Par Aristide Ankou.
L’actualité offre parfois d’intéressants rapprochements, qui pourraient être très pédagogiques pour ceux qui sont encore capables de faire 2+2, une espèce malheureusement en voie de disparition.
Depuis quelques semaines les médias « respectables » célèbrent les dix ans du mariage homosexuel en France, toujours sur le mode de : « Ce qui paraissait inacceptable à certains est aujourd’hui totalement entré dans les mœurs à la plus grande satisfaction de presque tout le monde ; on nous promettait l’apocalypse et pourtant le soleil continue de se lever tranquillement tous les matins, etc. »
Ce matin à la ROFSB (Radio Officielle de la France qui Sent Bon, pour ceux qui ne suivent pas) on se plaisait notamment à signaler que bon nombre des parlementaires qui s’étaient opposés au mariage homosexuel en 2013 regrettent aujourd’hui leur opposition à cette belle avancée sociétale et jurent, honteux et confus, qu’on ne les y reprendra plus à faire le jeu de la réaction d’extrême-droite qui alimente les phobies nauséabondes (ou vice-versa).
Le plus choupinet était quand même Gérald Darmanin, qui bien sûr regrettait ce qu’il avait fait et dit en 2013 – Oh, oui, comme il le regrettait ! – et qui s’excusait si ses propos à l’époque avaient pu blesser certaines personnes car, disait-il : « Je suis en politique pour défendre des convictions, pas pour être blessant. » C’est vrai quoi, les convictions c’est sacré, et il est très important de les défendre mordicus jusqu’à ce qu’on en change. Ah mais !
Et puis, on apprenait hier dans Le Figaro que de nombreux parents d’élèves de l’École Alsacienne s’étaient émus d’une intervention de l’association OUTrans devant des classes de quatrième, intervention qu’ils qualifiaient de « propagande » en faveur du « militantisme trans ».
Je cite : « Les élèves ont par exemple été invités à s’exprimer sur leurs représentations du masculin et du féminin. Quand un intervenant explique qu’aujourd’hui, des hommes peuvent être « enceints », des élèves ont protesté – avant d’être sèchement recadrés par les intervenants : « ils ont accusé les enfants d’être transphobes », se plaint un parent d’élève. Quand des collégiens expriment leur difficulté à imaginer partager les toilettes des filles avec des hommes trans, les intervenants leur ont de nouveau reproché d’être pétris de préjugés discriminatoires.
D’autres parents soulignent que la séance s’apparentait même à du « prosélytisme en faveur du transgenrisme ». Leurs enfants se sont vu expliquer que « si un adolescent n’est pas bien dans sa peau, c’est qu’il est peut-être trans », et que cette question n’a pas forcément à être abordée avec un psychologue. «Être trans, c’est un feeling», ont ajouté les intervenants, qui ont également déclaré devant leur jeune public: «Dire qu’il y a seulement deux sexes, c’est une représentation datée et c’est faux». »
Et, comme ils se doit, les parents n’avaient absolument pas été prévenus de l’intervention d’OUTrans, ni même d’ailleurs la direction de l’école à ce qu’il semble. En effet, explique benoitement l’administration de l’École Alsacienne, initialement il s’agissait « simplement » d’organiser des ateliers pour aborder « la question des discriminations ». Ces ateliers avaient été confiés à l’association HandsAway, subventionnée par la mairie de Paris et la Région Ile-de-France pour confectionner ce genre de happening, or celle-ci, sans en avertir personne, avait sous-traité une partie du boulot à OUTrans. Ouh les vilains !
La direction n’a pas ajouté que tout cela était intoléruble et inacceptible en 2023 au pays des droits de l’Homme et des valeurs de la République, mais bon, le cœur y était.
Je serais fort curieux de savoir combien, parmi ces parents d’élèves « scandalisés », on pourrait trouver de gens qui, si on les interrogeait, déclareraient haut et fort que, bien sûr, ils sont en faveur du mariage homosexuel. A mon avis, un très grand nombre. Peut-être même trouverait-on certains de ces députés ou hommes politiques qui aujourd’hui regrettent publiquement de s’y être opposés, car nul n’ignore que la très sélective École Alsacienne accueille les enfants de nozélites ; celles qui n’ont de cesse de tonner contre la « ségrégation sociale » et le « contournement de la carte scolaire », comme par exemple les enfants de Pap Ndiaye, l’actuel ministre de l’Éducation Nationale.
Car voyez-vous, chers parents scandalisés, il existe plus qu’un léger rapport entre le « mariage pour tous » et la mésaventure que vous venez de vivre.
Nous vous avions pourtant prévenu en 2013 (et avant) que le « mariage homosexuel » n’avait rien à voir avec le mariage et tout à voir avec une attaque radicale contre la notion de différence des sexes, et, ultimement, contre notre condition corporelle, incarnée. Nous vous avions averti qu’il en allait du « mariage homosexuel » comme du museau du chameau, qu’il est impossible de laisser rentrer dans la tente sans avoir bientôt le chameau tout entier, comme disent fort justement nos amis bédouins.
Nous vous avions démontré, aussi clairement qu’il est possible que, derrière l’idée que deux hommes ou deux femmes pourraient se « marier » et « fonder une famille », il y a nécessairement l’idée que le masculin et le féminin sont de pures « constructions sociales », et au bout de l’idée que le masculin et le féminin sont des « constructions sociales » à déconstruire, on trouve l’infinie « fluidité du genre » : le « genre » considéré comme une création de l’individu, un domaine dans lequel s’exerce une volonté pure, désincarnée, qui « choisit » une « identité » sans avoir besoin de justifier ce choix.
Nous, c’est-à-dire tous ceux qui étaient opposés au mariage homosexuel il y a dix ans parce qu’ils avaient sérieusement réfléchi à la question et qui continuent d’y être opposés aujourd’hui pour les mêmes excellentes raisons.
Bref, entre « le mariage pour tous » et le militantisme trans à l’école, le chemin est à peu près aussi direct qu’il est possible.
Car bien sûr, il est absolument hors de question de laisser chacun penser ce qu’il veut sur ces questions. Il s’agit, depuis le début, de gouverner despotiquement nos sentiments et nos perceptions, pas simplement d’obtenir la « tolérance » pour des « modes de vie différents ». La « tolérance » c’est pour abuser les gogos. On ne prône la tolérance que tant qu’on est en position de faiblesse. Une fois qu’on est en position de force, on passe à la répression et à la rééducation.
Déjà, avec le « mariage pour tous » nous étions passés de la tolérance envers l’homosexualité (acquise depuis longtemps sous nos latitudes) à une demande d’approbation publique de l’homosexualité. Avec le militantisme transgenre, nous sommes à l’étape suivante : un « trans » n’est pas seulement un homme qui se « sent » femme ou une femme qui se « sent » homme, c’est un homme qui exige que tous les autres le considèrent comme une femme, ou une femme qui exige que tous les autres la considèrent comme un homme. Bref, c’est la demande tyrannique que mes sentiments soient votre loi.
Loi au sens strict d’ailleurs, puisqu’on exigera que la justice vienne sanctionner durement ceux qui oseraient exprimer leur scepticisme ou leur désapprobation. On appellera ça « lutte contre la transphobie », de même que précédemment on avait appelé « lutter contre l’homophobie » le refus de manifester publiquement son approbation des « revendications homosexuelles ».
On ne vous laissera pas tranquille. Jamais et à aucun prix. Aujourd’hui ce sont les footballeurs qui doivent portent des t-shirts ou des brassards arc-en-ciel, demain ce sera n’importe qui. Aujourd’hui on impose à vos enfants des séances d’endoctrinement à l’idéologie du genre, demain on vous sanctionnera si vous oser protester.
Eh oui, chers parents scandalisés de l’École Alsacienne : vous avez peut-être gagné cette bataille, mais vous avez déjà perdu la guerre et vous ne cesserez pas de perdre du terrain dans les années qui viennent parce que vous avez déjà cédé sur l’essentiel. Si vous faites partie de ceux qui se bouchent le nez et qui font des mines dégoûtées lorsqu’on leur parle de l’opposition au mariage homosexuel, on pourrait dire qu’il y a une sorte de justice poétique dans ce qui vous arrive. Même si, malheureusement, ce sont vos enfants (et les nôtres) qui vont payer pour vos erreurs. ■
Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur (17 mai).
Très bien ; surtout et c’est bien ce vers quoi l’on va , de faire voir comment on passe de la tolérance à l’ obligation puis à la coercition .
Mais déjà que vient faire le drapeau européen à l’entrée, en symétrie du national ? (du reste , les trois couleurs elles mêmes ont elles besoin d’être galvaudées ?)
Oh vous savez, les trois couleurs, pour ce qu’elles valent… voilà belle lurette que ce drapeau, assez disgracieux par ailleurs, couvre trahisons, lâchetés et veuleries sans nombre dans ses plis. Peut-être serait-il temps pour les roycos de cesser de l’agiter à tout propos. Je pose la question, sans prétendre la trancher.
Sinon, bel article de ce cher Aristide.