… PAR LES BIEN-PENSANTS DE LA TELEVISION
Par Isabelle Larmat*.
Cet excellent article est paru dans Causeur hier 25 mai. Nous n’avons pas tellement à le commenter. Il reflète et décrypte la juste colère et l’indignation qui ont été largement partagées dans l’opinion, par une partie des médias et par les réseaux sociaux où l’émission de la 5 et ses suites analysées ici ont été abondamment et vigoureusement commentées. La Gauche a perdu le monopole de l’expression mais certains médias dont ceux du Service Public et quelques autres poursuivent imperturbablement, sur leur lancée, comme si rien n’était, comme si rien ne pouvait les arrêter, leur travail de propagande en haine et trahison de la France. Ces mots forts ne le sont pas trop. Ceux qu’ils dénoncent encourent l’opprobre et le mépris du peuple français. Ils peuvent les frapper à tout moment.
Sur France 5, Karim Rissouli a consacré une soirée entière à expliquer aux téléspectateurs que l’affaire Lola était un crime atroce qui aurait dû rester un simple fait divers. Pour les journalistes de gauche, il y a la bonne et la mauvaise récupération. S’indigner de ce qu’une fillette de 12 ans soit tuée par une Algérienne sous le coup d’une OQTF à cause des lacunes de l’État n’est selon eux pas légitime.
Samedi 20 mai, c’était le premier anniversaire de l’assassinat du docteur Alban Gervaise. Il avait, on s’en souvient, été égorgé aux cris de « Allah Akhbar » alors qu’il attendait ses enfants devant un établissement catholique de Marseille. Deux jours auparavant, le groupe Lille Antifa tweetait joyeusement : « La seule église qui illumine, c’est celle qui brûle. » La semaine dernière, c’est un couple de Niçois qu’une bande frappait violemment en les traitant de « sales blancs de merde. »
Les justes et les récupérateurs
Dans ce contexte léger, qui constitue désormais notre quotidien, dimanche 21 mai, lors de la « La Fabrique du mensonge », émission présentée par Karim Rissouli, la cinquième chaîne du service public a diffusé un documentaire intitulé « Affaire Lola : chronique d’une récupération ». Dans ledit documentaire, la doxa médiatique accuse l’extrême droite de récupérer la mort de l’enfant assassinée pour promouvoir sa vision réactionnaire du monde. Cette extrême droite, résolument visée, poids des mots et choc des photos à l’appui, apparaît pourtant comme une cible flottante aux contours imprécis. Si on y retrouve les inévitables Éric Zemmour, Marine Le Pen et autres groupes de la mouvance identitaire, y apparaissent Cyril Hanouna, Pascal Praud et tous ceux qui ont associé les lettres du sigle OQTF, devenu presque acronyme, à la présumée coupable. Ça commence à faire du monde.
Ce documentaire, impartia s’il en est, veut montrer l’attitude des Justes, confrontés à « ce terrible fait divers » que constitue le meurtre de Lola. Civilisés et sensés, ils ont « respecté le temps du deuil » puis déclaré posément : « Vous n’aurez pas ma haine. » Las ! C‘était sans compter sur les hordes de nazis tapis qui n’attendaient que l’occasion pour sortir du silence et envoyer valser leurs pantoufles. Leurs bottes enfin chaussées, ces hordes écumantes ont déferlé dans nos rues, scandant (selon l’émission) la bave aux lèvres, leur haine de l’étranger. C’est donc à la sauvette qu’il convenait d’honorer la mémoire de Lola, sous peine d’être accusé d’exploiter politiquement son assassinat.
« Fantasme d’une immigration incontrôlée »
L’introduction au documentaire faite par Karim Rissouli, sans emphase et tout en sobriété, donne immédiatement l’air de la chanson. L’Affaire Lola est un « triste modèle, mais un modèle parfait de manipulation et de récupération politique d’un crime atroce qui aurait pu, aurait dû, rester un terrible fait divers. » Il a « réveillé le fantasme d’une immigration incontrôlée et meurtrière. » Alors, « une armée numérique d’extrême droite, la fachosphère, a réussi à imposer son idéologie et ses théories complotistes dans le débat public. » Après cette captatio benevolentiae de choc, place au documentaire, tout aussi impartial.
On commence par y expliquer que L’Affaire Lola naît lorsque la question de l’OQTF « éclipse le fond de l’affaire », à savoir, le fait divers tragique. C’est ce point de détail qui permet à l’extrême droite de tisser le lien qu’elle affectionne entre immigration, crime et délinquance. Bien sûr, on omet de préciser que Gérald Darmanin et Emmanuel Macron ont, eux aussi, reconnu la liaison dangereuse. Dans les faits, les observateurs se sont simplement contentés de constater que la meurtrière n’aurait pas dû se trouver sur le sol français, comme l’indique justement l’obligation de quitter le territoire français…
Pour la nuance, on repassera
D’après le documentaire, la situation d’OQTF qui frappe la présumée meurtrière aurait été amalgamée à sa nationalité algérienne par l’extrême droite. Les stratèges de la fachosphère, grâce à leur parfaite maîtrise des algorithmes, auraient manipulé l’opinion et poussé à la haine de l’étranger. Nulle action qui aurait été suscitée par l’émotion ou la révolte viscérale face à la barbarie du crime perpétré n’est concédée à ceux qu’on désigne comme des « charognards ». Tous ne sont présentés que comme des suppôts d’Éric Zemmour qui militeraient pour imposer l’idée d’un « francocide » imminent. Amis de la nuance, réjouissez-vous. Deux voix autorisées sont convoquées à la rescousse pour rappeler à l’ordre les esprits égarés. Hervé Le Bras atteste qu’il n’y a pas de submersion migratoire à craindre et Éric Dupond-Moretti rappelle ce qu’on avait tous compris: toutes les OQTF n’ont pas pour but d’être exécutées. Le camp du Bien semble vouloir, avec ce documentaire, reprendre la main sur un débat public qui lui échappe. Il convient de rappeler que l’insécurité est un fantasme sécuritaire ; l’immigration, un ressenti malsain. Le documentaire tourne à la propagande.
Que penser alors de l’instrumentalisation sans fin des affaires Théo et Traoré ? Que dire de l’utilisation de la photographie du corps d’Aylan, gisant sur une plage turque ? Deux poids deux mesures dans la narration, peut-être ? Mais, je m’égare. Sans nul doute une émission de télévision se prépare pour dénoncer l’exploitation par l’extrême gauche, criant au racisme systémique, d’une accusation non établie de violence policière.
François Hollande, qu’on se prendrait subrepticement à regretter tant l’actualité nous rend nostalgique du « monde d’avant » aura le dernier mot. Voici les propos que, sage d’un jour, il tint lors de l’un de ses derniers déplacements présidentiels, le 18 mars 2017, à Crolles : « La démocratie est fragilisée quand les faits eux-mêmes viennent à être contestés, tronqués, ignorés par les manipulations, les mensonges, les falsifications. » Pas mieux. ■
* Professeur de Lettres Modernes.