PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Commentaire – Cette « chronique » est parue dans Le Figaro de ce samedi 29 avril. Nous ne sommes pas toujours d’accord avec Mathieu Bock-Côté, notamment lorsqu’il persiste à vouloir « sauver la démocratie libérale » (cf. son débat avec Nicolas Baverez), celle-là même qui nous a conduits à la situation qu’il dénonce ici avec tant de force. Les démocraties nordiques auxquelles il se réfère à juste titre comme exemples du consensus transpartisan anti-immigration de masse à construire chez nous, primo sont des monarchies où le poison de l’élection présidentielle n’existe pas et secundo n’ont en rien connu cette sorte de révolution qui nous affecte depuis deux siècles et se fonde sur la haine de tout héritage, sur le rejet de tout concept de peuple historique, sur la volonté, même, d’en éradiquer l’identité qui pourrait le distinguer – horresco referens – de la masse des humains. Si Mathieu Bock-Côté se demandait pourquoi ce qui est possible au Danemark, en Suède et Norvège ou même en Finlande, ne l’est pas en France et ne le sera pas de sitôt, sans-doute trouverait-il dans cette différence historique la clé de ses interrogations. Cela dit, faut-il ajouter que si sa voix torrentueuse et tonitruante venait à manquer dans le paysage audio-visuel français, on aurait tôt fait de la regretter amèrement. G.P.
CHRONIQUE – Malgré l’opposition du régime diversitaire, une large majorité de Français s’oppose désormais à l’immigration légale et illégale. Il conviendrait de l’écouter, argumente le sociologue.
On l’avait compris depuis un temps déjà, et on en a eu la confirmation cette semaine: le chaos engendré par la loi sur les retraites entraînera un report jusqu’à l’automne au moins du projet de loi sur l’immigration. Mais ce sont les raisons données qui sont intéressantes: Élisabeth Borne affirme qu’elle se trouve devant une majorité introuvable pour porter et faire aboutir une telle loi. Elle a l’honnêteté d’affirmer qu’elle ne la cherche qu’à l’intérieur des partis composant ce qu’elle appelle « l’axe républicain », tout en omettant de préciser que c’est justement dans la mesure où un parti consent à l’immigration massive, ou du moins, s’y résigne, qu’il y sera admis. Car si elle élargissait son regard à l’ensemble de la population, elle découvrirait une tout autre majorité, disponible, réfractaire à l’immigration massive, et qu’il s’agirait de construire politiquement pour réorienter le destin démographique du pays.
Insistons un peu car c’est l’essentiel. Pour peu qu’on prête un minimum de valeurs aux enquêtes d’opinion, une très large majorité de la population française s’oppose à l’immigration massive – et ne se contente pas de s’opposer à l’immigration illégale, comme le font les faux fermes, mais voudrait en finir avec le changement démographique qui condamnera à terme le peuple historique français, puisqu’il faut bien le nommer, à devenir minoritaire chez lui. Car un pays ne saurait être indifférent à la population qui le compose, même si certaines élites, pour ne pas avoir à se l’avouer, se contentent de définir son identité en se référant aux « valeurs de la République ». Une très large majorité s’oppose au détournement du droit d’asile, qui est devenu une filière migratoire à part entière, et au dévoiement de l’État de droit qui se transforme en gouvernement des juges, où des textes internationaux censés disposer d’une légitimité morale supérieure viennent neutraliser la souveraineté populaire. Une très nette majorité voudrait faciliter les exécutions des OQTF.
Mais de cette majorité, le régime diversitaire ne veut pas. Il la traite comme une majorité réfractaire à empêcher politiquement, en faisant en sorte que les partis qui contribuent à l’expression de telles préoccupations soient frappés d’un interdit républicain tout en menant une campagne de rééducation permanente contre les catégories de la population accusées de verser dans les pires préjugés. C’est aussi pour construire une majorité officielle accordée aux exigences du régime diversitaire que de nombreuses figures de la macronie plaident pour la mise en place d’une convention citoyenne sur l’immigration, qui permettrait à l’expertocratie immigrationniste de reprendre en main le débat, en chapeautant une assemblée de citoyens choisis et appelés, au terme d’un exercice « délibératif » à se rallier au régime, à lui fournir une caution «citoyenne», à la différence de la majorité populaire ne parvenant pas à prendre forme politiquement, parce que le système électoral et les normes de la respectabilité politico-médiatique ne le permettent pas.
L’immigrationnisme comme dogme
C’est tout le contraire qui s’est passé en Scandinavie. Longtemps, les pays scandinaves ont été soumis aussi à l’immigration massive, et sans surprise, la réaction populaire a pris la forme d’une réaction « populiste ». Mais, à la différence de la France, les partis n’ont pas été repoussés à l’extérieur d’un cordon sanitaire. Ils ont été progressivement intégrés au jeu politique ordinaire – la chose était favorisée par un système électoral favorable à l’émergence de nouveaux partis et à la formation de gouvernements de coalition. Cela a d’abord été le cas au Danemark, puis en Norvège, et plus récemment, même en Suède et en Finlande. En un mot, les partis populistes, loin de servir de repoussoirs généralisés, sont parvenus à réorienter le discours public global, tous les partis étant appelés à tenir compte de leur percée pour adapter leur discours et programme. Au Danemark, le consensus immigrationniste est ainsi devenu un consensus anti-immigrationniste.
L’immigrationnisme n’est pas qu’une préférence politique parmi d’autres : c’est le dogme sur lequel repose le régime diversitaire, et qui est appelé à se déployer jusqu’à son terme, pour que le mythe de l’interchangeabilité des populations se substitue enfin à la réalité de la diversité des peuples. Un référendum sur ce sujet aurait d’abord pour vertu de désenclaver la question migratoire d’un système partisan qui a tout fait pour la fragmenter depuis quarante ans. Il pourrait surtout, vu l’état du droit qui neutralise le politique et désubstantialise la souveraineté, redonner au pouvoir le pouvoir d’agir en posant une norme démocratique supérieure ramenant à sa juste place la logique des « droits » qui permet dans les faits aux tribunaux, aux activistes et aux réseaux mafieux de passeurs de faire la politique d’immigration de la France. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Mais oui, bien sûr, il faut par tous les moyens, tant que c’est encore possible, révéler aux français que seul le régime monarchique permettrait de regler le danger de l’immigration massive en France et notre demographie suicidaire
Oui, il faut ouvrir un tel débat ! Voire demander un référendum sur cette question comme l’a suggéré Pierre-Henri Tavoillot : https://www.bvoltaire.fr/scandale-sur-france-5-un-philosophe-propose-un-referendum-sur-limmigration/
C’est d’autant plus important que la situation de la France sur ce point nous est encore favorable. Nous ne sommes pas submergés, comme le sont aujourd’hui l’Allemagne ou, de plus en plus, le Royaume-Uni. Il nous est encore possible de renverser la vapeur.