CONTRIBUTION / OPINION. Si le gouvernement aime mettre en avant le déficit de l’assurance-vieillesse dû au « déséquilibre démographique », il paraît complètement paralysé quand il s’agit de parler des mesures pour renverser ce phénomène.
« Faire naître ou faire venir, il faut choisir »
Certains ne s’y sont pas trompés : qui dit le système de retraite par répartition dit natalité dynamique. Si le Rassemblement national est en pointe sur ce débat — notamment le député Laure Lavalette —, d’autres personnalités, comme François Bayrou ou Ségolène Royal, ont réaffirmé l’importance d’avoir une véritable politique familiale pour un pays comme le nôtre. Or, la classe dirigeante assiste, depuis des années, à l’effondrement de la fécondité des Français et refuse d’entreprendre des politiques pour pallier cette catastrophe. Tout semble même indiquer qu’elle a fait le choix des immigrés pour combler ce manque. Pourtant, une autre politique est possible : la politique nataliste.
Le suicide démographique européen
En 2022, avec un taux de 1,79 enfant par femme, la France faisait partie des pays européens les plus fertiles. Pourtant, l’an dernier, les Français ont fait 19 000 bébés de moins que l’année précédente — ce qui nous donne un des pires chiffres depuis trente ans. Concernant nos voisins européens, le constat est encore plus terrifiant : la moyenne est entre 1,4 et 1,5 enfants par femme avec des records de sous fécondité en Italie, Espagne, Allemagne.
Au cours des cinq décennies passées, la part des moins de 20 ans dans la population n’a cessé de régresser ; alors que la part des séniors (personnes âgées d’au moins cinquante ans) l’emporte de plus en plus largement. « Cette inversion de la pyramide des âges, qui procède de la persistance trentenaire d’une fécondité largement insuffisante pour assurer le remplacement des générations, est amplifiée depuis vingt ans par le recul de la mortalité après 50 ans », remarque le démographe Philippe Bourcier de Carbon.
Depuis 1997, l’Europe est moins peuplée que l’Afrique, où la pyramide des âges est complètement inversée avec moins de 20 séniors âgés de 50 ans et plus pour 100 jeunes qui n’ont pas encore atteint 20 ans d’âge. Fuyant la stagnation économique et les multiples conflits qui ravagent leurs pays, toutes ces jeunes populations d’Afrique et des Proche et Moyen-Orient composent ces flux d’immigration sans fin qui se déverse sur l’Europe.
Le choix immigrationniste de l’UE
Nourrissant les filières de trafiquants — avec lesquelles des ONG négocient —, la poussée migratoire des peuples du Tiers-monde se traduit aussi par la croissance de l’immigration illégale. Ces immigrés illégaux étant considérés comme des facteurs de production et de consommation nécessaires à l’Europe, l’UE feint de combattre ces filières et procède à des régularisations périodiques. Vu que les pays européens peinent à remplacer les générations, l’UE a établi un droit de l’asile et de l’immigration contraignait pour les pays réfractaires.
Relevant traditionnellement de la souveraineté et de la compétence des États, le traité de Maastricht de 1992 invitait encore les gouvernements à se concerter afin de coordonner les politiques nationales en matière d’immigration. Mais depuis le traité d’Amsterdam de 1997, le transfert de ces matières (gestion des demandes d’asile et de l’immigration) à la Commission de Bruxelles, lesquelles furent rattachées au « premier pilier » des traités communautaires, acta qu’elles devaient dorénavant relever du traité de Rome comme le « marché intérieur » ou la « politique agricole commune ».
Après le traité de Nice de 2001, les États renoncèrent à leur véto, et, depuis 2004, les décisions du Conseil européen peuvent désormais être prises à la majorité qualifiée. La France n’ayant plus sa capacité d’exercer sa souveraineté, elle demeure incapable de prendre les dispositions juridiques qui lui permettraient d’agir sur l’immigration. Entravée par les structures supranationales que sont la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) et la CEDH, elle ne peut que se soumettre à des règles intransgressibles.
Or, cela coûte cher de maintenir les conditions matérielles et les services nécessaires à l’intégration des immigrants. Maurice Allais, prix Nobel d’économie en 1998, dira sur le sujet : « Pour assurer le fonctionnement de son économie, un pays a besoin en effet de maintenir ses infrastructures : écoles, Universités, hôpitaux, logements, routes, usines, bureaux… (…) Il en résulte que, pour bien intégrer un travailleur immigré, un pays doit mobiliser une épargne égale à environ quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. » Et cela, sans parler des tensions culturelles, géopolitiques et de politique intérieure que l’arrivée en masse d’immigrés produit — on sait que, lors des dernières tensions en Méditerranée en 2020, l’Allemagne ne soutint pas la France et la Grèce à cause du contingent turc sur son territoire.
L’impact du social sur la natalité
Le gouvernement aime à rappeler que, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), nous sommes passés de trois cotisants pour un retraité en 1970, deux pour un en 2000, 1,7 pour un aujourd’hui, avant d’atteindre 1,4 pour un en 2050. L’important, ici, est de chercher à comprendre pourquoi nous connaissons cette baisse. Parmi ces raisons, il faut s’attarder sur les impacts de la désindustrialisation, du chômage de masse et de la paupérisation des jeunes.
Pierre Vermeren, dans son livre La France qui déclasse, revient sur cette tragédie que fut l’amputation du capital pour le tissu social et économique de la France. Après la guerre, c’est plus de 6 millions d’emplois agricoles qui ont disparu ; sans compter, depuis 1984, les 3,5 millions d’emplois industriels — souvent sous prétexte de création d’entreprises à taille européenne ou mondiale. Depuis, notre pays a accepté de vivre avec 6 millions de chômeurs et 2 millions d’allocataires du RSA (une faible part se recoupant). Encore plus grave, l’OCDE a recensé l’existence de 3 millions de jeunes n’étant ni à l’université, n’y exerçant un travail, ni en stage.
Dans les territoires de la France postindustrielle, l’ampleur de cette dévastation économique entraîna un phénomène sans précédent de paupérisation des jeunes. Ancien lauréat du prix Goncourt (Leurs enfants après eux, Actes sud, 2021), Nicolas Mathieu avait retranscrit dans son livre la liste des conséquences : effacement des héritages culturels ; fracturation des familles ; arrivée de la drogue ; recomposition d’une culture par « fragments de mondialisation » ; mortalité grimpante chez les hommes. Vivre des revenus sociaux est devenu une réalité pour nombre de ces « parias ». La marginalisation politique, économique et sociale des jeunes adultes (— de 40 ans) est le signe manifeste d’un déclin d’une société. Il est reconnu que de tels phénomènes dépriment la fécondité de ces jeunes, et provoque alors un taux d’accroissement naturel négatif et un vieillissement « par le bas » de la pyramide des âges.
Le sacrifice des jeunes hommes
Il faut le dire : tout refus d’une politique nataliste, ainsi que la poursuite du non-remplacement des générations des Français, coïncide à l’euthanasie physique de la population autochtone française. Or, pourquoi le gouvernement s’interdit de parler de natalité ? Parce que c’est une politique d’extrême droite ? Pas du tout. Parce qu’il sait que les élites françaises — depuis des décennies et sous « parapluie européen » — ont contribué à cette situation par la vente à la découpe des fleurons nationaux, la mise en place de l’euro, l’avènement du tout tertiaire, la libéralisation des échanges et l’immigration de masse.
Dans une société comme la nôtre, quel avenir attend ces jeunes Français ? Alors que leurs ancêtres avaient été des ouvriers, des paysans, des soldats et des pères de famille nombreuse, eux, sont déclassés et relégués en bas de l’échelle sociale — tout en vivant dans un système qui leur donne une piètre image d’eux-mêmes. Dans un livre décrivant ce phénomène en Grande-Bretagne (The Lost Boys. The White Working Class Is Being Left Behind, The Spectator, 2020), Christopher Snowon revenait déjà sur le fait que les jeunes hommes blancs des classes populaires, à cause de leur éloignement culturel et géographique, subissaient une « perte de confiance, d’estime, de motivation, pour tout dire de pulsion vitale ».
Ces jeunes déclassés doivent alors jongler entre allocations et emplois précaires, tout en étant obligés de vivre en colocation ou chez leurs parents. Il est certain que ces situations ne les aident aucunement à s’émanciper, à partir de chez eux et à construire un foyer. Pour se convaincre de l’importance de l’élément social pour la fécondité, il suffit de mettre en corrélation la carte européenne de la fécondité avec celle du pourcentage de jeunes (25-34 ans) vivant chez leurs parents. Tous les pays ayant un haut taux de fécondité (France, Suède, Islande, Danemark) ont aussi les taux les plus bas de jeunes restés au foyer familial. A contrario, les pays où la fécondité est la plus basse comme l’Espagne, l’Italie ou les Balkans en général, ont un taux extrêmement haut (quasiment un adulte sur deux) de jeunes encore chez leurs parents.
Il est évident que l’on pourra m’opposer les arguments des pratiques culturelles propres à chaque pays ou de l’incidence de la part de ces immigrés. Il n’empêche, ces chiffres nous alertent sur des dangers qui touchent l’ensemble des peuples européens : le déclassement social, la destruction de l’industrie, la perte du sens de la vie, la natalité en berne des populations autochtones. Le RN est le seul parti à se préoccuper de la question — avec une reprise des propositions calquées sur le modèle hongrois. Cela va dans le bon sens, mais ces propositions ne suffisent pas. Il faut que la natalité devienne un enjeu national pour les prochaines années. Pour que les Français refassent des enfants, il faudra une politique d’envergure leur permettant de croire en eux, en leur pays et en leur avenir. ■