LE COUP DE POING DE PÉRONCEL-HUGOZ.
Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI avaient enfin, à la satisfaction générale, éliminé le vieux et lancinant psychodrame de la messe en latin. Une fois n’est pas coutume, le Vatican faisait preuve de tolérance, générosité et compassion pour les orphelins du latin ; langue de la Chrétienté depuis 2000 ans. Hélas, c’était sans compter avec l’esprit de chamboulement, le goût de la contradiction du pape François 1er, un Italien né en Argentine et non pas « le premier pape argentin », comme l’écrivent sans réfléchir la plupart de mes confrères.
Son interdiction des messes latines consterna et consterne toujours officiants et fidèles qui avaient cru irrévocable leur réconciliation avec la papauté. J’ai vécu ce drame de près, à Notre-Dame des Anges où, depuis 2001, des franciscains de l’Immaculée avaient réanimé cet antique sanctuaire, au-dessus de Pignans, dans le Var. Un petit complexe catholique installé à 800 mètres d’altitude, sur un des sommets du massif des Maures, d’où on embrasse aussi bien l’archipel d’Hyères que les Bessillons ou le Ventoux. Ce lieu saint fut créé, tenez-vous bien, en l’an de grâce 517 par Thierry 1er, roi d’Austrasie (capitale Metz) et fils aîné de Clovis le Grand et d’une de ses concubines (donc pas de sa célèbre épouse, la future sainte Clotilde qui devait, elle, donner trois autres fils à Clovis).
LES GOTHS BATTUS
Thierry 1er créa ce sanctuaire au cœur de la montagne des Maures (qui veut dire «Bruns» et non Arabes, car ceux-ci n’envahirent la région que trois siècles plus tard), pour célébrer sa victoire des Pins (d’où Pignans)contre les Goths, demi-sauvages venus des sources de la Vistule.
Guerres, invasions et révolutions fournissent une histoire mouvementée à la région mais Notre-Dame des Anges réussit toujours à survivre autour de son antique statue en bois foncé de la Vierge. Ce qui frappe quand on entre dans l’église actuelle (reconstruite en 1844, sous Louis-Philippe 1er, Capétien descendant aussi des Mérovingiens car nouvelles et anciennes dynasties mêlèrent leurs sangs lors des transitions), ce sont les nombreux ex-votos de pèlerins, notamment un crocodile empaillé suspendu au plafond.
Ce fut le don d’un fils du pays, Jules GERARD (1817-1864), fils du percepteur de Pignans (sa spacieuse demeure abrite à présent la mairie pignantaise). Jules fut surnommé « le tueur de lions» car il en abattit 26 lors de sa période militaire, comme spahi, en Algérie, exploit qui lui valut des envois d’armes de chasse de la part du duc d’Aumale et du comte de Paris de l’époque. L’ex-spahi voyagea ensuite à travers le monde, de l’Himalaya à l’Afrique noire, où, il explora notamment la colonie britannique de Sierra-Léone, longtemps vouée à la vente d’esclaves noirs par les Noirs à des Blancs, au cannibalisme et à d’horrifiques maladies tropicales, trois fléaux dont vinrent à bout les « affreux colonialistes » venus d’Occident…
L’HOMMAGE DE LOUIS BERTRAND
Notre chasseur explorateur finit mal, noyé dans un oued de l’Ouest africain, par la faute sans doute d’une mutinerie de ses porteurs. Le fameux chantre de l’Afrique latine, Louis Bertrand, rendit hommage au disparu dans l’Illustration, en 1865.
Il y a quelques années, à Pignans même, des individus « décoloniaux » (encore une lubie venue des Etats-Unis qui, plutôt que de chercher des poux dans la tête de feu les colonisateurs européens de l’Africasie, feraient mieux de se repentir d’avoir génocidé sans pitié les Amérindiens), décapitèrent la statue de Jules Gérard, érigée en 1964 ; des maires du bourg varois, droite molle ou gauche molle, c’est kif-kif, après avoir beaucoup consulté et dans un rare accès de « politiquement incorrect », élevèrent une nouvelle effigie à l’explorateur défunt, et ce fut une œuvre dite « moderne » en coupantes lamelles de métal sombre mais, et c’est ce qui sauve tout, Gérard y est représenté avec sa chéchia orientale et deux lions tapis à ses pieds.
Loin, très loin des superficialités clinquantes de la proche Côte-d’Azur, Notre-Dame des Anges et la geste de l’explorateur aux lions offrent un bienfaisant changement d’air … ■
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Retrouvez les publications sous ce titre…
Bel article, comme toujours !
Merci pour vos brillantes contributions à JSF
⚜️
Merci de cet hommage mérité au spahi tueur de lions ! mais pas trop d’accord avec cette opinion sévère sur la statue en acier : je la trouve pleine d’esprit ….