Par Gérard Pol.
Il me semble personnellement bien clair que Boutang est, pour ceux qui sont capables de le lire, ce qui ne va pas de soi, un complément ou plutôt un prolongement de Maurras d’une valeur exceptionnelle* mais qu’en aucun cas, il n’est fait pour se substituer à lui.
Pour au moins trois raisons irréfragables :
1. Celui qui aurait proposé à Boutang cette prétention (prendre la place de Maurras parmi ses disciples) se serait fait « casser la gueule » (le mot et la chose étaient dans son caractère et dans l’ordre de ses possibles réactions physiques, pas seulement dans son vocabulaire ou son intellect…)
2. Si les disciples de Maurras étaient nombreux à bien comprendre les nuances et les équilibres profonds de la pensée de leur maître, cela se saurait. Ce n’est pas et, je crois, n’a jamais été le cas, quel que soit l’échelon hiérarchique considéré au sein du mouvement ou courant maurrassien.
3. Et pourtant, Maurras a une pensée claire, sans détours, compréhensible de ceux qui ont le niveau moyen des humanités classiques et ne rechignent pas à travailler un peu. Pierre Boutang est à l’inverse, un métaphysicien souvent obscur, difficile à lire et à comprendre. Ceux qui prétendraient substituer Boutang à Maurras, afin d’être plus « modernes » ou plus « cathos » s’exposent au ridicule car « philosophe platonicien », Boutang est tout aussi penseur ancien que Maurras. Maurras, lui-même grand lecteur des Antiques grecs, formé en réalité à la pensée scolastique, thomiste, médiévale. Mais la pensée de Boutang est d’un accès infiniment plus difficile que celle de Maurras.
Il n’y a jamais eu de rupture quelconque entre le Maurras historique, vivant, et Pierre Boutang. Ils étaient naturellement différents et admettaient qu’il y eût entre eux des différences acceptées, discutées, respectées, admirées.
Mais Boutang a toujours, jusqu’à la fin, affirmé sa fidélité foncière, filiale, envers Maurras.
Ceux qui disent le contraire sont, selon son expression, des « barbouilleurs ».
Maurras est un maître transcendant aux autres. Mais il n’est pas le seul.
Boutang en est un. Mais aussi bien d’autres parmi lesquels s’impose pour moi Gustave Thibon. Boutang et Thibon se connaissaient d’ailleurs de leur fréquentation commune des après-midi de Gabriel Marcel. Tiens, voilà pour ceux qui l’ignorent, un autre maître pour ceux d’entre nous qui aiment, fût-ce en amateurs, la philosophie, un maître que Thibon et Boutang se reconnaissaient tous deux pour tel. Et ce n’est pas rien.
Boutang est en fait un disciple chrétien de Maurras. Il n’a jamais prétendu que ce fût l’unique façon de l’être, ou d’être royaliste.
Maurras voulait que l’accord des patriotes d’Action Française se fît exclusivement sur la patrie, la France, vue comme « substance quasi éternelle ».
Je ne connais de Boutang aucune remise en cause de cette option stratégique qui, au delà d’elle-même, laisse à chacun la liberté de s’élancer vers ses « affinités électives », plus larges ou plus hautes.
C’est une superbe leçon de liberté d’esprit que tien, pour Maurras ni Boutang, ne peut ou ne doit venir troubler. ■
* Bien sûr en matière philosophique et plus précisément métaphysique, Boutang est bien plus qu’un prolongement de Maurras.
Bien dit, mais qui parle de remplacer Maurras par Boutang ? A ma connaissance, personne.
À ma connaissance, c’est une idée qui a circulé dans certains cercles d’AF. Je ne cherche à incriminer personne la bonne volonté de tous n’étant pas en cause. J’ai simplement écrit ces quelques lignes « sur la chose même « , comme disait Boutang pour distinguer l’important de l’accessoire.