L’opération Wuambushu lancée le 24 avril vise à éloigner les étrangers de l’île française.
Par Thierry Berland *.
Cette analyse brève et instructive est parue dans Causeur le 26 avril suivie d’un propos comme toujours décapant d’Elisabeth Lévy sur Sud Radio. Nous avons écrit ici, en contre-point d’une Une comme (presque) toujours lénifiante du Figaro : »Qu’on nous excuse ! Ce n’est pas à Mayotte que « la déferlante migratoire » fait courir les plus grands risques à l’équilibre historique de la Nation ! » et nous maintenons ce point de vue. Dans la situation de déclassement où elle se trouve, sous le coup de menaces existentielles lourdes, la France a-t-elle les moyens, est-elle raisonnable de conserver la charge de ces lointaines et tumultueuses « poussières dans l’Océan » que De Gaulle, en un autre temps, celui de la décolonisation, avait choisi de garder en son sein ? Voilà qu’en effet Mayotte devient « un cas d’école du fiasco de notre politique migratoire » . Ce qui replace la menace migratoire pesant sur la France, en son cœur même, dont nous savons bien qu’il se définit ou se délimite depuis des siècles par ses frontières naturelles.
Assistons-nous actuellement à des gesticulations de notre ministre de l’Intérieur, visant à faire oublier que la loi sur l’immigration a été repoussée à l’automne, par Elisabeth Borne, faute de majorité parlementaire ? Ou à une réelle épreuve de force avec l’Union des Comores ? Analyse.
Le plan d’action anti-immigrants à Mayotte, annoncé par Gérald Darmanin à grands renforts médiatiques, prévoit de déloger des migrants illégaux des bidonvilles de Mayotte et d’expulser les sans-papiers – dont la plupart sont des Comoriens – vers l’île comorienne d’Anjouan, la plus proche, située à seulement 70 km.
Que l’État français réagisse enfin au capharnaüm mahorais est bien le minimum. L’île de Mayotte, à laquelle Nicolas Sarkozy a bien imprudemment accordé le statut de département français, est devenue une bombe à retardement sociale, économique et humaine. Il faut ici préciser qu’il n’était nul besoin de départementaliser l’île pour conserver le domaine public maritime français. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie, avec un statut juridique sui generis, fait profiter à notre pays d’une surface maritime supplémentaire de 1,5 millions de km2, soit près de trois fois la superficie de la métropole (sur un total de plus de 10 millions, le second domaine mondial après les États-Unis).
Quand le droit du sol se transforme en cauchemar migratoire
170 gendarmes stationnent déjà en permanence sur l’île, ce qui est un effectif bien maigre eu égard à sa superficie et son nombre d’habitants (374 km2 et plus ou moins 280 000 âmes). Le droit du sol, qui accorde la nationalité française à tout enfant né sur place à condition que l’un des parents réside depuis trois mois sur l’île (un projet envisage de passer à plus d’un an), reste une calamité en termes de peuplement allogène puisque l’on sait que la moitié de la population est étrangère. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière est considérable.
Inutile de dire que sur le plan financier, Mayotte est un gouffre. RSA, natalité incontrôlée, soins gratuits, rentabilité fiscale modeste et économie informelle annulent toute perspective de développement.
Que peut faire Gérald Darmanin ?
Les obstacles sont nombreux à son projet. Le plus important est évidemment le refus de l’Union des Comores de recevoir ses ressortissants. De sorte que l’expulsion des citoyens comoriens vers l’île d’Anjouan, déjà sinistrée (80% de la forêt y a été coupée entre 1995 et 2014 et la plupart des fleuves y sont asséchés) est une vue de l’esprit. De plus, nous ne disposons même pas des bateaux nécessaires à l’opération.
Il faut ensuite rappeler la difficulté extrême rencontrée par les autorités françaises pour déterminer l’identité et l’origine des immigrants illégaux, pour beaucoup très jeunes quand ils ne sont pas carrément mineurs. En outre, de nombreux clandestins sont originaires de l’Afrique de l’Est, et pas des Comores. Autant dire qu’avec le droit français et les quelques juges sur place, la majorité des procédures sont vouées à l’échec. L’effectif du tribunal administratif de Mayotte est de 13 magistrats et cinq agents de greffe… Le fiasco de Toulon, en novembre 2022, lors du contrôle des 230 migrants de l’Ocean Viking, vite disparus dans la nature, peut donner une idée de ce qui risque de se passer.
Et pourtant, la France a les moyens de faire plier le président comorien, Azali Assoumani. Entre 2008 et 2017, ce sont pas moins de 74 millions d’euros qui auront été donnés par la seule Agence Française de Développement au pays ! Signé en juillet 2019, l’accord-cadre entre la France et les Comores prévoit par ailleurs 150 millions d’euros sur trois ans pour l’Union des Comores, en contrepartie d’une lutte contre le départ des ressortissants comoriens vers Mayotte. Notre pays pourrait, enfin, peser sur les financements internationaux. Le FMI a accordé 12 millions de dollars en avril 2020, et la Banque Mondiale vient de faire un don de 30 millions de dollars en février.
Au-delà de l’effet d’annonce d’un ministre de l’Intérieur chassant sur les terres du RN, l’opération n’a en réalité qu’un objectif : terroriser les illégaux en détruisant leur habitat. Mais, le tribunal administratif de Mayotte a déjà suspendu une opération d’expulsion… On ne peut craindre qu’une chose: qu’une fois l’opération réalisée et les renforts militaires et policiers repartis, la situation n’empire. ■
Tout ça est la faute de Pierre Pujo et de sa démentielle obsession colonialiste de maintenir Mayotte en France ! (je ricane : je doute que le pauvre Pujo ait eu quelque influence là-dedans ; mais il s’en targuait).
Un vrai politique est l’homme qui sait se débarrasser avec réalisme – cynisme – de ce qu’il n’est plus possible de garder. Le général avec l’Algérie, comme Louis XI avec les Liégeois.
Le colonialisme a été une aberration ; son souvenir et ses débris sont aujourd’hui une faute politique.
Je ne sais pas s’il faut faire sien les durs propos de Pierre Builly. Le fait est qu’il me parait difficile d’abandonner Mayotte aujourd’hui – ne serait-ce que parce que les Mahorais, dans leur grande majorité, ne le veulent pas.
En tous cas, il est certain que s’il fallait peut-être garder Mayotte (et je n’en suis pas convaincu), il ne fallait surtout pas en faire un département. Comme si Mayotte pouvait être géré comme les Yvelines…
Dans l’état actuel des choses, je ne vois guère d’autre solution que d’installer un de nos régiments sur place et d’accorder un traitement spécial à cette île (en y supprimant le droit du sol par exemple). On dira que c’est une atteinte au principe républicain d’égalité, mais je ne pense pas que quiconque ici s’en formalisera.
La question coloniale ne peut pas se raisonner à distance, du fait qu’il y a bien eu des «colonies», et que celles-ci étaient censées recevoir béatement les «bienfaits» de la démocratie gaucharde… Seulement, voilà, une fois que les choses sont consommées, sauf à se boucher les yeux et les oreilles, il faut bien compter avec ce qu’elles sont. Total : un état colonialiste ne peut pas abandonner ses colonies en rase campagne, ne peut pas abandonner les colons qui y sont et les indigènes fidèles – ce, pour l’Algérie, entre autres… Certes, ce n’est pas simple ; mais si un pays a commis une erreur un beau jour, c’est ce même pays qui doit la corriger, sans pour autant se condamner lui-même pour ce qu’il a fait, sinon il se condamne simultanément pour ce qu’il est en train de faire… Quant à Mayotte, eh bien, en premier lieu, ce ne peut pas être assimilé à une «colonie» – si cela n’apparaît pas tel au premier coup d’œil, il suffit d’aller regarder l’Histoire un peu sérieusement pour le comprendre.
Cependant, la gestion de ce territoire par les différents régimes républicains, comme pour toutes les autres gestions, elle a été honteuse, et honteux (comme d’habitude) le soin que ces régimes ont pris des Français y demeurant.
Que faire aujourd’hui ? Eh bien, comme d’habitude : rien, deux fois rien, trois fois rien… Mais avec des grands moulinets, car, désormais, après avoir ricané de Don Quichotte, les faux géants de l’élite aseptisée se prennent pour des moulins à vent.
Nous sommes donc bien tous d’accord : nous sommes dans un merdier dont nous ne pourrons pas nous sortir.
Les Comores n’accepteront de reprendre leurs ressortissants qu’à un prix exorbitant – que nous leur verserons – et les rapatriés à Anjouan repartiront à Mayotte une fois que les Forces de l’ordre auront le dos tourné. Exactement la même chose que les Romanos dont nous payons le retour dans leurs ghettos de Roumanie et de Bulgarie… et qui reviennent à la belle saison.
Il est certain que la départementalisation a été une des nombreuses folies irresponsables de Sarkozy et qu’avec un statut différent (droit du sang, pas de RSA) la situation serait un peu meilleure. Mais le ver était dans le fruit dès 1975. Il fallait être idiot pour ne pas voir que le gouffre de niveau de vie, de prestations sociales entre les Comores et Mayotte ne serait pas un puissant aspirateur.
Mais la position officielle de l’AF est que le combat de Pujo a ét é exemplaire et réussi. Comment peut-on être aussi aveugle, comment, se réclamant de « l’empirisme organisateur » peut-on soutenir de telles folies.
J’attends du mouvement un examen de conscience là-dessus, une vraie « repentance » (pour une fois pertinente) et non pas des bêlements sur la difficulté que la République a à comprendre des réalités territoriales et culturelles différentes. Qu’est-ce qu’il pensait, Pujo, en 75 ? Qu’en 2020 le Roi aurait été couronné à Reims ?
Ce mouvement d’AF que j’ai tant aimé, que j’aime tant encore a le chic de ne pas regarder sa propre histoire et de ne pas pratiquer l’autocritique… Dans ma jeunesse militante, dès 1963, j’ai connu des vieux qui vous assénaient que Dreyfus était coupable ; d’autres, moins vieux, que le bide du 6 février 34 avait failli renverser la République ; ne parlons pas des illuminés pétainistes, de ceux qui prétendaient qu’on nous avait « trahis » en Indochine.
Il y. en a encore qui croient – et même de ma génération – que l’Algérie pouvait rester « française » alors que dans tous les Camps et celles d’études on expliquait que la République la perdrait, puisque c’était dans la nature es choses…
Et aujourd’hui c’est sur Mayotte… ce sera demain sur la Polynésie ou je ne sais quoi.
Mais on sait bien qu’à l’AF on n’a jamais fait de politique : on n’a jamais fait que de l’agitation.
Réfléchissons un peu les gars : qu’est-ce que – concrètement – l’AF a politiquement imposé depuis qu’elle existe ? À cette question, le cher et disparu Jean de Decker m’avait répondu, tristement et narquoise ment : « La fête de Jeanne d’Arc ! ». C’est vrai. Rien d’autre.
Mais je continue à payer ma cotisation quand on me la demande.
Mon cher Pierre, tu demandes un examen de conscience à l’AF et je partage ton avis, mais tu devrais voir que la position « officielle » de l’AF n’est partagée que par une poignée d’apparatchiks, et que si on devait faire un débat public, ce serait l’occasion pour certains d’une belle déconvenue. Pujo, suivant à la fois la position intégrationniste soutenue pendant la guerre d’Algérie et la position jacobin-blanc de son père, s’est refusé catégoriquement à lutter contre l’immigration, et il a refusé de condamner la loi Pleven, sauf sur la question de la nationalité pour les fonctionnaires. Tout cela c’est la même chose. Cela dit, un débat honnête et compétent devrait pouvoir être tenu. Avec la direction actuelle du mouvement, ce n’est pas demain la veille.
N’est-ce pas ce que voulait la NAR à ses débuts ? Un « droit d’inventaire » de l’héritage de l’AF ?
Vous avez raison : il y avait dans la NAF la volonté d’une remise à jour de l’héritage maurrassien – dont la réflexion fondamentale n’était pas contestée – aux enjeux du monde moderne. Et ceci était une option nécessaire.
Le malheur est que cette volonté intervenait aux pires moments du chaos suscité par Mai 68. Au lieu d’une réflexion profonde, sage, rigoureuse sur le legs de l’AF, la NAF s’établissait sur le tohu-bohu bouillonnant d’un monde qui s’effondrait ; d’où les orientations gauchisantes qui bouleversaient les esprits.
De mon point de vue, ces remises en question ne doivent pas intervenir dans ces époques de foisonnement et d’excitation, mais aux moments où l’on a le temps de réfléchir.
C’est un sujet qui mériterait une réflexion et une discussion approfondie. Je pense que, si nous n’avions pas été lancés sur la pente hurlante de l’agitation et de l’anti gaullisme forcené, il y avait quelque chose à faire vers 1967 : la blessure de l’Algérie était moins brûlante et nous aurions dû commencer à réfléchir sur la suite continue de nos échecs. J’ai le souvenir qu’à Grenoble quelques uns de nos militants sont allés « voir ailleurs », mais tout près (Fabrice Élie, Dominique Madej), bien conscients que l’extrémisme RN n’avait aucun avenir ; ils se sont rapprochés des débris de la « Nation française » (Guy Chassagne, Jean-François Rullier) et ont essayé de faire vraiment de la politique. Ce qui a vaguement été esquissé à Grenoble (et a fait long feu, parce que nous, les militants obstinés, étions bien plus forts) aurait dû être mené à Paris et ailleurs.
En 68, c’était presque trop tard, parce que les choses se sont cristallisées ; ensuite, avec la crise de croissance des effectifs, c’était impossible. Et puis celui que tout le monde aurait suivi, parce qu’il avait le magistère intellectuel, la puissance de raisonnement, l’autorité naturelle est allé s’enfermer chez le fou furieux de Saint Parre les Vaudes.
L’histoire de l’AF est faite de ces scissions qui interviennent à contre-temps.
j’ai cru comprendre, par ouï-dire , que l’assimilation de Mayotte comme terre française serait contestée par une partie de la « Communauté Internationale », elle-même soutenant les Comores dans leur revendication. Ce pourrait être une bonne raison de l’abandonner comme on l’a fait pour l’Algérie. En attendant, la France est, du point de vue de cette « Communauté », dans une position un peu comparable à celle de la Russie dans le Donbass ou du Kosovo à l’égard de la Serbie. Pas de quoi rehausser notre réputation.
Ma foi, oui, ce pourrait être une bonne manière de sortir de là.
Si l’on tient absolument à rester à Mayotte, alors il faut y mettre les grands moyens, notamment en militarisant cette île. Il faut surtout lui ôter son statut de département, d’où vient une large part de ses malheurs actuels. Le hic, c’est que les Mahorais tiennent à ce statut. Voudront-ils rester français si on le leur enlève ? Et d’ailleurs, peut-on le leur enlever ?
La légitimité, c’est un pouvoir reconnu au service d’un vrai bien commun; tant qu’il n’est pas en place nous sommes les harkis de ce régime, déjà en 1914, où il était incapable de faire la paix et de préparer à la guerre, nous l’étions avec l’union sacrée qui se termina par une paix délètere . Le ver est bien dans le fruit- comme le dit Emmanel de Waresquiel – dès l’origine de ce régime, dont la légitmité repose sur une pure tautologie ressassée jusquà plus soif. . . Nos dévouements sont récupérés,massacrés, pour lui donner un sursis. La non pensée ne peut triompher à terme; à un moment il y aura retournement , à nous de le préparer, en tranmettant: » Il existe encore des gardiens poura rallumer la flamme, le voile de nuages est pour ainsi dire déchiré par le soleil d’un nouveau réveil religieux ». C’était vrai dans la nuit de 1942 , où cela a été écrit en Russie, c’est encore vrai aujourd’hui.