Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
« Il n’y a plus de politique africaine de la France » avait affirmé M. Macron dans son discours de Ouagadougou (novembre 2017), actant ainsi la mort de la Françafrique. Ce vocable si décrié a pourtant correspondu à un état de fait post-colonial appartenant désormais à l’Histoire. Aujourd’hui, plus de Françafrique certes, mais rien ne l’a remplacée. D’ailleurs, pourquoi M. Macron a-t-il agité de nouveau, lundi dernier avant son voyage dans quatre pays d’Afrique centrale, le spectre de cette Françafrique honnie, si ce n’est pour masquer une situation d’échec et d’impuissance qui semble bien être le résultat d’un renoncement contraint ? Le constat est accablant car depuis le début du siècle, la France a payé le prix fort : des milliards d’euros d’aide (essentiellement des dons) et surtout le sang versé de nos soldats.
Avant de s’envoler pour Libreville, M. Macron a donc présenté sa nouvelle approche (il emploie le mot « logiciel ») de l’Afrique, à mi-chemin entre un catalogue de prétendues bonnes intentions et une sorte de manuel pratique (« faites/ne faites pas »), le tout en apparente contradiction avec sa volonté par ailleurs réaffirmée de ne plus faire la leçon, la France se voulant désormais « partenaire » plutôt que « grand frère ». Or, les chiffres et les actes sont les marqueurs d’une politique cohérente et assumée – ou pas. Quand on annonce une diminution des effectifs militaires et un repli sur des bases moins nombreuses en « co-gestion », c’est, en dépit de toutes les précautions oratoires, laisser penser qu’on veut se désengager. Quand les parts de marché à l’exportation de la France en Afrique ont diminué de moitié depuis le début du siècle, dire qu’il faut passer « d’une logique d’aide » à « [une logique] de l’investissement », promouvoir une « nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable », employer les termes de «co-construction», «partenariats», «responsabilités partagées» relève du verbiage incantatoire.
Pourtant, l’Afrique selon M. Macron serait rien de moins que l’avenir de la France pour des raisons bonnes (ou mauvaises, c’est selon). Il est vrai que nous sommes voisins mais penser que l’Afrique sera un pôle majeur du 21ème siècle, un continent « émergent » comme on aime à le dire aujourd’hui, laisse dubitatif. Le conditionnel conviendrait certainement mieux ici que le futur de l’indicatif : nous a-t-on en effet assez rebattu les oreilles dès les indépendances avec les pays dits « en voie de développement » ! On verra bien s’ils émergent. On nous parle, et M. Macron le premier, de démographie, d’économie, de culture. En culture, point d’interrogation. En économie, à en juger par le désir migratoire des populations, il faut croire que ce n’est pas brillant. Quant à la démographie, son accroissement démentiel est plutôt une mauvaise nouvelle.
La France aurait des atouts « majeurs » selon M. Macron. Passons sur le voeu pieux (toujours l’incantation) consistant à en appeler à un réinvestissement de la société française en Afrique et sur l’inconséquence politique que constituerait une européanisation de notre politique africaine (car les mots ont un sens). L’atout maître serait… la diaspora africaine en France : « Il faut assumer la part d’africanité de la France » ! On savait M. Macron capable à titre personnel d’ « écarts » peu convenables dès lors qu’il a pu se mêler (de près) à des personnes ayant une grande part d’africanité (pour parler comme lui) ou capable même de délire verbal quand il voit dans la très africanisée Seine-Saint-Denis une « Californie sans la mer ». Mais il commet une erreur s’il pense qu’une France africanisée, autant dire tiers-mondisée, c’est-à-dire minée de l’intérieur par les conséquences de vagues migratoires inintégrées et/ou inassimilées, puisse être un partenaire attractif.
Pour parler à l’Afrique, il faut d’abord que la France assume son identité et reste ce qu’elle est. M. Macron doit penser qu’on pourrait (faire) oublier qu’elle a été une grande puissance coloniale en Afrique. Mais c’est ainsi : elle l’a été. Les Africains doivent l’admettre une fois pour toutes, plutôt que d’en tirer prétexte à tort et à travers, au gré de toutes les infox, ces informations mensongères qui circulent sur internet pour les tromper et surtout les manipuler contre nous.
« La France n’a plus de pré carré » aime à répéter M. Macron. Peut-être. Mais il nous reste le vrai pré carré, celui dont personne ne peut nous contester la légitimité, la France elle-même. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Pour ceux qui connaissent l’Afrique et ses habitants, il est aisé de comprendre qu’au delà du passé colonial, la personnalité de notre président ne correspond en rien à l’image que les africains ont de l’homme dans sa nature intrinsèque. « À bon entendeur d’entendre » ! (Matthieu Ch 13 vs 11).