Ce court texte de Sylvain Tesson a été mis en ligne sur les réseaux sociaux il y a deux jours, par l‘Institut Iliade. Initiative heureuse d’ailleurs car ces réflexions d’éthique personnelle, aisément transformables à la société, méritent d’être lues et elles ont été plébiscitées partout où elles sont parues. Or elles ont été abondamment partagées. On peut considérer ces préceptes come nettement antimodernes. On peut les considérer aussi comme une contre-modernité ou modernité alternative en train de se développer. Lisons.
Je marche pour demeurer maigre. J’ai horreur du gras, pas celui des autres – et le ciel m’est témoin que j’ai de bons gros amis – mais du mien propre.
Je considérerais la prise de kilos superflus comme une défaite morale. L’ascèse physique est le miroir de l’ascèse spirituelle et si l’on veut alléger sa pensée, il faut se dégraisser le corps. Yukio Mishima a dit des choses très belles là-dessus, quoiqu’un peu radicales, dans Le Soleil et l’Acier, petit ouvrage composé peu avant qu’il ne s’expédie ad patres par le fil de son propre sabre.
La marche à pied affûte le corps et décape l’esprit. Tous les diététiciens diront que marcher constitue une manière économique de réguler sa charge pondérale. La marche est la diététique du mouvement. Le marcheur, ligneux, noueux se reconnaît de loin. Il se meut à la ville comme en chemin à la manière de Cocteau : léger, dansant, monté sur des coussins d’air. La marche à pied est un alambic qui distille les scories du corps.
Quand je me lance dans des traversées au long cours, je ne suis jamais sujet aux maladies: les quarante kilomètres quotidiens lavent ma machine. La route purge.
Pour résumer: rester maigre, boire du vin, lire des livres, abattre des kilomètres, nager dans la mer, grimper sur les rochers, aimer sa femme et mourir violemment : voilà quelle devrait être la doctrine de tout marcheur converti à l’ascétisme de la piste.
Sylvain Tesson
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On regrette seulement que Tesson emploie, par deux fois, l’expression pléonastique » marche à pied « .
S’il existe des quantités de courses (à pied, à vélo,en utilisant ou moto, en tout ce qui peut exister), il n’y a pas d’autre marche, au sens propre du terme, qu’à pied
La marche du monde, la marche des idées sont des sens figurés, bien sûr.
Cum grano salis, évidemment.
Eh oui ! Bien vu. Comme quoi, malgré le talent dont un auteur peut être doué et qu’il a forgé patiemment, l’imperfection ne cesse jamais de le menacer. (Par ailleurs, ça ne m’étonnerait pas que ce genre de texte ait été dicté).
La perfection est comme un sommet qui s’éloigne un peu plus chaque fois qu’on s’en approche.