Par Philippe Mesnard.
La “mondialisation” si fort vantée signifiait la mainmise de “l’Occident” sur les ressources de la planète, la vassalisation des pays sous-développés transformés en ateliers, industriels (comme en Chine communiste) ou serviciels (comme en Inde), et le règne de la finance.
Ce vaste mouvement entamé au XVIIe, qui prétendait faire du doux commerce l’instrument de la paix universelle, avait de fait abouti à un ordre mondial capitaliste qui avait su, au fil des décennies, parer son avidité des nouvelles vertus de la responsabilité et de la durabilité – entendez qu’il s’agissait d’interdire aux pays émergents d’arriver au même stade de développement industriel que celui des maîtres du monde. Comme l’histoire des peuples n’est pas indexée sur le marché de la banane et que les sociétés sont des mécanismes plus compliqués qu’une fusion-acquisition entre courtiers d’assurances, la mondialisation a hoqueté puis s’est grippée. Le totem du libre-échange s’est révélé un hochet commode pour interdire aux autres ce qu’on s’autorise à soi-même, la disproportion manifeste entre les acteurs est apparue comme une injustice, le grand appareil des organisations internationales a montré qu’il était aux ordres du petit nombre.
S’émanciper de la tutelle occidentale
On voit à travers le marché des micro-processeurs comment les États-Unis tentent de reconquérir une souveraineté industrielle nationale à laquelle ils tiennent farouchement, comment les pays émergents ont misé sur cette industrie pour s’émanciper de la tutelle occidentale, comment le marché ne règle rien, comment les nations font commerce mais sans douceur. Les sanctions contre la Russie révèlent de leur côté, à l’heure actuelle, à quel point le prétendu ordre mondial est une structure pyramidale qui s’étonne que la base ne veuille pas exécuter les ordres du sommet, et comment le commerce échappe à ceux qui prétendent le régler après avoir voulu en faire la règle ultime. Là aussi, les “ateliers” regimbent et l’économie réelle des matières premières et des démographies regagnent en importance par rapport au capital financier. Certains tentent de raisonner la nouvelle donne en reconnaissant timidement au concept de souveraineté une certaine pertinence – les pénuries et les conflits aidant beaucoup à cette naïve prise de conscience – sans pour autant vouloir franchir le pas et redonner aux nations le rôle politique nécessaire qu’elles doivent jouer. Ils ont tort. ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.
La démondialisation est en cours d’après les économistes hétérodoxes tel Jacques Sapir qui a publié en avril 2021 une version actualisé de son livre justement intitulé « La démondialisation ». En France nos élites ont au moins un train de retard, nous n’en sommes qu’au constat des effets néfastes de cette mondialisation dite heureuse. A une nuance près c’est la création d’un Commissariat général au Plan.