Par Radu Portocala.
J’ai déjà abordé ce sujet ici, en peu de mots. Mais la chose me semble bien plus sérieuse qu’une simple note. J’ai, donc, rédigé un article qui pose quelques questions qui, me semble-t-il, ne sont pas dénuées d’intérêt. Surtout parce qu’un silence complet couvre le sujet. (…)
Il n’y a pas un an, en août dernier, Emmanuel Macron faisait une visite à Bucarest, avec la guerre à quelques pas de là en toile de fond. Pendant de longues minutes le président roumain Klaus Iohannis, un sourire béat figé sur les lèvres, l’a attendu sur le tarmac de l’aéroport, flanqué de drapeaux et accompagné par nombre d’officiels. Suivaient des embrassades, les habituelles caresses dans le dos, le tutoiement de rigueur, et un « cher Klaus » servi maintes fois de manière appuyée.
Samedi, à son retour de Chine, Emmanuel Macron s’est arrêté à Bucarest. C’était un arrêt prévu, sans doute négocié, annoncé deux jours plus tôt par la presse roumaine comme un événement notable. Mais dimanche, la même presse s’est contentée de parler brièvement d’une « escale technique ». Sans autres détails.
Pourquoi ce changement de définition ? Parce que, contrairement à l’été dernier, personne ne s’est donné la peine d’aller accueillir Emmanuel Macron à l’aéroport. Ni le « cher Klaus », parti en week-end pascal dans sa ville natale, ni un quelconque représentant de la présidence, ni le premier ministre ou l’un de ses adjoints. Seul le ministre roumain des Affaires étrangères s’est déplacé pour faire avec son homologue française cet échange de banalités qu’on profère entre deux vols pour se prouver qu’on est fin diplomate. Et pourquoi pas un mot de cela dans la presse roumaine, pas un mot dans la presse française ?
Macron a, donc, passé un assez long moment dans le salon VIP de l’aéroport de Bucarest à s’ennuyer dans la seule compagnie du personnel de l’ambassade de France.
Et c’est ainsi que ce qui devait être une courte visite en Roumanie du président français a été au dernier moment déchue au niveau d’« escale technique ». Simple incident de parcours, sans aucune conséquence – ni sur le vol présidentiel ni sur la politique internationale. Après le très médiocre accueil à l’aéroport de Pékin, un non-accueil à Bucarest. Camouflet ?
La Roumanie compte trop peu dans le monde pour qu’elle puisse, à sa guise, décider d’administrer des vexations de la sorte. Mais la Roumanie s’est placée seule, il y a trente ans, dans la situation de colonie américaine. Après la chute de Ceausescu, elle a trouvé son bonheur en changeant de « grand frère ». Il était à l’Est, désormais il allait être à l’Ouest. Sa boussole lui a juste montré un nouveau cap de l’obéissance. Ceci étant, il n’est pas impossible d’imaginer que le « conseil » d’ignorer la présence de Macron sur son sol lui soit venu d’au-delà des mers. Macron qui ne veut pas humilier la Russie, qui veut même négocier avec elle – certes, avec sa très médiocre habileté –, qui est allé en Chine au moment où Washington fait le vain songe de l’écraser à la manière brillante dont il échoue d’écraser la Russie. On fait la guerre par des tiers, on peut aussi punir par des tiers.
S’il en est ainsi, c’est que l’Amérique entend de plus en plus traiter ses alliés-subalternes comme le faisait l’Empire Ottoman avec ses vassaux : il les nommait, il les renvoyait et, finalement, les invitait à la Sublime Porte pour les faire décapiter. Que Macron soit en disgrâce à Bucarest, c’est un fait. Mais il est complètement dépourvu d’importance. Cependant, il est permis de se demander si cette disgrâce n’est pas l’écho d’une autre, bien plus haute, bien plus désagréable pour lui, décidée à la Maison Blanche. Même prononcée de manière stérile, comme simple artifice oratoire, la fameuse formule « souveraineté européenne » qui plaît tellement à notre président peut énerver l’Amérique.
Commencer de manière si grandiloquente dans la cour du Louvre et finir à peu près ignoré sur deux aéroports, l’un après l’autre – quel étrange, quel triste destin que celui de Monsieur Macron ! ■
Article paru le 11 avril sur la page FB de son auteur.
Il a notamment publié :
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Autopsie du coup d’État roumain, Calman-Lévy,1990
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L’exécution des Ceausescu, Paris, Larousse, 2009
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Le vague tonitruant, Paris, Kryos, 2018
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La chute de Ceausescu, Paris, Kryos, 2019
On ne va tout de même pas verser une larme pour ce sinistre et infecte personnage!!!!!!
Qui a parlé de larme ?