Par Vincent Trémolet de Villers.
Commentaire – Cet éditorial du Figaro de ce matin, signé de Vincent Trémolet de Villers, nous paraît dire assez bien, sans flatterie ni flagornerie pour le Pouvoir, et même en termes opportunément ironiques, ce que les Français ont pensé et ressenti de l’allocution d’Emmanuel Macron, d’hier soir. Qui leur a surtout paru d’un vide sidéral et d’un irréalisme confondants. Et – parce que contrairement à ce que beaucoup présupposent, les volontés fluctuantes de l’opinion ont parfois peu à voir avec les intérêts supérieurs, c’est à dire, au fond, historiques du Pays – ces lignes nous semblent introduire, certes a minima, à une certaine prise de conscience de la crise de régime partout constatée qui va bien au-delà de la question discutable des retraites et des épreuves d’Emmanuel Macron dans l’exercice du gouvernement de la nation ! À franchement parler, que cette sorte d’humilité imposée qu’on croit lui voir ou ces entraves qu’il endure à sa volonté d’action débridée, soient pour Emmanuel Macron sa plus grande épreuve n’est pas notre souci, si on compare ses souffrances – il n’est pas le jeune Werther ! – à celles qu’endure le Pays, archipélisé, déclassé, menacé dans son identité même et son indépendance, atteint jusque dans sa culture, ses familles, sa jeunesse, ses enfants. On lira dans un second article de cette journée de JSF, l’analyse de la situation actuelle dans ses ressorts essentiels et profonds qui est celle de François Marcilhac. C’est une analyse d’Action Française, qui, donc, tente d’aller au fond des choses. Avec l’unique souci de la Patrie. Angor patriae disaient les Anciens. Il faut retrouver, restaurer ce souci, cette angoisse même , dans les temps difficiles où nous entrons. Et, comme disait Bernanos, faire front.
Une simple allocution, même placée sous le patronage de Notre-Dame de Paris ou de Napoléon (rappelons que les cent jours se sont très mal finis), ne peut retourner une situation aussi critique.
L’éternel retour n’est pas qu’un concept philosophique, c’est aussi un des sentiments qu’inspirent les années de pouvoir d’Emmanuel Macron. La télévision à 20 heures, les conseillers qui, dans les heures qui précèdent, distillent les éléments de langage sur le «nouveau narratif» de la «séquence», dans la «grammaire» qu’impose la situation. Et puis le président de la République, mi-solennel, mi-empathique, qui a «entendu la colère» et promet une délibération «sans tabou» sur le travail, le retour de l’ordre public, une école qui va changer «à vue d’œil» et un système de santé «profondément rebâti». Sans oublier l’autosatisfaction persistante pour le bilan et toujours cette illusion de contourner le Parlement, par les simulacres démocratiques que sont grands débats, conventions citoyennes et CNR.
Promesses déjà vues, déjà entenduesDéjà vue, déjà entendue, cette histoire du président qui nous dit qu’«ensemble nous avons fait face». Le Covid et la guerre en Ukraine l’ont effacé de nos mémoires, mais déjà en 2019, après la crise des «gilets jaunes», il s’agissait de reprendre le fil d’un mandat et de retrouver les Français.
Depuis le mois de juin, et la défaite relative aux élections législatives, la situation a empiré. Pas de majorité à l’Assemblée, une grande défiance dans la population, la rancune des corps intermédiaires et, pour achever de noircir l’horizon, une règle constitutionnelle qui donne au président engagé dans son dernier mandat une conscience angoissante du temps qui passe.
Une simple allocution, même placée sous le patronage de Notre-Dame de Paris ou de Napoléon (rappelons que les cent jours se sont très mal finis), ne peut retourner une situation aussi critique. Le chef de l’État est le premier à le savoir. Lundi soir, c’était son premier pas pour une longue marche de réconciliation. Contre son tempérament, Emmanuel Macron ne peut plus avancer qu’au rythme de l’escargot. Son verbe, dévitalisé à force de promesses et de revirements, est impuissant à dissiper l’impression anxiogène d’une fuite en avant qui ne bouge pas d’un pouce. Quand on aime le grand galop et qu’on a prétendu « chevaucher le tigre », cette humilité imposée est sa plus grande épreuve.