PAR RÉMI HUGUES.
Article en 7 parties, publiées du mardi 7 au lundi 13 février 2023. Étude à la lisière des domaines politique et religieux, qui, naturellement, peut donner lieu à débat.
Toujours dans le même article, Youssef Hindi écrit : « La chute de Rome est inscrite dans la tradition juive comme une des conditions de la rédemption, de l’avènement du Messie des juifs et du règne d’Israël. » En fait cette Rome dont il est question, c’est l’ennemi actuel de la Russie, c’est l’Occident.
Le Maharal de Prague, qui vécut au XVIe siècle, ne s’intéressait naturellement pas au concept de katechon eu égard à son rejet de la Parole de son coreligionnaire Saül de Tarse. Mais son exégèse, telle qu’elle a été rapportée sur TF1 le 7 décembre 1980 par Josy Eisenberg et Beno Gross, vient corroborer la conception du katechon faite par Youssef Hindi, pour qui, rappelons-le, c’est une dyade.
Commençons par ce qu’y dit Josy Eisenberg : « Il y a un chapitre du Maharal qui est particulièrement intéressant, que je voudrais résumer pour les téléspectateurs, car le Maharal pose une question vraiment très importante et prémonitoire. Il dit : dans le Talmud on nous dit qu’il y a quatre empires, d’accord, mais on nous ne parle pas de l’empire arabe. Ça existe l’empire arabe. Mahomet et les conquêtes arabes, ça existe. Comment se fait-il que les rabbins du Talmud parlent de quatre empires qui veulent détruire Israël, et jamais de l’empire arabe. Et le Maharal fait une réponse que je trouve extraordinaire, et que vous soumets : c’est parce que l’empire arabe, en réalité, n’a pas besoin de la destruction d’Israël. Et je trouve cette réponse extraordinaire. Qu’est-ce qu’elle signifie ? Elle signifie qu’il y a une opposition fondamentale entre l’avidité, l’esprit de domination, le paganisme et, enfin, l’impérialisme de ces quatre empires, ce sont les quatre défauts qui se sont manifestés dans l’histoire, et que chacun d’entre eux voit en Israël quelque chose qui le gêne. Par contre, dit le Maharal, les Arabes dans le Coran n’ont jamais dit que pour être reconnus, il faut qu’Israël disparaisse. Même sur le plan idéologique il y a un conflit entre le judaïsme et le christianisme, les chrétiens ayant longtemps prétendu qu’il fallait qu’Israël disparaisse ou se convertisse pour manifester la légitimité du christianisme. Les musulmans n’ont jamais dit cela. Et par conséquent, l’Islam ne tirera jamais sa force, dit le Maharal, de la destruction d’Israël. Il est évident que c’est un texte que je tenais absolument à citer par les temps que nous connaissons, parce que je trouve ce texte à la fois très optimiste et très encourageant, mais surtout sur le plan philosophique très fondé. Effectivement il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de coexistence idéologique entre le judaïsme et l’islam. »
Puis Beno Gross d’abonder : « Les Arabes, ou le monde arabe, le royaume arabe, ne tient pas sa force de la destruction d’Israël. Il y a une mission directe qui lui a été confiée par Dieu sans intermédiaire. Et c’est pourquoi il fait partie en quelque sorte de la typologie des patriarches. Il entre, je pourrais presque dire, d’une façon parallèle à Israël dans l’histoire. Il ne tient pas sa puissance de la destruction d’Israël. »
« Alors, voyez-vous, ce conflit entre Israël et les Arabes, est probablement un faux conflit. Et ainsi nous allons arriver, nous allons pouvoir arriver au Cinquième royaume »[1], conclue Josy Eisenberg.
Le Califat, entendu comme composante du katechon-dyade tel que l’interprète Youssef Hindi, est donc un instrument messianique, de même du coup que l’Europe-de-Galway-à-Vladivostok, ou, dit autrement, « l’“Union eurasienne”, […] grand projet poutinien »[2] d’après la spécialiste de la Russie Anne de Tanguy, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et chercheuse à Sciences Po.
Le point commun de ces deux ensembles géopolitiques qui forment le truchement par lequel l’avènement du Cinquième royaume se réalisera un jour est l’attachement à la reconnaissance de la messianité de cet homme qui fut élevé par le charpentier Joseph – d’où son titre de machiah ben Yosef – contre la conjuration qui vise sa disparition des mémoires, ou du moins à lui ôter sa messianité.
Parmi ceux-là figure les héritiers de Jean Jaurès, qui vont de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron. Celui qui fut député de Carmaux écrivit, dans La Question religieuse (1891), ceci : « Jésus est Dieu, mais comme le sont toutes les consciences et tous les êtres, comme l’est l’univers lui-même »[3]. Plus loin il ajoute : « J’ose même dire que l’humanité comprendra et aimera d’autant plus le Christ qu’elle pourrait à la rigueur se passer de lui. »[4] ■ (Suite et FIN).
[1]https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cpa80055740/les-quatre-betes
[2]https://www.leparisien.fr/archives/le-grand-projet-de-poutine-c-est-une-union-eurasienne-17-04-2014-3773937.php
[3]Cité par Vincent Peillon, Une théologie laïque, Paris, P.U.F./Humensis, 2021, p. 89.
[4]Cité par ibid., p. 93.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Rémy Hugues aborde des thèmes métapolitiques importants et difficiles. Je pense qu’il faut éviter de le publier en petits morceaux, ce qui n’en facilite pas la lecture.
Pourquoi ne pas publier de petits essais permettant mieux la compréhension du propos global ?