Par Catherine Rouvier.*
Hier je l’ai fait. J’y suis allée.
Là où nous devons tous aller : voir « Vaincre ou mourir ».
Comme nous étions tous allés voir le « Katyn » de Wajda et pour les mêmes raisons : soutenir la vérité.
Dans le cas de Katyn, il y avait un mensonge mille fois asséné par la propagande communiste : C’était les Allemands, soi-disant, qui avaient exécuté d’une balle dans la tête, puis jeté dans une fosse au milieu des bois, tout ce que la noblesse polonaise comptait d’officiers.
En réalité, c’était les soviétiques.
Dans le cas de la Vendée, il s’agit plutôt d’un mensonge par omission.
La République, fondée sur la nouvelle religion, celle des Francs-Maçons, qui prône la fraternité de tous les hommes crées par Dieu, pouvait-elle avouer qu’elle avait dans les premières années de son existence, massacré non seulement individuellement, quotidiennement, grâce à la » guillotine » des milliers de français, mais aussi collectivement les habitants d’une partie du territoire national, sans distinction d’âge ou de sexe, de la manière la plus violente.et la plus barbare, par la noyade ou le feu, et sur un ordre expresse d’extermination ?
Il fallait donc le lui rappeler.
C’est dans cette disposition d’esprit que je montai vaillamment les innombrables marches du cinéma que j’avais malencontreusement choisi : le Passy. Le film était en salle 3, la plus haute, et mes hahanements se mêlaient aux halètements sourds des légions cinéphiles en marche.
J’y allais « par devoir » et pour en parler, à la radio notamment.
Aussi ai-je été cueillie à froid, dès le début du film, par une émotion aussi puissante qu’inattendue
Poignant, voilà le mot qui me vint à l’esprit.
Les mots que disait François Athanase Charette de la Contrie m’étaient allés droit au cœur. Sans préavis.
Ceux qui s’attachent, pour critiquer ce film, au nombre de figurants ou aux décors ont dû, tout simplement, refuser le propos.
Le fond du propos.
Et ceux qui ont trouvé gênante la « voix off » n’ont probablement pas voulu entendre ce qu’elle disait.
C’est vrai que le fond du propos est gênant.
Et pas seulement pour les descendants des républicains bon teint.
Pour nous aussi, défenseurs des causes perdues, qui pensons avec Cyrano que « c’est tellement plus beau lorsque c’est inutile ».
Le propos du film est que çà n’est pas inutile.
Qu’il y a un autre monde, un ailleurs dont nous n’avons ici -comme le disait Platon- qu’une infime idée de la beauté et de la bonté.
Dont nous ne voyons que les ombres, et encore lorsque la marée humaine agissante ne nous en cache pas la vue.
Charette oscille entre cette certitude et la crainte du mal objectif que peut provoquer la défense d’une cause minoritaire face à l’écrasante majorité de ceux qui ont les moyens de la noyer dans le sang
Tel ami qui perd son fils, tel autre qui, sûr de mourir s’il mène ce combat, hésite, car il devra alors laisser seule au monde sa fille unique.
C’est sans doute lorsque lui-même, Charette, perd son fils, quand il apprend que son fils est mort, que l’hésitation laisse la place au choix de continuer le combat.
Il avait accepté la paix offerte par la République en échange de la liberté du culte retrouvé, de l’absence de conscription pour les vendéens etc. …
Mais il y avait mis un codicille secret : les républicains ne tueront pas l’enfant du Temple, le petit Louis.
Or ils l’ont tué.
Il décide alors de rompre cet accord de paix et de reprendre le combat.
D’autant qu’une victoire semble à nouveau possible avec le débarquement du Comte d’Artois, frère du roi Louis XVI, de retour d’exil, sur les côtes de Normandie.
Là aussi l’espoir sera déçu.
Le frère du roi ne se déplace même pas pour rencontrer ce « gentilhomme de province » comme Charette se définit lui-même.
Ce qui émeut dans ce film, par-delà l’histoire de la Vendée, c’est l’analogie entre ce qui se passe là et ce qui se passe dans à peu près toutes les rébellions populaires.
Les Gilets Jaunes de toutes époques sont destinés à être ignorés, déconsidérés, mutilés, par ceux qui tiennent le haut du pavé.
Même la présence remarquable et remarquée de Louis de Bourbon duc d’Anjou** et de Charles Emmanuel de Bourbon Parme aux côtés des Gilets Jaunes au tout début de leur combat n’a pu empêcher que tous les moyens de police et de justice – certes moins violents qu’en 1793 – soient utilisés par la République contre eux, avec l’approbation d’une classe supérieure qui craint surtout le désordre.
La comparaison a ses limites, bien sûr, car eux ne combattaient pas pour Dieu et pour le Roi, mais contre une politique rêvée par les membres d’une élite dirigeante européenne qui pour devenir les « héros de la lutte contre le dérèglement climatique, » multiplient les taxes sur l’essence, et de manière générale sur tout ce qui est supposé nuire à la planète, et dont la liste s’allonge chaque jour.
La paix signée une fois rompue, les « Bleus » reviennent en nombre en Vendée, et la cause est cette fois bien perdue.
N’importe.
Charette ira, seul s’il le faut.
Son esprit et son cœur sont déjà sans cet « ailleurs » pour lequel, après avoir hésité, il a décidé de combattre même si la victoire était hors de portée
Tandis qu’il marche lentement vers l’endroit où il sera fusillé me reviennent les paroles du chant chouan
« Les Bleus sont là, le canon gronde,
Dîtes les gars avez-vous peur ?
Nous n’avons qu’une peur au monde
C’est d’offenser notre Seigneur ».
« Les Bleus chez vous, dansant la ronde ,
Boiront le sang de votre cœur !
Nous n’avons qu’un espoir au monde
C’est le cœur de Notre Seigneur »
Charette demande – et obtient -de l’officier qui supervise son exécution de pouvoir choisir lui-même le moment de sa mort.
Il inclinera la tête, et les soldats feront feu.
On notera à cette occasion que les Républicains, si leurs actes de cruauté sont retracés fidèlement, ne sont pas caricaturés dans ce film.
L’officier qui signe la paix avec Charrette, et celui qui l’autorise à choisir le moment de sa mort ont avec le héros une relation humaine d’estime, malgré leurs divergences d’opinion ou de foi.
La dernière pensée qui me vient quand, au moment du coup de feu final – qu’on ne voit pas – apparait le visage douloureux de la femme de Charette qui est dans la foule, est la parenté entre la figure de Charette et celle du héros antique.
Ainsi Hector, fils de Priam, roi de Troie, aimait sa femme et son fils tendrement, révérait son père, et son combat contre les Achéens avait d’abord ce sens-là : protéger son vieux père, sa jeune femme et leur fils, sa ville aussi.
Or le mot héros en grec veut d’abord dire « protecteur »
Quand j’avais été voir « Katyn » j’avais eu la surprise de voir dans la salle une dame professeur et sa classe.
Je souhaite que de nombreux professeurs d’histoire emmènent leurs élèves voir ce film.
Même s’ils sont jeunes, car le film est sobre dans ses effets. L’hémoglobine n’y coule pas à flot comme dans les films par ailleurs excellents de Mel Gibson « Bravehaert », ou « The patriot ». ■
* Catherine Rouvier possède à son actif un parcours intellectuel brillant dans le droit européen et les sciences politiques. Deux fois doctorante, avocate et professeur de droit, elle a fondé le mouvement Souveraineté Indépendance et Liberté, et milite depuis vingt ans pour l’Union des Droites.
** Nous ne sommes naturellement pas d’accord sur le titre de duc d’Anjou donné ici à Louis de Bourbon. Mais ça n’est, ici, guère le sujet.
Source :
Magnifique témoignage !
La réaction, c’est la santé !
Vive la contre révolution et vive le Roi ! Et vivement JEAN IV ⚜️
Merci pour ce regard qui nous enrichit .
Il y a quelques reproches à faire à Catherine Rouvier.
En fin de son article, bien rédigé par ailleurs, un regrettable « j’ai été voir Katyn » alors qu’il aurait été plus grammatical d’écrire « je suis allé » car , ainsi que le disait un de mes professeurs de français « on ne peut pas être et avoir été » !
Comme beaucoup la rédactrice est « emballée » par le film et en tire quelques réflexions dissonantes. François-Athanase (qui n’a pas émigré contrairement à certaines légendes) est présent le 3 février 1792 lors du baptême de son fils Louis Athanase, né la veille au manoir de Fonteclose, par l’abbé Garraud curé de La Garnache. La signature de François-Athanase figure sur le registre (AD 85, BMS La Garnache AD2EO96/4). Le petit garçon meurt à l’âge de deux mois (début avril 1792) ce n’est donc pas la mort de son fils qui a lancé le chevalier dans la Révolte, qui n’existe pas en 1792, et c’est début mars 1793 que les « paysans » viendront le tirer de dessous son lit de Fonteclose.
Enfin « Artois de retour d’exil vient sur les côtes de Normandie ». Artois, le jeune frère du malheureux Louis XVI a débarqué à l’île d’Yeu , île de Vendée et non de Normandie, entre le 2 et 16 octobre 1795 mais n’a pas voulu débarquer sur le continent ce qui fait comprendre à Charette que sa cause est perdue. Artois n’est pas de retour d’exil puisqu’il loge toujours en Angleterre et que ce sont les Anglais qui l’ont amené.
En novembre 2023 j’organise la 22ème Commémoration des Noyades de Nantes où je n’ai jamais vu les producteurs du film bien que le 1er d’entr’eux se soit engagé devant 1500 personnes, pour 2013, et se soit désisté 3 semaines avant. C’est vrai que la Commémoration est gratuite (sauf le prix du repas) et qu’il n’y a pas de boutique commerciale !
Noël Stassinet
Souvenir Chouan de Bretagne
Une précision : selon moi, il s’agit de la sœur de Charette qui se trouve dans la foule lors de son exécution.
Film épique ( malgré les moyens et les 18 jours de tournage) , le choix des acteurs et la reconstitution parfaite.