CONTRIBUTION / OPINION. Tétanisé par l’offensive woke dans une société française de plus en plus américanisée, le peuple français doit reprendre en main son destin et réaffirmer ses valeurs.
« Quel est votre genre ? » ; « Comment décrivez-vous votre orientation sexuelle ? » ; « Comment décrivez-vous votre ethnie, race ? » ; « Vous identifiez-vous comme trans ? ». Voilà les interrogations auxquelles doit répondre un jeune Français cherchant un stage dans une entreprise de consultation américaine. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Si l’histoire des idées ne saurait encore attester de son influence, un courant métapolitique nommé « woke » a au moins le mérite de susciter les débats. En effet, au cœur de diverses problématiques, ce mouvement anime les passions collectives. Entre le retour de l’idéologie, la perte d’identité et le totalitarisme : les médias en raffolent.
Pour comprendre sa diffusion récente, mais néanmoins spectaculaire en France, il est essentiel de remonter aux origines de ce courant de pensée tout droit issu des États-Unis. Bien qu’il soit désormais dans nos dictionnaires, le terme « wokisme » est une déformation de « awake », signifiant être éveillé. En 1938, à la fin de sa chanson « Scottsboro Boys », le bluesman américain Lead Belly conseillait à tout un chacun de s’éveiller (« stay woke »). Trente ans plus tard, alors que les politiques ségrégationnistes commençaient à être abolies, Martin Luther King reprit cette expression en s’adressant directement à la jeunesse. Dès sa naissance, ce mouvement a donc eu pour vocation de mettre en garde la communauté afro-américaine en réaction aux discriminations dont elle est victime.
Quant au courant woke moderne, il prend forme en août 2014 à la suite du meurtre du jeune afro-américain Michael Brown, tué par des forces de l’ordre. En 2020, la mort de George Floyd réactive le mouvement « Black Lives Matter » et lui donne une ampleur mondiale. Si ces racines s’avèrent nobles et pleinement recevables au sein de la société américaine, le bien-fondé de ces revendications apparaît d’emblée plus problématique dans un contexte différent. Dans les démocraties occidentales, le wokisme ne se limite plus à la question raciale, mais s’étend aux injustices sociales dont l’ensemble des « minorités » se disent victimes.
En 1989, Kimberlé Crenshaw, juriste et professeur à la Columbia Law School, développe et popularise le concept « d’intersectionnalité ». Ce dernier consiste en l’existence d’un croisement, d’une articulation des formes d’oppression telles que le sexisme, le validisme, l’homophobie, la transphobie, etc. Par exemple, l’homme noir, déterminé par sa couleur, est favorisé par sa masculinité. Tandis qu’une femme blanche peut être discriminée par son genre.
Le wokiste considère l’oppression comme un système mesurable et systématique. Dans une société hétéronormée, l’homophobie est considérée comme structurelle, car elle est présente dans les normes inconscientes. De même, en ce qui concerne le racisme, dans un environnement où les blancs sont majoritaires, l’inconscient socioculturel fait qu’une personne issue des minorités est structurellement victime de la majorité. Cependant, les enseignements de sciences économiques et sociales nous apprennent que l’oppression n’est pas toujours exercée par la majorité, comme l’illustre la pensée marxiste, fondée sur l’idée qu’une minorité bourgeoise, détentrice du capital, domine.
En 1789, la France abolit les privilèges et proclame le principe de citoyenneté. L’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, base de la France postrévolutionnaire, inscrit le fait que tous les citoyens sont libres, égaux en droits et en dignité, indépendamment de leur ethnie ou religion, et qu’ils sont membres de la nation. En 1905, la loi sur la séparation de l’Église et de l’État est adoptée, mettant fin à l’officialité du catholicisme. Il convient également de rappeler que notre voisin américain prête serment sur la Bible et que ses billets portent l’inscription « In God we trust ».
L’idéologie woke constitue donc une rupture radicale avec notre conception séculaire de la société : universaliste et républicaine. Notre communauté nationale, étant assimilationniste, se retrouve menacée par un individualisme spéciste. Or, nous sommes Français, car nous adhérons pleinement aux valeurs, à la culture de France.
Comme l’a affirmé Ernest Renan dans une conférence intitulée « Qu’est-ce qu’une nation ? » : « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. » Si la mention de la race d’un citoyen sur un document d’identité est monnaie courante en Amérique, cela n’est pas acceptable pour un Français du XXIe siècle. Une personne métisse est qualifiée de « mixed-race. »
Il existe entre la France et les États-Unis deux esprits différents. Ainsi, ce que nous considérons comme xénophobe est pleinement intégré à leurs mœurs. Liée à ces dernières, la problématique wokiste doit impérativement être traitée à différentes échelles. Il est juste et naturel que les mouvements progressistes soulèvent leur voix contre les tendances communautaires. La gauche se doit donc d’en faire son affaire, non point par complaisance envers l’opposition, mais par souci de républicanisme, selon sa vision traditionnelle, antiraciste de l’identité. Cette gauche, si attachée à la laïcité lorsqu’il s’agit de christianisme, qui a défendu pendant deux siècles l’idée que nous ne pouvons juger un être humain en fonction de la couleur de sa peau, doit maintenant se montrer tout aussi vigoureuse pour s’opposer à ceux qui considèrent l’orientation sexuelle et la religion comme des facteurs décisifs dans l’organisation des rapports sociaux.
Peuple français, reste éveillé. Toi qui as décapité ton bon roi, ne permets pas qu’on foule aux pieds ce que tu portes maintenant dans ton être, aux privilèges et d’une société de castes. Tu ne peux négliger ton Histoire. Résiste à la dérive de ceux qui espèrent remplacer l’intolérance coupable des uns par la tyrannie des autres. Plus que jamais, l’assimilationnisme doit être préservé, car il est consubstantiel à la tolérance et à la liberté.
Il est nécessaire d’abandonner les théories et de faire preuve de pragmatisme. Récemment, je me suis rendu à un dîner où, après avoir annoncé mon université, plusieurs personnes ont exprimé leur inquiétude à propos de ma situation. « Et alors, le wokisme à Sciences Po ? » Les jeunes sont les premiers à être confrontés à cette offensive américano-éveillée. Nous considérons que la nouvelle génération n’est pas apolitique, mais simplement dépolitisée. Elle déplore une crise de la représentation politique. Bien sûr, le wokisme se diffuse dans les universités, mais pendant que ces défenseurs et leurs opposants s’affrontent, il y a une troisième voix. Cette majorité silencieuse, que beaucoup ignorent, ne doit pas être abandonnée à son sort. Cette génération, vulnérable en raison de la complicité des autres, ne peut à son tour devenir victime d’une minorité.
Par conséquent, ceux qui se laissent piéger par des querelles politiciennes et des divisions d’appareils rendent leur action contre-productive et deviennent coupables. Plus que jamais, la France doit regagner son indépendance culturelle. L’idéologie wokiste prospère partout où la souveraineté s’efface. Dans un Occident en déclin, animé par une culpabilité d’antan, où l’individualisme matérialiste l’emporte sur tout sentiment collectif, où les dirigeants usent de repentance à des fins économiques : la jeunesse a besoin de mesure et de stabilité. La construction européenne et sa doxa fédéraliste visent à uniformiser nos différences. L’idée selon laquelle la France devrait se dissoudre dans quelque chose de plus grand, pour peser au sein des relations internationales.
Ne nous laissons pas distraire par ce nombrilisme venu d’ailleurs : « Croire être en se contemplant d’avoir ». La perte de notre souveraineté, la négation de nos spécificités nationales encouragent le développement de nouvelles rivalités, de velléités. Autrefois, l’adhésion commune aux droits de l’homme s’opposait à cela. Lorsque le patriotisme n’est plus, les individus se regroupent par communautés en fonction de leurs points communs : ethniques, culturelles et religieuses. La société devient « archipelisée ».
Finalement, ce wokisme n’est qu’une conséquence de la disparition de notre souveraineté nationale et culturelle. Plus que jamais, l’esprit français et la nation sont à réaffirmer. Les cultures ne sont pas identiques, tout comme les idéologies ne sont pas interchangeables. Notre histoire politique ne peut pas être rayée d’un trait de plume étrangère. En quelques mots, s’ils rêvent des États-Unis d’Europe, d’autres espèrent rester maîtres en leur demeure. Les technocrates maastrichtiens, qui aujourd’hui nous méprisent, demain nous discrimineront. Restons fermes dans notre conviction, ne nous laissons pas submerger par l’homogénéisation européenne et l’impérialisme outre-Atlantique. ■
Fondateur et vice-président de l’Union des jeunes souverainistes (UJS)
A développer… Les conditions de la reconquête de notre identité et de nos libertés, de notre souveraineté,…
Merci pour cet intéressante réflexion.
Permettez-moi d’être plus circonspect sur cet article. D’abord, il est faux de dire que la théorie Woke est l’expression d’une vision américaine des choses. Car tout le corps du raisonnement wokiste vient de philosophes français, au premier rang desquels Sartre et Foucault. Ensuite je ne vois pas comment nous pourrions, nous contre-révolutionnaires et royalistes, souscrire, sauf à nous renier, à nous agenouiller devant une. « conception séculaire de la société : universaliste et républicaine. « , « La déclaration des Droits de l’homme et du citoyen », un « assimilationnisme » transformé en principe et fondement de la France, une interprétation biaisée de Renan, qui n’en était pas à une contradiction près. Bref pour conclure, si l’intention de cet article est louable, son contenu est critiquable et il fait presque autant de mal que de bien.
Merci à Antiquus pour sa plus grande circonspection devant cet article… Je souscris exactement à ce qu’il objecte. Cela m’épargne d’intervenir et, sans doute, cette manière rapide de dire peut-elle avoir plus d’efficace que celle plus développée qui aurait été la mienne. Je discuterai seulement la dernière phrase de son commentaire, car, selon moi, le genre de position assumée par ces «Jeunes souverainistes» unis fait PLUS de mal que de bien, parce que, sous couvert de s’opposer – et, peut-être, sans s’en rendre compte (l’inconscience étant une circonstance aggravante) –, ces gens admettent tacitement, par ls tournures employées, qu’il puisse y avoir, au fond, dispute cordiale ; ce dans quoi, contre-révolutionnaires, royalistes, que nous sommes, devons-nous refuser frénétiquement à entrer.