Par Jany Leroy.
Ce billet sympathique et bien écrit est paru dans Boulevard Voltaire le 18 de ce mois. Nous ne sommes pas sûrs qu’il y ait beaucoup de sens à dire que Molière était furieusement royaliste s’agissant d’une époque où la chose allait e soi. Mais il est vrai que la nôtre – d’époque – pourrait le prendre pour tel et monter une de ces affaires par quoi l’on vise à déconstruire la France, comme Sandrine Rousseau affirme avoir « déconstruit » son mari. Molière se serait peut-être amusé à rechercher les symptômes et les réalités tangibles de la dite déconstruction. Cet article est sympathique, avons-nous dit, on prendra plaisir à le lire.
Un condensé de politiquement incorrect
Francis Huster en a fait son nouveau combat : le transfert des cendres de Molière au Panthéon. Depuis 2019, le comédien peaufine son discours solennel : « Entre ici, Momo, et vois tous ces républicains grandioses qui t’acceptent à leurs côtés. » Le mausolée fut prévu pour héberger les héros de la République. « Si le Panthéon doit célébrer l’avènement de la République, Molière est un homme de l’Ancien Régime et un soutien du pouvoir de l’Ancien Régime et de Louis XIV », explique un spécialiste de la littérature au XVIIe siècle à BFM. Emmanuel Macron ne peut déroger à cet impératif. Quelques dérogations furent tolérées par la bonne grâce de l’Assemblée nationale : Descartes, Voltaire, Rousseau. Faire entrer Molière serait la source de troubles et de complots à l’intérieur même de l’édifice. L’Élysée ne peut prendre le risque qu’un groupuscule se forme.
L’auteur du Malade imaginaire était furieusement royaliste. Militant contre la prolifération des tartuffes, moqueur des Sandrine Rousseau de son époque. « N’y pensez plus, cher Francis Huster. Honorer un tel vaurien serait offrir un miroir à nos propres grimaces, ouvrir la porte à des turlupins de même facture, nous embarquer pour une aventure dont Dieu seul sait dans quel tréfonds de bar identitaire elle nous mènerait. » La déclamation de l’acteur Macron sur le perron de l’Élysée faillit lui valoir un Molière. « En statuette dans mon bureau, d’accord. Au Panthéon, jamais ! » Sa propension à en « faire trop » lui fit, hélas, rater le trophée.
En févier 2021, lors du 400e anniversaire de la naissance du dramaturge, Francis Huster avait déjà frappé à la porte de l’Élysée. Toc ! Toc ! Toc ! Une voix venue du bureau présidentiel avait chassé l’importun. « Si c’est pour Molière au Panthéon, le monsieur, il est pas là. » Décidément, Emmanuel Macron avait le don. Son interprétation d’une femme de ménage portugaise était à s’y méprendre. À défaut de Président, l’ex-sociétaire de la Comédie-Française trouve une oreille compatissante auprès d’une élue LR de Paris. Brigitte Kuster adresse une question au gouvernement le 7 févier 2021. « Cette première entrée d’un comédien au Panthéon serait un signal puissant adressé au monde du spectacle vivant et de la culture. » D’un même élan, Francis Huster et l’élue se focalisent sur la fonction de « comédien ». Le génie créatif de Molière semble glissé sous le tapis au profit d’un talent dont nul ne peut témoigner aujourd’hui. L’artiste en question ne doit sa légende qu’à ses seules pièces de théâtre dans lesquelles il ironise sur l’obscurantisme sociétal du moment. À l’heure où la préciosité ridicule s’étale sur les plateaux télé, le tartuffe couvre ces diatribes qu’il ne saurait voir. La comédie républicaine ne connaît pas d’entracte. ■
Jany Leroy