucieuse consigne donnée aux enfants se trouvant dans un lieu riche en objets de valeur.
Il s’agit plutôt de les concevoir comme des outils, de la technologie très avancée, extrêmement solide et performative, qui attend d’être utilisée sans ménagement ni modération. Ne méprisons ni les débats qui intéressent le peuple, comme actuellement la réforme des retraites ou les pertes folles de pouvoir d’achat dues à l’explosion des prix, en particulier ceux du gaz et de l’électricité, ni les débats qui n’intéressent que les « sachants », à qui il est parfois reproché de sodomiser les mouches ou de se masturber intellectuellement.
Le mépris des couches populaires – ou anti-« giletsjaunisme » –, de même que la haine des élites savantes – ou anti-intellectualisme – sont deux écueils.
Le philosophe Jean-Luc Marion, de l’Académie française, est aujourd’hui l’un des rares à se préoccuper d’un vieil impensé d’ordre « théologicosmopolitique », à savoir « l’énigme toujours indécidée du katehon chez Paul »[3] ■ (À suive).
[1]Luc de Barochez, « Guerre en Ukraine : quand Poutine s’inspire de Ben Laden », Le Point, 8 novembre 2022.
[2]§ 42, traduit par Henri Albert, https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ant%C3%A9christ_(Nietzsche).
[3]Jean-Luc Marion, « La Cité de Dieu comme apologie », Les études philosophiques, P.U.F., avril 2021, n°2, p. 20.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Nous voilà bien avancés!
Si vous n’êtes pas intéressé, ben lisez autre chose. Y’a beaucoup de choses à lire dans ce blog. À moins que pour vous rien ne sera susceptible de nous rendre plus avancé. Cordialement.