Par Aristide Ankou.
La loi sur le « mariage pour tous » a été adoptée il y a dix ans. Ce genre « d’anniversaire » est ordinairement l’occasion pour le camp vainqueur de narguer les vaincus, sur le mode : « Alors, vous nous aviez promis l’effondrement de la civilisation si cette loi était adoptée : où est l’effondrement annoncé ? Où sont les nuées de sauterelles ? Où sont les vagues de crapauds et les pluies de météorites ? Rien de ce que vous aviez annoncé ne s’est produit ! » (nananère !)
Ce qui est doublement malhonnête, ou doublement stupide, voire les deux à la fois.
D’abord, parce qu’aucun opposant sérieux au mariage des couples de même sexe n’a jamais prétendu que « la civilisation » allait disparaitre si Kevin et Jordan ou bien Mélissa et Aglaé convolaient en justes noces. En revanche, tous les opposants sérieux ont dit à peu près que le « mariage pour tous » ouvrirait nécessairement la porte à d’autres revendications, puis à d’autres encore, toujours plus radicales et auxquelles il serait impossible de s’opposer précisément parce qu’elles prendraient appui sur le précédent du « mariage pour tous ». Bref, l’argument a toujours été celui de la pente glissante et pas celui de l’effondrement.
Ensuite parce que ces conséquences – ou en tout cas certaines d’entre elles, car nul ne peut prédire où s’arrêtera exactement notre dégringolade – sont déjà là et bien là, pour qui a des yeux pour voir.
On peut penser bien sûr à la « PMA pour toutes », suite logique du « mariage pour tous » et dont, pourtant, les promoteurs de ce dernier juraient leurs grands dieux que, non, non, non, elle ne faisait pas partie de leurs revendications.
Mais je pense surtout à la folie du transgenrisme, qui a déferlé sur nous avec la force et la soudaineté d’un tsunami.
Le mot folie est approprié, car les revendications liées à « l’identité de genre » nous demandent de nier les évidences de nos sens et de notre raison.
Avec le « mouvement transgenre », nous sommes sommés de croire et d’affirmer à la fois que le masculin et le féminin sont des constructions arbitraires inventées par « la société » dans une intention mauvaise, qu’il est cependant possible pour une personne d’être un homme né dans un corps de femme, ou vice-versa, et, qui plus est, qu’il possible pour un enfant d’avoir conscience dès trois ans de cette mystérieuse incohérence entre le corps et l’esprit. « C’est à peu près comme de dire que Napoléon n’existe pas, que vous êtes Napoléon et que vous saviez que vous étiez Napoléon peu après le moment où vous avez cessé de porter des couches. »
Nous sommes aussi sommés de nous comporter comme si la personne en face de nous était une femme (ou un homme), alors que nous voyons qu’elle est un homme (ou une femme) de manière aussi claire, indubitable et inévitable que nous percevons la lumière du jour lorsque nous ouvrons les yeux.
L’affirmation au centre de l’activisme transgenre est que le sentiment qu’une personne a de son « genre » détermine son sexe, autrement dit que ses « sentiments » déterminent la réalité de ce qu’elle est.
Si vous connaissez une meilleure définition du délire que de prendre ses désirs pour la réalité, je vous écoute.
Comment un tel délire a-t-il pu s’imposer jusqu’au plus haut niveau de l’Etat (je vous rappelle, par exemple, que l’un des tous premiers actes de gouvernement de Joe Biden a été de rétablir un décret dont la signification pratique est qu’il est illégal de traiter un homme qui prétend être une femme comme s’il était un homme, ou une femme qui prétend être un homme comme si elle était une femme) ? Comment a-t-il pu corrompre une partie du corps médical ? Pour ne rien dire de l’Université ou des médias.
Il y a certainement plus d’une raison, mais une raison qui me parait aussi essentielle qu’évidente, c’est l’adoption du « mariage homosexuel » dans un très grand nombre de démocraties occidentales.
Si deux hommes ou deux femmes peuvent se marier et fonder « une famille », pourquoi un homme ne pourrait-il pas devenir une femme, ou inversement ? Pourquoi ne pourrions-nous pas choisir librement notre « identité de genre » ? Derrière le « mariage pour tous » comme derrière l’activisme transgenre, on trouve la même négation de la nature et le même dogme de la souveraineté absolue de l’individu.
Les vrais enfants du « mariage pour tous » sont tous ces pauvres diables qui prétendent pouvoir décider de leur « genre » à leur convenance et qui, en conséquence, demandent à une médecine corrompue de les mutiler (je dis « pauvres diables car, bien qu’ils puissent être très féroces lorsqu’ils sont constitués en meute, personne ne peut douter qu’ils sont réellement à plaindre).
Et puis nous avons la « GPA pour tous » qui frappe à notre porte, ainsi que « l’aide active à mourir », et comment pourrions-nous leur refuser l’entrée alors qu’elles aussi peuvent à bon droit se réclamer de la souveraineté absolue de l’individu, la « liberté sacrée », comme dirait Raphaël Enthoven ?
En attendant, très vraisemblablement, d’autres choses merveilleuses et tellement aberrantes qu’il est à peu près impossible, aujourd’hui, de les imaginer.
Ce que j’imagine très bien, en revanche, ce dont je suis même moralement certain c’est que, quelle que soit la situation, il se trouvera toujours un Raphaël Enthoven pour nier l’évidence et pour affirmer que nous avons simplement affaire à « un univers libéral, démocrate, qui fonctionne comme il peut. »
Il y a des gens qui, s’ils entendaient sonner les trompettes du Jugement dernier, se rassureraient encore en prétendant qu’on vient juste de sonner à la porte. ■
Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur (23 avril).
Nous n’avons pas été jusqu’au bout, nous nous sommes dispersés avant la fin des manifestations, alors que certains arrivaient encore, et nous avons rendu ostensiblement hommage aux valeurs d’un pouvoir qui nous narguait au plus profond de notre conscience. . Sans violence certes, c’était un point acquis, mais à l’imitation des étudiants tchèques en 1989 , qui ne se sont pas dispersés avant d’obtenir ce qu’ils voulaient la chute du communisme , nous aurions dû laisser la charge de la preuve de cette violence, faite à tout le corps social, bien analysée par Augustin Renou aux autorités. A l’époque les médias n’avaient pas encore pu lessiver l’opinion. Bref, nous avons été lâchés de l’intérieur. Le combat sans relâche, intelligemment mené ,est aussi une vertu chrétienne comme l’a montré Jean-Paul II.
Ne jamais employer, jamais l’expression « mariage pour tous ». Puis-je épouser notre fille ? Ma femme peut-elle épouser notre fils ? Ma fille et mon fils peuvent-ils se marier ? Ma femme et moi pouvons nous épouser l’un de nos enfants, ou les deux ?
Toujours dire et écrire « mariage homosexuel » ; c’est parce que nous lâchons sur les mots que nous perdons toujours. Au lieu de se préoccuper de la « dette » ou de l’écologie, les gens de notre mouvance feraient mieux de lutter sans cesse contre l’écriture « inclusive ». Là est le vrai combat ; le reste, ce sont des fariboles.