Cette chronique est parue dans le Figaro de ce matin. Nous n’avons rien à y ajouter la trouvant pour l’essentiel utile et talentueuse. Pour le reste, on peut, bien sûr, débattre.
CHRONIQUE – Le patron de Mediapart crie au retour du fascisme et appelle à la vigilance contre l’extrême droite. Obsédé par les monstres du passé, il est aveugle à ceux du présent.
Plenel appelle une censure du débat public alors que sa judiciarisation est déjà omniprésente.
Et s’il y avait quelque chose de touchant chez Edwy Plenel ? Il a beau se dire progressiste, il est coincé au XXe siècle. Sa prose emphatique et fiévreuse a quelque chose de suranné à l’époque des jargonneurs intersectionnels. Il appartient à une espèce en voie de disparition : les boomers d’extrême gauche. Celle qui est née trop tard pour combattre le vrai fascisme et a passé sa vie entière à essayer de reconstituer une menace lui permettant de faire de la résistance.
Son dernier opuscule L’Appel à la vigilance face à l’extrême droite (La Découverte) reprend d’ailleurs le titre d’un appel publié en 1993… il y a trente ans. Le 13 juillet 1993, 40 figures de la vie intellectuelle publiaient une tribune dans Le Monde sur la « banalisation des discours d’extrême droite dans le débat public ». Dans leur viseur, la « nouvelle droite » d’Alain de Benoist, éternel fantasme du trotskiste qui voit dans le directeur d’Éléments le mage noir de l’extrême droite française.
« Que nous est-il arrivé ? », s’interroge trente ans plus tard le directeur de Mediapart pour qui « la haine de l’homme a désormais pignon sur rue et micro ouvert » et « les musulmans sont la cible ordinaire et emblématique de ce racisme restauré et assumé ». « Quand avons-nous baissé la garde ? », s’interroge-t-il. On partage son interrogation. Cela fait une cinquantaine d’années en effet que les « appels à la vigilance » contre une prétendue résurgence du fascisme fleurissent dans le débat public. La garde n’a jamais été baissée. Pour quel résultat ? Le Rassemblement national n’a jamais été aussi près du pouvoir. Edwy Plenel devrait commencer par s’interroger sur l’efficacité de son discours, lui qui tel le petit garçon de la fable d’Ésope, a passé sa vie à crier « au loup » au point que plus personne ne l’écoute.
Mais en réalité il a renoncé à convaincre. Il demande tout simplement qu’on censure les opinions qui lui déplaisent. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté! proclame notre Saint-Just médiatique. « Tout ne se débat pas », affirme-t-il. « L’hospitalité de la discussion ne tient pas face à un tenant de l’inhospitalité pour l’étranger.»
Plenel appelle une censure du débat public alors que sa judiciarisation est déjà omniprésente. Les personnalités dont il affirme qu’elles ont pignon sur rue sont régulièrement attaquées et condamnées pour leurs discours devant les tribunaux. Sa bête noire, Renaud Camus, est lui carrément banni des médias et des maisons d’édition. Que veut-il de plus ? L’envoyer au bagne ?
« Deux poids, deux mesures », la marque Plenel
Ensuite, si tout le monde ou presque est d’accord pour qu’il y ait certaines limites à la liberté d’expression, quelle légitimité à Edwy Plenel pour les définir ? Au nom de quoi le patron de Mediapart serait celui qui définit le Bon et le Vrai journalisme ? Celui qui écrivait dans Rouge, l’hebdomadaire de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), sous un pseudo, « Joseph Krasny » à propos de l’attentat contre la délégation israélienne aux Jeux olympiques de Munich (11 athlètes israéliens tués) « aucun révolutionnaire ne peut se désolidariser de Septembre noir, nous devons défendre inconditionnellement les militants de cette organisation face à la répression », a-t-il une quelconque leçon de modération à dispenser aux acteurs du débat médiatique ?
« Ce texte, écrit il y a plus de quarante-cinq ans, dans un contexte tout autre et alors que j’avais 20 ans, exprime une position que je récuse fermement aujourd’hui », a déclaré Edwy Plenel à Libération. Louons sa volonté de « contextualiser » lui qui passe l’intégralité de son livre à décontextualiser les propos de ses adversaires idéologiques, Pierre-André Taguieff en tête, dont il sélectionne délibérément des propos tronqués pour le faire passer pour un suppôt du « grand remplacement ».
Le « deux poids, deux mesures » est la marque Plenel. Aussi quand il déclare que « les idéologies qui professent que des peuples, des nations, des religions, des civilisations, des “races”, des classes, des genres… ont des droits qu’elles dénient à d’autres, au nom de leur prétendue supériorité, ne sont pas des opinions parmi d’autres », il ne parle pas évidemment de l’islamisme, et de sa prétention totalitaire.
Quand il fustige, le « couple infernal que peuvent constituer de prétendues sciences et de véritables racismes »… Il ne dénonce pas la théorie critique de la race, qui combat la « blanchité » sur les campus américains et contribue au retour de la race dans le débat public bien plus que ne le font les assimilationnistes français.
Quand il affirme, se référant à la Radio Mille Collines, qui a encouragé le massacre des Tustis au Rwanda, que les mots tuent et qu’il promeut la « responsabilité sémantique » des acteurs du débat public, il qualifie pourtant d’« islamophobe » le Printemps républicain. Ne sait-il pas que l’accusation d’islamophobie tue, qu’elle a tué les dessinateurs de Charlie Hebdo et Samuel Paty, et presque tué Salman Rushdie ?
Quand il fustige la « démocratie d’opinion » devenue un « défouloir de haine et une foire d’empoigne » , il ne vise pas les invectives, les appels à la violence, les caricatures employées par la Nupes dans l’Hémicycle ou dans la rue.
Quand il affirme souhaiter « éviter que la déraison des opinions ne prenne le pas sur la raison des informations », il ne s’agit pas d’un mea culpa pour son propre rôle de propagateur de calomnies en manchette du Monde (qu’il dirigeait alors) dans l’affaire Dominique Baudis.
Les médias de droite font de l’opinion, mais Mediapart fait de l’information. Le raisonnement pourrait prêter à sourire s’il n’était le credo même du système médiatique qu’Edwy Plenel prétend inféodé à l’extrême droite.
On envie presque Edwy Plenel et ses yeux plissés de Bouddha rieur d’avoir des idées aussi simples. Il fustige les « obsessions » d’Alain Finkielkraut mais lui-même est obsédé par une seule idée : « C’est la même histoire qui se remet en marche.» Ce qui est arrivé aux Juifs arrivera aux musulmans, et lui Edwy Plenel est là pour nous prévenir. Obsédé par le retour du même, il ne voit pas les nouvelles menaces de notre temps. Campé sur sa ligne Maginot antifasciste, il est la vigie borgne du politiquement correct, qui braque sa longue-vue sur sa droite, en oubliant délibérément ce qui se passe à sa gauche. Pire : à force d’assimiler toute critique de l’immigration massive à la haine de l’étranger, toute exigence d’assimilation à une forme de racisme, toute défense de la nation au « conservatisme le plus rance » (expression qu’il utilise à propos de Marcel Gauchet), il fabrique de toutes pièces le monstre qu’il prétend combattre. ■
L’Appel à la vigilance
face à l’extrême droite, d’Edwy Plenel, La Découverte, 133 p, 16 €.
Plenel est un Macron de papier. Bonimenteur de foire, envouteur toxique, prisonnier de sa facilité de parole, ivre de son pouvoir d’influence sur les girouettes, molosse de la pensée, vent mauvais. Il vient nous dire qu’il n’en démord jamais.
J’apprécie presque pleinement ce que vous exprimez dans cet article sauf pour l’emploi du noble nom « patron » que vous lui appliquez.
Seul celui qui est propriétaire de son entreprise et responsable de sa pérennité sur ses biens propres mérite le nom de patron. L’appliquer à tout autre, quelque soit sa fonction ou position hiérarchique est une insulte à c eux qui le méritent.
N’empêche qu’il est très fort, Plenel ! Qui aurait pu penser, il y a quinze ans que « Médiapart » prendrait dans la presse « mainstream » la place prépondérante qu’il occupe aujourd’hui ?
Nous ne savons pas admettre que, parmi nos ennemis, il y a des gens remarquables…
Remarquable par sa soif de déconstuction, et de haine , l’ex ? admirateur de Franz Fanon. Plenel n’aime pas les Musulmans, mais il se sert d’eux pour haïr les autres. Il a dans ce jeu pervers de la haine un coup d’avance pour avancer ses pions. Laissons – le à sa soif. Marc Vergié l’a bien défini. .
Je crois que c’est le même Plenel qui disait de l’AF quelque chose comme « l’ennui avec l’AF, c’est qu’ils ont du talent ».
C’est bien ce que je voulais dire : « L’ennui avec Plenel c’est qu’il a du talent ».
Le malheur est que Médiapart est beaucoup plus suivi que JSF !
Je regrette, mais «le talent» n’a rigoureusement aucune valeur lorsqu’il est mu par la méchanceté et/ou la bêtise (d’ailleurs, une seule et même chose). La bombe à neutrons a du talent, très assurément.
En outre, le talent d’«un bonimenteur de foire» (comme désigne parfaitement le sujet Marc Vergier) a la même valeur que celui du moustique parfaitement darwiné pour sucer l’sang… Le moustique n’est acceptable que dans la moiteur invivable, dès lors qu’il se limite aux régions paludéennes, non quand on entend les vibrations suraiguës exaspérantes des battements d’aile dans l’air ambiant. J’ai d’ailleurs appris que ces stridences émettaient leurs vibrations sonores selon des périodes dont l’accord entre elles ouvrait sur la copulation des bestioles ; je pense qu’il en va de même chez les edwyplenel – il y a de la lubricité derrière ces pulsations d’œil.
Edwy Plenel est conçu pour la rue des Saussaies, les feus Renseignements généraux, la Stasi et la Gestapo, où l’on eût su employer le talent de son suçoir à plein.
Bref, il y a «talent» et talent.
Un Edwy Plenel ne peut être qu’exaspérément parasitique et marécageux… Ses «yeux plissés de Bouddha» ont toujours suscité une espèce de paludisme critique chez moi ; il y a des chargeurs de kalachnikov enfilés derrière ce genre de paupières, qui n’aspirent qu’à la levée de leur cran de sureté.
Comme d’habitude, «la droite bien élevée» se confond en congratulations devant les mini satans de caniveau, c’est à en perdre le malheureux latin qui pourrait nous rester.
Ce n’est pas parce que nos ennemis sont nos ennemis qu’il faut les jauger de si haut et de façon si méprisante. Lénine avait autrement plus de talent que Maurras pour réussir une Révolution.
Je ne vois pas en quoi le rejet physique de Plenel peut susciter un jugement politique. Le malheur pour nous, c’est que les ennemis de la France sont souvent bien intelligents.
Quand ma génération 68 contemple l’impact qu’ont eu les trotskistes de notre âge sur l’époque, alors que nous – qui n’étions pas vraiment plus bêtes – n’en avons eu aucun, aucun, je me pose des questions.
Cher Pierre Builly, votre observation selon laquelle un «Lénine [aurait eu] plus de talent que Maurras pour réussir une révolution» porte, en réalité, sur la révolution, non sur l’intelligence… Or, pour ma part, je m’occupe davantage d’intgelligence. En effet, Staline, quant à lui, en bon léniniste demandait «le pape, combien de divisions ?» C’est imparable, certes, mais imparable seulement au point de vue de l’efficacité de la violence… C’est toute la question de la contre-révolution et de son mode d’action soulevée par Joseph de Maistre dans ses «Considérations sur la France»… Je recommande donc d’aller voir chez Maistre ce qu’il exprime évidemment beaucoup mieux que je ne saurais le faire.
@David Gattegno : Nous ne sommes pas ici sur un site qui essaye de déterminer le plus puissant cerveau dans l’échelle de la pensée, philosophique, religieuse, littéraire, scientifique… Platon ? Aristote ? Saint Thomas ? Léonard de Vinci ?Mozart ? Tout cela est bel et bon et chacun retrouvera ses petits.
Nous sommes sur un site où nous aspirons à présenter aux Français des solutions pour que notre pays sorte de l’effroyable état où il se trouve. Charles Maurras, grâce à l’empirisme organisateur nous a montré quel régime était le plus à même de correspondre au génie profond de la France.
Penseur puissant, Maurras, mais fort piètre stratège : à part d’avoir imposé l’instauration de la Fête de Jeanne d’Arc, vous serez bien aimable de m’indiquer dans quels domaines l’AF a eu une influence pratique sur la conduite des affaires françaises.
Pensons aussi sur quelques orientations catastrophiques : le vichysme après le 11 novembre 1942, le soutien démesuré à l’Algérie prétendument « française » et le soutien à l’OAS, la bataille pour qu’une île perdue, prolifique et musulmane, Mayotte, devienne un « département » français et bien d’autres sottises.
Lénine a réussi ; non ? Une réussite affreuse ; mais une stratégie intelligente, déterminée, impeccable. Abominable si vous voulez…
Je n’ai jamais vraiment pensé que le 6 février 34, la République allait être bousculée… Mais on raconte que, pendant l’émeute, Maurras écrivait des vers.
Nous avons certes besoin de penseurs ; mais davantage de chefs de guerre ou de subtils tacticiens. Le Comte de Paris (le seul, le vrai, Henri VI, non pas les paltoquets qui l’ont suivi) a vraiment compris cela : il a conspiré, influé, s’est insinué dans les vagues éventualités qui se présentaient à lui.
« Notre force est d’avoir raison », comme dit la légende dorée de l’AF. Je préfèrerais que nous ayons un peu moins raison et que nous remportions un peu plus de batailles.
Il est hélas beaucoup plus facile d’être un déconstructeur qu’un constructeur, comme la montré l’historien Guglielmo Ferrero, « foutre le feu « que construire en durée : les uns ont la convulsion comme moteur, les autres la douce patience pour fonder en durée.
C’est admirablement montré dans « Vogue le navire »(e la nave va) sorte d’opéra filmé de Fellini, où l’on voit un jeune terroriste serbe en 1914 mettre le feu aux poudres du navire, l’Europe, sous les yeux horrifiés et impuissants des spectateurs malgré leurs supplications. Nous avons bien eu la déflagration du 14 juillet en France,-notre fête nationale !- qui a coulé le navire France.
Je n’admire pas Lénine , ni Hitler, ni même Robespierre, ni leur rage obstinée de vengeance rance mais je suis consterné par ceux qui n’ont pas su ou voulu s’opposer à eux, à leur « logique folle d’une idée , se coupant de toute réalité » ( Hannah Arendt) sinon pour l’éradiquer. Leur génie , c’est quand même, en bout de course, l’inconstance, car il n’a rien derrière pour fonder quoi que ce soit, ce qui nous donne raison de vivre, mais bien la perversité de coaliser les frustrations.
. Mais je suis consterné par nous tous , qui n’avons pas su résister à leur obstination diabolique, de s’infiltrer dans les interstices d’une société en décomposition, et la fragilité de nos élites. Manque de courage ? de consistance ? A chaque époque ses défis.
Je préfère Charrette, la « jeunesse de Dieu » à travers les siècles.
Je partage l’avis de Pierre Builly (moins son avis sur les princes d’Orléans, qui n’ont pas démérité) : il ne suffit pas d’avoir raison. En un sens, les légitimistes (les vrais, pas les blancs d’Espagne) avaient pleinement raison, mais n’ont rien fait. On peut avoir raison de penser ce qu’on pense et tort de ne pas agir comme on devrait. Or l’heure est à l’action ; si j’osais, je dirais que l’heure est à la révolution (ou à la contre-révolution, peu importe, aujourd’hui, cela revient au même), d’autant que les circonstances sont plus favorables que jamais.
Si l’on reste conséquent avec les arguments qui me sont opposés, il devrait résulter qu’il vaut mieux avoir tord avec Lénine que raison avec Joseph de Maistre…
Ce qui est une absurdité évidente. Moyennant quoi, l’absurdité, s’il y a absurdité, doit se situer avant le raisonnement qui à susciter la manière d’ordonner les termes de la question… C’est ce que je me suis permis de tenter de suggérer. Et Pierre Builly me répond en énumérant : «Platon ? Aristote ? Saint Thomas ? Léonard de Vinci ?Mozart ?»… Chaque nom suivi d’un point d’interrogation. Mais quels sont donc les termes de la question produite par une pareille ponctuation, nom de nom !!!??? Je veux bien que l’on se berce de stratégie, pour peu que la stratégie ait fait la démonstration de son efficacité. Si la démonstration de l’efficacité ne s’est produite que du côté léniniste et jamais du «nôtre», et ce, en dépit du fait que d’aucuns eussent cherché à l’appliquer comme ils ont pu, cela démontre assurément (du moins jusqu’à preuve du contraire) que, pour ce qui nous concerne, les moyens n’ont pas su conduire à la fin que nous aurions attendue.
En outre, cher Pierre Builly, veuillez admettre que ce n’est pas moi qui ait posé les termes de la question du talent comparatif en émettant l’hypothèse de celui qu’aurait un Edwy Plenel… Je n’ai fait que réagir au propos que vous aviez émis , lequel générait fatalement en mon esprit une idée de comparaison à établir. Par ailleurs, quant à savoir si, comparativement j’ai davantage d’intérêt pour Mozart que pour Lénine, pour Joseph de Maistre que pour Edwy Plenel, j’espère bien que, sur ce point, nous sauront nous accorder sans aucune espèce de discussion.
Pour finir, je dirait que je préférerais avoir raison et remporter des batailles plutôt qu’avoir tord et, par-dessus le marché, me faire laminer. Ce que je pourrais éventuellement reprocher aux batailles que nous avons menées, c’est qu’elles ont été perdues, en dépit de tous les stratèges et stratagèmes employés… Je me permets d’en déduire que, d’un point de vue stratégique, nous n’avons certainement pas été au point (à ce sujet, je me rappelle un bout de communication du cher Philippe Lallement, d’il doit y avoir tantôt une vingtaine d’années, sur la chambre à majorité royaliste de 1871 qui a finalement bordé Adolphe Thiers dans son lit)… Au nombre des batailles que nous perdons nous-mêmes, tous seuls comme des grands, je compte la stratégie ahurissante consistant à perdre notre temps dans des lauriers tressés au talent d’Edwy Plenel ou à tenir pour exemplaire politiquement la réussite de Lénine – «réussite», d’ailleurs, discutable et que je discuterai bien volontiers avec qui voudra rompre des lances avec moi là-dessus, mais, évidemment, de vive voix et non sur ce site où nous sommes, dites-vous, pour aspirer «à présenter aux Français des solutions pour que notre pays sorte de l’effroyable état où il se trouve» avec, entre autres solutions de même farine, des louanges à tours de bras au talent d’Edwy Plenel…
Permettez-moi de vous dire que je tiens n’importe quel site pour tout à fait incapable de présenter ce que vous semblez croire possible. S’il était possible que vous teniez cela pour réellement «stratégique», je devrais vous considérer pour plus rêveur encore que je ne semble l’être à vos yeux… Mais, au fond, c’est probablement parce que nous cédons tous deux à un même «rêve» que, ensemble et avec les uns et les autres, selon ce qui nous distingue, nous retrouvons sur ce même site à débattre et palabrer comme nous le faisons.
Nous nous égarons et vous faites mine de ne pas comprendre. je ne « perds pas de temps » à dire que Plenel a du talent pour pourrir plus encore notre pays qui n’en n’a pas besoin : j’écris cela en quinze ou vingt secondes : je ne m’attache pas à recenser ses déclarations, ses combats, ses abominations. Je note simplement qu’il a – hélas ! – su imposer en 15 ans « Médiapart » comme une citadelle de la Vertu et du Camp du Bien.
Et pour le reste, je dis aussi que j’aimerais bien une – une fois seulement – me retrouver dans le camp des vainqueurs. Et si je ne vois pas ça, au moins que je puisse imaginer que le Roi – au moins un Roi, un Souverain, un Chef – pourra venir.
Ah, Henri, excellent film, un des meilleurs, à mon avis de Fellini que »E la nave va », bien de ton avis.
Non, cher Pierre Builly, je ne m’égare absolument pas (du moins au point de vue qui est le mien) et, naturellement, je ne me permettrais pas l’impolitesse de faire «mine de ne pas comprendre»… Seulement et voilà tout, je ne suis pas d’accord avec vous, sur l’attention privilégiée que l’on peut accorder à des Plenel, Lénine et Aragon ou, plutôt, pas d’accord sur l’angle sous lequel d’aucuns pourraient être tentés de les observer. Les désaccords sont des choses qui peuvent se présenter sans que quiconque fasse aucune autre mine que celle qui est la sienne…
Je ne crois pas qu’il soit de bonne «stratégie» de ne pas considérer les «désaccords» entre proches comme étant dignes d’être examinés et réfléchis…
Si bien que ce désaccord entre nous m’amène à me poser la question de savoir s’il est de «bonne stratégie» de manifester certaine façon de voir, certaine tournure d’esprit au grand jour…
Bon, je conclus.(pour ma part)
À mes yeux :
-Edwy Plenel est une franche canaille remarquablement douée pour créer un site de presse extrêmement lu, très influent et catastrophiquement anti-national.
– Lénine est un agitateur monstrueux qui a su , s’appuyant sur les circonstances et avec une intelligence tactique exceptionnelle, créer un État qui a terrorisé le reste du monde pendant 70 ans.
-Louis Aragon est un hypocrite qui a prêté aux « yeux d’Elsa » un amour fou alors qu’il était de tout temps homosexuel, mais aussi un romancier exceptionnel, un des plus grands du siècle dernier.
Traiter en petit bras ses ennemis me paraît être une curieuse attitude. J’aurais préféré que Louis XVI possédât la détermination et la logique intellectuelle de Robespierre. Louis XVI est mort en Saint, c’est convenu ; je crois que je préfère ce vieux cruel tordu de Louis XI, d’une cruauté inimaginable, d’une lâcheté physique choquante, d’une duplicité immorale. N’empêche qu’il a bien baisé le Téméraire.
Aragon tâchait d’imiter Barrès et se vexait de n’y pas parvenir, alors il faisait un peu plus grandiloquent qu’il croyait avoir dû faire pour commencer ; il fut assez tenté de singer Anatole France, mais comme cela ne marchait pas non plus, il se consola dans un adolescent pamphlet, où il trouvait bon d’associer en la célèbre formule le «tapir Maurras et Moscou la gâteuse» qui, paraît-il, saluaient ensemble le littérateur qui venait de trépasser.
J’ai beaucoup accepter qu’il eût été un bon poète, j’ai donc lu de ces vers assez longtemps, mais ils ne m’ont finalement jamais paru aussi bons qu’il était trémoler dans la voix un peu partout et, lorsque j’y repense aujourd’hui, me remémorant de ces vers que je sais encore à peu près, je me dis, comme on dit, qu’ils ne cassent pas exactement trois pattes à un canard.
Cela dit, qu’il ait été homosexuel est absolument indifférent à la question ; décidément, il y a des rapports qui m’échappent, sauf à ce que l’homosexualité d’un quidam put en défriser un autre, et ce, autrement plus sévèrement que l’établissement d’une liste d’écrivains à noircir méchamment.
En fait, cher Pierre Builly, j’ai, ici, le sentiment que nous ne regardons finalement pas de mêmes choses, quoique, pourtant, nous leur attribuions les mêmes dénominations (Lénine, Plenel ou Aragon). Si l’on y réfléchit un instant, c’est plutôt amusant. Pour conclusion, amusons-nous donc…
Aragon a été stalinien, à la pire époque, c’est une affaire entendue, mais qui a écrit: « Bonchamps, c’est la Fance, … c’est la Frane éternelle! » (livre d’or à l’église de Saint Fkorent du Viel) , et dirait de même du flamboyant Charette. Et qui a écrit ces vers dans « l’an deux mille’ n’ aura pas lieu »
« Une cathédrale par pitié de ce qui demande à naitre
Une cathédrale pour mon royaume
Pour ce royaume de misère en moi que je porte
Ce royaume de splendeur en moi que je porte
Comme un enfant craintivment qui commence à bouger. »
. Non, ce n’est pas Barrès, ni Claudel , ni un écrivain royaliste, c’est Louis Aragon célébré dans les banlieues communistes par ses lycées ou collèges. Comme quoi la feveur légitimiste refoulée est parfois là où on ne l’attend plus. ,
Je suis bien plus lecteur de romans que de poésie… Et parmi ce que je connais de plus fort, il y a le cycle romanes que du « monde réel » (Les cloches de Bâle, Les voyageurs de l’impériale, Les beaux quartiers, Aurélien, Les communistes » – leur première partie surtout, qui décrit les cellules du PC en plein désarroi après le pacte germano-soviétique, la traque des militants, les trahisons..; ou non).
Et puis « La semaine sainte », la fuite de Paris en mars 1815 de Louis XVIII devant le retour de Napoléon.. Avec comme un des personnages principaux le peintre Théodore Géricault qui accompagne le souverain chassé.
Ah, si j’ai cité l’homosexualité d’Aragon, ce n’st pas pour la fustiger (on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a), mais pour la mettre en lumière du fait de l’hypocrisie des « Yeux d’Elsa ».
Pas plus homo- qu’hétéro- n’empêche quelque sentiment que ce soit, si bien que «Les Yeux d’Elsa», dans n’importe quel cas, ma foi, pourquoi pas ? Une préférence sexuelle n’implique nulle exclusivité sentimentale…
Pour le roman par rapport aux autres genres ; je suis davantage amateur de romans également. Or, c’est précisément le prosateur que je n’aime pas du tout chez Aragon… Pour cette raison, d’ailleurs, que les romans m’intéressent peu pour leurs contextes immédiats, sauf quand celui-ci est de nature «historique», dans la mesure où l’Histoire permet, justement, de nous décontextualiser nous-mêmes du carcan de l’actualité. Sauf, naturellement, lorsque l’Histoire n’est qu’un prétexte allégorique pour transposer des observations qui n’ont que le contemporain pour objet… Auquel cas, selon moi, le cadre «historique» ne présente plus aucune espèce d’intérêt.
J’établis une différence qualitative entre les soucis d’actualité et ceux «intemporels» ; les premiers valent pour notre malheureux quotidien, un point c’est tout. Les seconds valent pour tout le reste, jusques et y compris le même malheureux quotidien… «Il y a plus de choses au ciel, mon bon Horatio, que n’en peut contenir toute la philosophie…», disait ce bon vieil Hamlet à son camarade… Du moins, la réplique dit-elle quelque chose d’assez approchant. Et c’est sensiblement ma façon de voir là autour.
Cela dit, justement, il importe assez peu qu’un Aragon eût pointé à la cellule Tartempion ou ailleurs, de cela je suis bien d’accord. Ce que je veux révoquer, c’est que, parmi nous autres, il y en eût tant et plus qui roucoulent auprès de l’Aragon et consort, jusqu’au point d’en oublier l’existence de Claudel – qui a eu le grand tord de ne pas avoir pondu de roman, j’en suis bien d’accord… Mais «Tête d’Or», s’il vous plaît !!!!! Connaissez-vous tous, comment Maeterlinck accueillit ce «Tête d’Or», échu chez lui par la poste, sous la couverture anonyme de ce premier tirage ? Cela vaut le coup de l’apprendre : «C’est Maldoror ressuscité ! Nous avons à faire à un fou furieux, ou au plus grand poète que la Terre ait jamais porté!»
Je dis de lire et/ou relire «Tête d’Or», afin de se faire une petite idée de ce que c’est que la grandeur littéraire… Ensuite, ma foi, de d’l’Aragon ou pas d’z’Aragon, on s’en fout complètement.
Une autre anecdote à propos de Claudel : Lorsque Antonin Artaud monta «L’Échange», Claudel en avait interdit la représentation, aussi, le Théâtre Alfred Jarry qui le produisait n’avait donné aucune indication d’origine. Les spectateurs ne pouvaient pas savoir de quoi il s’agissait… Or, furieux contre Artaud qui les avait bienheureusement envoyés promener, les surréalistes étaient venus en bande organisée pour semer pagaille panique lors du spectacle. Quand insultes et lazzis commencèrent à fuser, le pape André Breton se leva d’un bond et vitupéra ses troupes : «Taisez-vous, tas de cons ! C’est du Claudel !» Parce que, du moins, l’André Breton savait-il parfaitement ce qu’il en était de la grande littérature et, s’il tâchait de faire prendre des vessies pour des lanternes à ses ouailles et publics, il ne s’en laissait pas compter, lui.
Pour m’amuser encore un peu de l’Aragon, je vais citer le mot d’un clampin littéraire que je n’aime absolument pas, qui eut cependant l’à propos d’écrire je ne sais plus où : «L’Harengon et sa Triolette, c’est pas eux qui viendront payer ma note de gaz.» Il s’agit de Céline, évidemment.