Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Mme Bouraoui est ce que l’on appelle une « binationale », en l’occurrence française et algérienne. Qu’on le veuille ou non, la binationalité reste une sorte de zone juridique grise et il est difficile de ne pas voir d’abord dans ce qui est arrivé à cette dame une bonne illustration des problèmes y afférents.
Ayant participé en tant qu’Algérienne à la révolte du Hirak (2019-2021), elle est emprisonnée, puis libérée, puis condamnée à deux années de prison à purger à partir du prochain printemps, et pour ce motif sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire algérien. Elle se souvient alors qu’elle est française et utilise son passeport gaulois pour passer en Tunisie d’où elle parvient à rejoindre la France.
Fureur d’Alger, un peu compréhensible tout de même, qui met en cause, à tort ou à raison, les services français pour cet acte « très inamical » : « La France […] ne changera jamais » ( El Moudjahid). Le nombre de binationaux franco-algériens est tel qu’il constitue de fait une source de problèmes à venir entre les deux pays, à moins que ceux-ci ne trouvent un accord satisfaisant.
Cela dit, la question se pose de savoir s‘il s’agit d’un simple prétexte à un énième psychodrame entre Paris et Alger, peut-être dû à des tensions internes au pouvoir algérien, ou d’une crise beaucoup plus grave propre à recongeler des relations qui donnaient l’impression de devoir se réchauffer. En effet, il y a seulement six mois, en visite officielle à Alger, M. Macron se montrait d’autant plus conciliant sur la question mémorielle ou sur les visas qu’il affichait l’ambition de mettre sur pied avec son « ami » le président Tebboune un vrai partenariat politique, économique et militaire (« Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé »). Il parlait même d’une « histoire d’amour » entre la France et l’Algérie (faisant écho, sans doute involontairement et quarante ans plus tard, au fameux « coup de coeur » de Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures de François Mitterrand, de 1981 à 1984). Lui succédaient à Alger, en octobre dernier, Mme Borne, accompagnée de la moitié de son gouvernement puis, en décembre et en solo, M. Darmanin. Dans l’autre sens, on notera en janvier la visite discrète mais très significative du général Chengriha, chef d’état-major de l’armée de terre algérienne.
Or, suite à l’affaire Bouraoui, Alger a rappelé son ambassadeur en France « pour consultation », ce qui en langage diplomatique signifie un grand mécontentement. Seraient par ailleurs compromis (reportés, voire annulés ?) la réunion du Comité mixte économique franco-algérien, la visite en France du président des patrons algériens, des projets économiques et militaires « majeurs » (sur le pétrole et des minerais « stratégiques »). Mais, surtout, la presse algérienne souligne le caractère très incertain de la venue à Paris en visite officielle de M. Tebboune, président de la République algérienne – visite programmée pour le mois de mai et présentée auparavant comme le point d’orgue du processus dit de « réconciliation ».
Si on devait en arriver là, se poserait vraiment la question de savoir s’il faut, oui ou non, continuer à courir après une Algérie qui manifesterait tant de mauvaise volonté, voire de mauvaise foi, en réponse à la grande compréhension (certains y voient une faiblesse coupable) dont la France n’aura cessé de faire preuve depuis soixante ans. La réponse n’est pas facile. Sauf à renoncer au moins provisoirement à une politique étrangère active pour se replier de façon tactique sur son pré carré, la France peut difficilement, et pour de nombreuses raisons, ignorer l’Algérie. Il lui faudrait alors continuer à œuvrer en espérant des jours meilleurs, car rien ne peut être exclu. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Et, en « même temps », M Macron gâche la relation de la France avec le Maroc…qui est sans doute « plus regrettable » encore
Ne pas confondre le peuple algérien avec la superstructure politico-mafieuse qui le gouverne depuis soixante-deux ans.
Aucune réconciliation ne sera possible tant que le « gouvernement » algérien utilisera la France comme excuse à ses insuffisances et encouragera le sentiment anti-français chez sa population, surtout la jeune génération qui n’a pas connu la présence française.
À mon avis, dans la situation actuelle de l’Algérie, toute perspective de réconciliation est anachronique. Nos relations avec l’Algérie sont donc au sens le plus rude et le plus prosaïque du domaine de la politique étrangère. Ça ne veut pas dire qu’elles seront inexistantes mais qu’elles fluctueront en nature et en volume en fonction des nécessités, c’est à dire des besoins, petits ou grands, de chacune des parties.
Ce que suggère peut-être cet article, c’est que, compte-tenu du passé, mais aussi de la géographie et de la géopolitique dans le monde tel qu’il est, on rêvera toujours au retour de liens plus étroits entre la France et l’Algérie des deux derniers siècles dont plus de la moitié fut française, étant tenu compte aussi qu’en amont des deux siècles en question, à proprement parler, l’Algérie n’existait pas.
Pour ce qui est de cette dernière perspective, l’article dit aussi, à mon avis à juste titre, que rien n’est à exclure. Notamment le fait que la nécessité de rétablir des liens plus spécifiques entre la France et l’Algérie finira par être redécouverte, et peut-être par se réaliser.
Il est clair que cela supposerait de profonds changements du côté de la partie algérienne. Mais il ne faut pas se cacher qu’il en serait de même du côté de la partie française, aujourd’hui un capable de dessein de long terme et de décisions courageuses, incapable aussi de mettre de l’ordre chez elle, en particulier s’agissant de la nationalité et de la démographie.
La réponse est simple : basta !!
Mais à quoi nous sert l’Algérie ? La repentance ne doit plus avoir cours car avec les anciennes colonies la situation est tellement différente… et apaisée (du moins en apparence !) .
Que viennent faire les algériens en France, ceux qui quittent l’Algérie …?
Il n’y a plus aucune clémence ni courbure d’échine tant avec les gouvernements algériens qu’avec la population ! Ça suffit, plus aucun passe-droit, plus aucune attitude dérogatoire, plus rien !!!!
Faut-il tirer un trait sur l’Algérie ? Oui ! Bien sûr ! Elle l’a d’ailleurs fait depuis longtemps sur la France. Ou plutôt elle le prétend, car les Algériens n’aiment rien tant que geindre auprès des méchants français de tous les tourments qu’ils auraient subis. Qu’ils se débrouillent ! Nous ne nous en porterons que mieux.
Et j’ajouterai : ne tentons pas de défendre la colonisation républicaine. Laissons ce soin aux républicains. Eux aussi, qu’ils se débrouillent.