Par Paul Melun.
Commentaire – Cet article est paru le 6 mars dans Le Figaro. Son jeune auteur constate le déclin de la politique française avec des yeux d’aujourd’hui, c’est à dire comme si ce déclin – il est vrai devenu extrême et caricatural – datait d’hier ou d’avant-hier alors qu’il entraîne progressivement le pays, fût-ce avec quelques sursauts, quelques fois héroïques, dans une longue chute de quelque deux siècles. D’aucuns la font remonter à Waterloo, d’autres aux dernières années de l’Ancien Régime. En tout cas au profit du monde anglo-saxon en expansion euro-atlantique africanisée. Renan déjà avait énoncé à la fin du XIXe siècle que « les assemblées délibérantes sont des fléaux ». La défaite de 1940 est actée par l’Assemblée en fuite à Vichy et c’est devant l’Assemblée apeurée par la révolte d’Alger que de Gaulle, sur l’effondrement de la IVe République, bâtira la Ve, elle-même dans l’état où la trouve, aujourd’hui, l’auteur de cette tribune. Si les pitreries des Insoumis détournent les Français de la République, on comprendra, à ce qui précède, que nous n’en serons guère désolés. S’ils les détournent du Politique et de la foi en leur Patrie, ce sera plus encore par la faute de la République que par celle des Insoumis. En tout cas, toute amorce de réaction contre le déclin français, nous trouve solidaires et en termes de cordiale sympathie.
FIGAROVOX/TRIBUNE – Le député LFI Louis Boyard a déclaré vouloir lancer un « blocus challenge », pour inciter les jeunes à bloquer leurs établissements. L’essayiste Paul Melun dénonce une américanisation du monde politique français, qui réduit les élus à de simples communicants et influenceurs.
À l’heure où le pouvoir ne se trouve plus vraiment entre les mains des élus, ceux-ci sont réduits au rôle d’animateurs, de communicants.
Au détour d’un vagabondage coupable sur Twitter, il peut arriver aux internautes que nous sommes de repérer l’une de ces fameuses vidéos qui «font le buzz». Se hisser dans cette catégorie engendre à coup sûr un gain de notoriété et une forte visibilité. Dimanche 5 mars, le jeune député LFI Louis Boyard est parvenu à se hisser dans l’Olympe numérique grâce à une vidéo remarquée, avoisinant le million de vues. L’élu y invite les lycéens et étudiants à bloquer leurs établissements et à partager sur les réseaux sociaux leurs photos avec un hashtag « BlocusChallenge ». Ceux qui gagneront ce jeu remporteront une visite à l’Assemblée Nationale.
Avec sa doudoune «made in USA» et ses anglicismes, le député Boyard s’inscrit parfaitement dans la mouvance des «élus-influenceurs». Imitant les stars des réseaux sociaux, sortes de marchands de tapis du numérique, il fait partie des nombreux élus qui reprennent désormais les codes d’une nouvelle communication mercantile et avilissante. Quand les influenceuses proposent à leurs fans des bouteilles de shampoings ou des abonnements à de la nourriture de régime, Louis Boyard offre une visite de l’Assemblée Nationale.
Comme un énième témoignage de la puissante influence de la mondialisation américaine, cet élu prolonge (sans en avoir probablement conscience) le déclin de la politique française. Avec d’autres, il signe la désertion d’une gauche française jadis pétrie de culture et soucieuse de l’indépendance nationale, sacrifiée sur l’autel d’une célébrité bien mal acquise. Habitué à ce rôle «d’élu-influenceur», le même Louis Boyard exhibait fièrement sa «chicha» sur RMC il y a quelques mois et participait à un clip de rap attablé à la terrasse d’un kebab. Il enrichissait ainsi son portrait de jeune disciple de la gauche américaine, par un apport culturel d’Afrique du nord, indispensable dans la panoplie du petit gauchiste contemporain.
L’honnêteté oblige à noter que le député Boyard n’est qu’un exemple anecdotique parmi la masse des «élus influenceurs». À l’instar de son collègue Ugo Bernalicis, qui s’illustrait dans un clip de rap anti-police aux paroles douteuses, tandis qu’il prétendait remplacer Gérald Darmanin à Beauvau, ou encore la visite, en décembre 2021, de candidates de téléréalité au ministère de l’intérieur avec Marlène Schiappa qui chantaient et dansaient avec la ministre. Dans un autre registre, plus proche de la série Netflix, le président Macron se mettait en scène dans une websérie en plusieurs épisodes sur les réseaux sociaux lors de la campagne présidentielle de 2022.
L’ère des «élus-influenceurs» marque le déclin du politique. À l’heure où le pouvoir ne se trouve plus vraiment entre les mains des élus, ceux-ci sont réduits au rôle d’animateurs, de communicants. Sortes de G.O du club Med, ils jouent leur popularité à coups de vidéos, de selfies et de buzz stériles. Ceux qui exercent réellement le pouvoir sont bien plus discrets, plus sérieux. Les hauts fonctionnaires européens, banquiers d’affaires internationaux et autres dirigeants de sociétés multinationales, ne s’encombrent guère des pitreries de Louis Boyard ou de Marlène Schiappa dans leurs arbitrages stratégiques. Si à la fin du XIXe siècle ou au début de la Ve République le destin de la France se décidait à l’Assemblée Nationale, celle-ci n’est désormais plus qu’une chambre d’enregistrement réduite à des effets de communication pour députés en mal de notoriété.
Par cynisme chez les «élus-influenceurs» les plus habiles, ou par bêtise chez les autres, cette façon de faire de la politique abîme la démocratie. En se faisant une fausse idée du peuple, qu’ils fantasment comme une sorte de populace consumériste et crédule, ils affaiblissent d’année en année l’intelligence populaire. Le nivellement par le bas du débat politique éloigne les Français de la République. L’abstention progresse et le dégoût envers les structures partisanes s’installe durablement. À force d’appauvrir les idées et les concepts, les «élus-influenceurs» sabotent la culture démocratique du pays. L’élection présidentielle se change en concours Lépine de la communication et s’éloigne de l’indispensable choix civilisationnel qu’elle devrait garantir.
Voir des élus de la République s’agiter dans cette cacophonie démagogique et abêtissante est un déchirement, pour quiconque aime la France. Notre tradition politique est ancienne et s’inscrit dans une filiation qui oblige à un débat de qualité. En cela, les «élus influenceurs» sont des pyromanes. Dénués de pouvoir, ils cherchent à se consoler dans l’illusion de «l’influence». Renonçant à exercer leur mission avec la noblesse que cela suppose, ils précipitent la France dans l’abîme politique pour quelques bribes de notoriété. Ces gens sont des inconscients. ■
Paul Melun est essayiste et président de «Souverains demain !». Il a coordonné la publication d’un ouvrage collectif, Souverains demain: manifeste pour une France indépendante, écologique et innovante (éd. Marie B., 2021).
La dissection cérébrale des animalcules n’intéressera jamais que les anatomistes, lesquels auront évidemment quelque chose à répliquer sur le même ton compassé des meilleurs de la dernière cuvée… Et chacun de s’entendre, sur le même ton, et ce ton, je ne le répéterai jamais assez est celui de la gauche, une gauche qui s’est trouvé un autre standard d’expression, sur les brisées des Debray, Taguieff, Onfray et, pourquoi pas des de Benoist – la bienséante règle consistant à effacer la particule lorsque l’on limite la mention individuelle au patronyme ne fonctionne pas pour de Benoist ni pour de Roux…
Le Paul Melun d’ici est un produit de la même université grasseyante, alors, comme ses semblables, il s’exprime sur le même ton de donneur de leçons satisfait de sa propre excellence. Et ce n’est pas parce qu’au détour d’un propos, il s’en va différer quelquefois du lieu commun qu’il n’en est pas moins le produit.
Il y a une nouvelle mode des commentateurs qui se voudraient également ce que l’on appelle, bêtement et à la suite des imbéciles, des «influenceurs», et le Melun se mêle bien d’en être un à son tour. Pauvre Melun, qui doit ici encaisser ma ire pour tous ses semblables ; si cela tombe sur son nez, céans, c’est parce que JSF l’a fait pointer de bon matin ; voilà tout.
Cela permet de dire qu’il faut se méfier de cette gent qui se présente sous des atours à peu près réfléchis, tandis que si, demain, il fallait avoir le courage de dire sur le ton de la «langue verte» ou d’agir «tout apertement», ce genre de gaillard rejoindrait incontinent la meute des «influenceurs» influencés (gaillardise pareille à celle psychanalytique, dûment psychanalisée pour prendre titre), parce que les brutes de Boyard abruties, complètement dégénérées, sont portées à l’avant-garde pour mieux rendre pertinents les suivants apparaissant, dès lors, comme de quasi sauveurs cérébraux.
J’entends déjà Michel Michel dire qu’il ne faut pas avoir trop d’états d’âme face aux ennemis et faire flèche de tous bois, j’entends encore Grégoire Legrand assurer que «quelqu’un qui révère Proudhon ne peut être totalement mauvais», sans doute, mais que les stratégies n’empêchent pas de garder en mémoire les faits historiques suivant lesquels, à chaque moment venu, la gauche guillotine plus ou moins le monde que nous sommes…
Comment donc reprendre la main, me demandera-t-on…
Je ne crois pas que les mésalliances nous eussent jamais offert quelque licence… Durant l’Occupation, lorsque nous résistâmes comme l’on a pu, à la «Libération», je ne sache pas que ceux auxquels nous nous sommes alliés se fussent bien conduits… Le résultat en est que, aujourd’hui, l’Action française passe pour le fin du fin de ce que le régime républicain doit combattre, au prétexte commode d’un supposé «nauséabond» antisémitisme maurrassien… Je me rappelle m’être «allié» avec des êtres humains apparemment respectables, afin de réaliser en commun une entreprise «culturelle» ; le jour où j’ai textuellement cité Charles Maurras dans un imprimé, au détour d’une donnée «culturelle», je me suis retrouvé persécuté (en l’occurrence par l’Inspection académique, puisque j’agissais dans le cadre du Conservatoire de musique et d’art dramatique que nous avions créé dans l’patelin), persécuté, donc, en qualité de «néo-nazi» dénoncé – vers 1988-90. Si je n’ai pas été lynché en place publique, je ne le dois à aucun de mes «alliés», mais au seul maire de la ville, qui appartenait à ces vieux de la vieille communalité dans laquelle on trouvait beaucoup de royalistes – rappelons-nous le Mouvement national des élus locaux… On me fera valoir ce MNEL, justement, qui est un exemple assez réussi de ces «alliances avec», sans doute… Mais je ne crois pas, au bout du compte, que cela ait pu avoir d’autre efficacité réelle que celle de donner des emplois à quelques Roicos – bon, c’est toujours ça.
Rappelons-nous encore l’époque mitterrandienne de l’Agence de la langue française, créée pour remercier la gaucho-royausphère d’avoir appelé à voter pour le voyou social-libéraliste… Rappelons-nous, surtout, Michel Jobert, qui fut son éphémère ministre du Commerce extérieur, le surintelligent Michel Jobert qui, ex abrupto, démissionna au prétexte majeur que, rapporta-t-il : un jour de Conseil des ministres, avisant autour de lui la presse de bêtises agglutinées autour du ricanant chef de l’État, il se fit la réflexion que, décidément, il fallait qu’il «sorte de là» !
Comment faire, alors ?… Ma foi, tout de go, «aller voir ailleurs». Je crois bien que Jobert s’entendait à dire être d’«ailleurs» en politique – certains de par chez nous l’ont bien connu et beaucoup fréquenté, ils doivent en savoir quelque chose de mieux que moi…
À quel «ailleurs» pourrait-on donc se vouer ?… Je n’en vois à peu près distinctement qu’un : la fin de ce temps-là (si ce n’était celle de tous les temps envisageables), fin qui semble devoir être approximativement prochaine ; alors, si tel est bien le cas, il s’agit de se tenir prêts pour RESTAURER – non pour ouvrir Dieu sait quel «restaurant du cœur» avec les petites mains gaucho-sympatiques –, en veillant à ne pas compromettre notre bonne et candide confiance avec les «pas totalement mauvais» libertaires et autres républicains souverainistes.
Au temps de la sanglante et belliqueuse Révolution française, Joseph de Maistre et Novalis prévoyaient déjà (prématurément? Rêveusement?) que des temps imminents sonnaient, et qu’il fallait se préparer, car des signes indubitables se révélaient à leurs yeux… Comment croire à ce que je dis plus de deux siècles après encore ? J’accorde plus de confiance aux prophéties et divinations de Maistre et Novalis qu’aux petits pieds éditorialistes et philosophistes de certains plateaux un peu moins mal élevés que les autres.
Louis Boyard, quel piètre spectacle !!!