PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cet article est paru dans Le Figaro de ce matin, samedi 18 février. Nous n’avons pas besoin de le faire remarquer au lecteur ni surtout à Mathieu Bock-Côté qui l’énonce lui-même : « Comme toutes les idéologies révolutionnaires, elle (la théorie du genre) entend criminaliser le non-respect de ses commandements idéologiques ». Les idéologies révolutionnaires, les Français ne les ont sans doute pas inventées. Mais ils ont été les premiers, dans une Europe alors sous influence française, à les mettre en pratique de la façon totalitaire et sanglante que l’on sait. C’est de cette rupture avec leur personnalité historique venue du fond des âges, qu’ils feront bien de faire repentance. Repentance, cette fois-ci, constructive et réparatrice.
CHRONIQUE – L’Espagne vient d’adopter une loi permettant de changer librement de genre dès 16 ans, au niveau de l’état civil.
La rééducation et la domestication d’une société passent par la capacité à faire dire à chacun publiquement le contraire de ce qu’il pense en privé.
En Écosse comme en Espagne, la question du changement de sexe des mineurs est au cœur de l’agenda politique, et suscite quelques tumultes. Les mesures visant à le faciliter sont chantées par les grandes voix du régime diversitaire, et cela, généralement dans le langage de la santé publique. On explique que les jeunes «trans», s’ils n’ont pas accès à ces traitements, ont de grandes chances de basculer vers la dépression et de développer des pensées suicidaires. Ce qui revient à transformer les adversaires de ces mesures en complices de leurs prochains malheurs, même les pires.
Dans les deux pays que je viens d’évoquer, les traitements hormonaux deviennent même optionnels, et presque symptomatiques d’un esprit conservateur pour leurs détracteurs, car ne faut-il pas vivre dans un monde pétrifié pour croire que le corps doit devenir «physiquement» d’un sexe avant de s’en réclamer? Ne suffit-il pas de se «sentir» appartenir à un sexe pour y appartenir? Dès lors, le changement de sexe à l’état civil ne sera plus qu’une démarche administrative. Il suffira qu’un homme se déclare femme pour être considéré par les autorités comme une femme. L’inverse est aussi vrai. Le ressenti fait foi de tout et la subjectivité devient autoréférentielle, sans s’inscrire dans un monde qui la structure.
Dans la logique de la théorie du genre, le sexe n’est pas reconnu au moment à la naissance
On renverserait ainsi une disposition centrale au cœur de la société «hétéropatriarcale»: la soi-disant assignation arbitraire du sexe à la naissance. Dans la logique de la théorie du genre, le sexe n’est pas reconnu au moment à la naissance. C’est la société qui enserre immédiatement le poupon dans ses catégories et l’inscrit dans une dynamique de socialisation qui l’enfermera dans un genre, sans jamais avoir obtenu son consentement. Dès lors, plus il pourra s’extraire rapidement de ces catégories, mieux ce sera.
On connaît le fondement idéologique de la théorie du genre, sur laquelle reposent ces changements législatifs: le masculin comme le féminin seraient de pures constructions sociales, qu’il serait temps de déconstruire pour faire apparaître ce qu’on appelle la fluidité du genre, qui s’imposera comme la nouvelle norme jusqu’à l’avènement de ce qu’on pourrait appeler la flaque finale. Le corps biologique devient un résidu insignifiant, ne pesant en rien sur l’identité sexuelle. Nous entrons dans un monde où demain, un homme pourra alors voir sans rire son gynécologue, et une femme, craindre un cancer de la prostate.
Le vieil ordre sexué doit être abattu et, pour cela, on le ridiculisera. Les drag-queens ne sont pas une nouveauté. Mais c’est désormais une mode, venue des États-Unis, qui, pour ses promoteurs, doit artificialiser radicalement l’ordre sexué de l’humanité, l’homme embrassant jusqu’à la caricature les traits supposés de l’autre sexe, pour les réduire à un simple costume de théâtre. Des deux côtés de l’Atlantique, aux États-Unis comme en France, des drag-queens veulent s’imposer dans les écoles pour pratiquer une forme de pédagogie par l’exemple, montrant à chacun que, en dernière instance, il peut «choisir son genre», et cela dès le plus jeune âge.
Il s’agit aussi de renverser les critères traditionnels de beauté pour les dissoudre dans la logique du genre. Le carnaval de Québec, qui célébrait les traditions québécoises et mettait en valeur les plus belles femmes de la ville en les faisant duchesses le temps de l’événement, s’est converti cette année à un nouveau modèle. Il célébrera la diversité culturelle, sexuelle et corporelle, et remplacera les duchesses par des drag-queens. Le monde américain de la chanson fait aussi du trans sa nouvelle icône.
Emportés par ce mouvement, qui prétend s’inscrire dans l’histoire de l’émancipation moderne, et auxquels toutes les sociétés occidentales finissent par se soumettre, certaines faisant seulement preuve d’un peu plus de prudence que d’autres, on en vient à sous-estimer sa nature révolutionnaire. Reportons-nous il y a une décennie à peine, au moment où le débat sur la théorie du genre perçait. On ne la prenait pas au sérieux – pire, on s’en amusait. Elle s’est désormais transformée en dogme.
Par ailleurs, comme toutes les idéologies révolutionnaires, elle entend criminaliser le non-respect de ses commandements idéologiques. Ainsi, si une militante féministe dit à une femme trans (un homme biologique se déclarant femme) qu’il demeure à sa manière un homme, elle pourra se faire accuser de propos haineux, et peut-être même être poursuivie en justice. La rééducation et la domestication d’une société passent par la capacité à faire dire à chacun publiquement le contraire de ce qu’il pense en privé. L’idéologie se substitue à la réalité et pousse à la falsification du monde, où le vrai et le faux se confondent, et l’être humain se désincarne jusqu’à la mutilation physique et psychique. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
L’ordre sexué est directement celui de l’engendrement. S’attaquer à cet ordre est la manifestation d’un refus de prolonger la vie au-delà de l’individu.
Or, cette inclinaison à prolonger l’existence de l’espèce alors même que l’individu est irrémédiablement promis à la mort, caractérise la nature, non seulement le règne animal, mis aussi les végétaux : c’est lorsqu’il va bientôt mourir que l’arbre creux donne ses plus beau fruits.
Le refus de prolonger la vie des siens au-delà de soi-même par refus du mariage, refus de la procréation, indifférence pour la cité, caractérise notre époque
La culture de « l’homosexualité » est une négation de la sexualité, une forme parmi tant d’autres, de « révolte de ‘individu contre l’espèce » aurait dit Maurras.
Le combat pour la vie n’est pas seulement une question de « morale »
L’ordre sexué est directement celui de l’engendrement. S’attaquer à cet ordre est la manifestation d’un refus de prolonger la vie au-delà de l’individu.
Or, cette inclinaison à prolonger l’existence de l’espèce alors même que l’individu est irrémédiablement promis à la mort, caractérise la nature, non seulement le règne animal, mis aussi les végétaux : c’est lorsqu’il va bientôt mourir que l’arbre creux donne ses plus beau fruits.
Le refus de prolonger la vie des siens au-delà de soi-même par refus du mariage, refus de la procréation, indifférence pour la cité, caractérise notre époque
La culture de « l’homosexualité » est une négation de la sexualité, une forme parmi tant d’autres, de « révolte de l’individu contre l’espèce » aurait dit Maurras.
Le combat pour la vie n’est pas seulement une question de « morale ». Nous assistons à la revanche métaphysique du gnosticisme dualiste, Bogomiles et autres Cathares ; et les gnostiques licencieux ne sont pas moins nihilistes que les autres…
Au compte de ces théories, il faudra sans doute constater prochainement la nécessité des options que l’on pourrait qualifier de «spécifistes»… Par exemple, naît-on bien réellement chien, chat, pachyderme ou humain ? N’y aurait-il pas lieu de chercher à «s’assentir» pour ce que l’on est, à savoir, par exemple : maquereau, pour un Maqueron ; pute-borgne, pour une taupe ; godasse trouée, pour une Braun-Pivet ; paillasson, pour un Méchant-long ; etc. Il est désormais opportun d’envisager l’accord de la gestation hominale aux truies et celle cochonne aux Strauss-Kahn et Darmanin… Adoncques donc : pisser de bout en bout en eau croupie, haleter devant les magasines et simuler l’orgasme du lapin bonobobisé dans les salles de shoot.
Dieu m’entende !
Ce délire revlutionnairem pose un problème démographique et suicidaire à notre planète