Par Aristide Ankou.
Faire passer des oraux pendant deux jours dans un établissement d’enseignement supérieur, c’est se prendre de plein fouet la déréliction de l’Education Nationale, avec une force probante bien supérieure à celle de tous les classements PISA.
Non seulement la plupart des candidats n’ont aucune connaissance dans la matière que vous leur avez enseignée (ce qui, désormais, va presque de soi : on ne peut quand même pas attendre des étudiants qu’ils travaillent) mais ils n’ont aucune connaissance non plus dans les domaines connexes sur lesquels, en désespoir de cause, et pour meubler l’entretien, vous essayez de les faire parler.
L’histoire est pour eux terra incognita (je parle simplement de l’histoire du 20ème siècle, bien sûr. Il y a longtemps que j’ai abandonné toute illusion concernant leur connaissance de l’histoire un peu plus ancienne). Nos institutions leur sont lettre close et scellée de sept cachets. Leur compréhension de l’économie relève au mieux du culte du cargo, et ainsi de suite.
Pourtant ces jeunes gens, pas spécialement déshérités, ont déjà été dans le circuit scolaire depuis au bas mot une bonne douzaine d’années. Et pendant tout ce temps, je le sais, ils sont censés avoir eu beaucoup d’heures d’histoire (et de géographie), ils sont censés avoir étudié les institutions de la 5ème République, ils sont censés avoir reçu un enseignement en « Sciences économiques et sociales », et ainsi de suite.
Mais de tous ces enseignements, lorsque vient l’heure fatale de l’examen, il ne reste rien. Rien que des bouts de phrases, sans suite et sans signification, flottant dans des cerveaux qui ressemblent à d’immense halls de gare déserts. Leurs « connaissances », si on peut les appeler ainsi, sont purement verbales : ils connaissent quelques sons mais n’y attachent aucune idée solide et, qui pis est, les connexions logiques les plus élémentaires semblent leur échapper.
Disons-le franchement : l’expérience est effrayante.
Mais A QUOI exactement ont été employées toutes ces années qu’ils ont passées au primaire, puis au collège, puis au lycée ?
Si je pouvais blâmer leurs enseignants du primaire, du collège, puis du lycée je serais presque soulagé : il y aurait une explication rationnelle. Mais non, je sais aussi que la plupart de ceux-ci sont raisonnablement dévoués à leur tâche et font du mieux qu’ils peuvent.
La jeunesse française semble devenue une sorte de désert suffocant où l’eau du savoir s’évapore aussitôt qu’elle est versée. Il y a des oasis, bien sûr, il y a encore des oasis. Mais pour combien de temps ? ■
Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur (26 mai).
Bien observé .
C’est presque impossible de tenir une conversation, même avec des « Bac+5 » de maintenant :
pour ce qui est de l’Histoire, ils veulent avoir le dernier mot : « vivent dans le temps présent, Eux » .
C’est bien vu de relever qu’il est, heureusement, des exceptions .
Quand mon fils, aujourd’hui âgé de 25 ans, avait une dizaine d’années, j’ai essayé de lui faire lire « Mon amie Flicka ». En vain …
Il ne lisait pas.
Aujourd’hui, grâce à Internet, j’en conviens, il a une grande curiosité intellectuelle. Il court les musées et expo à Paris!
Pourtant, il n’a fait qu’une école de commerce de province.
Ne désespérons de rien. Cette jeunesse peut nous surprendre.
Et nous rendre au centuple ce que nous avons tenté mille fois de lui transmettre.
Comme je fréquente (si je puis dire !) des CM1 ou des CM2 au catéchisme et des Secondes et Premières (dans une association), je ne puis que partager cet effroi : il est vrai que tous ces enfants, issus de bonnes et belles familles sont plongés dans une ignorance terrifiante. Inutile de parler histoire ou géographie : il est déjà bien que les mots que l’on utilise soient compris.
C’est atterrant, c’est épouvantable. Comme l’écrit Patrick Buisson dans « Décadanse », notre génération, largement septuagénaire, a reçu un legs mais (exception faite de nous) n’a pas été capable de le transmettre. C’est terrifiant.
Il suffit d’entendre «causer dans l’poste» les politicards macronneux pour se faire la bonne idée de bois de la langue taillée en double pointe – “langue fourchue”, disait les Peaux-Rouges • “en mentir par la gorge”, chez Homère…
Le problème n’est plus du tout «culturel», ni même «civilisationnel», il est ethnologique : la race blanche, l’Occidental, a entrepris de dégénérer dans la contemplation violente et extatique de sa propre excellence.
Il suffit d’entendre les macronneux – c’est-à-dire les organes mécanisés du libéral-socialisme, décalque vaguement aseptisé du national-socialisme –, entendre leur psittacisme paranoïde, dit «éléments de langage» par euphémisme linguisitique, accrédité par les conseils constitutionnels du Petit Robert au garde-à-vous…
«C’est terrifiant», dit Pierre Builly à bon et désespérant escient.
Avisons donc un chouïa : «j’entends» (i.e., travestissement de l’entendement), «faire “en sorte de”» (je me demande bien d’où SORT, justement, pareille locution barbaristique, sans précédent) et, pis que pendre encore : les «corrections tautomatiques», nouvelles tautologies imposées par ces correcteurs qui réussissent à imposer (à trafiquer, à Grafiquer, donc, la première réflexion non répétitive venue), sous couvert d’orthographe, à imposer d’autres mots approximatifs à ceux que l’on ENTEND pourtant tracer… Sans compter, lorsque l’on a la candeur d’intervenir dans une conversation rampant sur l’Interneterie, sans compter le «deal» obligatoire imposant des astérisques en place du terme choisi ou bien, mieux encore, la censure algorythmique à trois temps de la valse des inappropriations lexicales et/ou phraséologiques, qui conduiront inéluctablement à l’«inclusivité» grammaticale obligatoire…
C’EST TERRIFIANT !
La Terreur n’est plus en marche, elle est totalement installée, et son installation a commencé à gangrener jusque dans nos rangs, j’en puis – hélas ! mille fois hélas !!!! – témoigner directement, lorsque, au prononcé d’une «communication» (comme on dit par snobisme universitaire) lors d’une espèce de réunion colloquante entre roicos, dont le thème tournait autour des questions d’éducation-enseignement-culture-etc. – Attention bien !
… Comme j’évoquais les méfaits du «métissage culturel», j’entendis s’éparpiller confusément le lazzi comminatoire «Heil Hitler !» ; et je fus sommé par quelques-uns, dont je me souviens très bien la trogne bénévolente de certains, de devoir me corriger la parlote, le vocabulaire et, par conséquent, me rectifier la pensée… C’était il y a tout au plus une quinzaine d’années… Comme j’entreprenais de tenter quelques explications auprès de qui je croyais être des AMIS intellectuels, deux d’entre nous, quelquefois signataires d’articles et/ou de «commentaires» dans ces colonnes, intervinrent courageusement : l’un, se dressant et lançant : «On n’est pas à France 2, ici !», l’autre, plus calmement : «Non, David, tu ne vas tout de même pas accepter de te justifier, tout de même…» et un troisième, enfin – également signataire, souvent ici –, de dire avec tout l’intelligence qui le caractérise : «Du moins, sommes-nous contraints de réfléchir sérieusement entre nous à ce qui a bien pu déterminer de pareilles réactions» – ce n’est pas textuel, mais telle était bien l’intention du propos.
Je ne veux nommer personne ici, afin de ne pas risquer de compromettre qui que ce soit. Certains se reconnaîtront et reconnaîtront leur belle fierté, leur belle fidélité, d’autres, devront bien admettre que certaines craintes n’avaient rien de «fascistoïdes», mais devront réfléchir sérieusement à ce qui a bien pu les incliner à ces «amalgames», faits pour ne pas entendre, pour éviter de comprendre, ce qui maintenant doit bel et bien leur sauter à la figure.
Précision dernière, mon intervention d’alors portait plus précisément sur les «systèmes» d’éducation et d’enseignement dont je voulais mettre en lumière certaines techniques, quelques tenants et, fatalement, les a-bou-tis-sants…
Vive Dieu !
Pour Pierre : J’ai connu brièvement une aumônerie pour des jeunes de cinquième. Je voyais bien- j’avais été enseignant- qu’ils ne comprenaient tout simplement pas le sens des mots des textes sacrés distribués d’en haut. Cela m’a semblé évident de le vérifier et de leur expliquer : résultat j’ai été viré, . le but était pour certains élèves de l’enseignement sous contrat d’être inscrits formellement à ce cours religieux pour avoir la paix . Il ne fallait pas voir plus loin, du moment qu’ils étaient là, forcés ou contraints.
Le but de l’école en général est-il encore la transmission vivante des connaissances, d’un vrai savoir, autour d’une figure rayonnante, qui nous marque ? Songeons à la tendresse et à la lucidité d’un Pagnol pour son père instituteur, à la gravité d’un Péguy. L’école publique à ses débuts était alors un sacerdoce laïc ou non, vivant à l’abri de valeurs qui la précédaient N’est-elle pas souvent devenue avec l’épuisement des valeurs une garderie stérilisante ? .. Pour le Ministère, le but de l’école en général, n’est -il pas que votre enfant y soit inscrit, qu’il soit noté présent, non à courir l’école buissonnière .Peu importe le reste, le niveau, le sens de l’effort, des -classes souvent bavardes et peu attentives- -on s’en fout un peu – à part évidement la propagande pour certaines officines . L’essentiel n’est-il pas que l’élève soit enfin numérisé, casé ?
Il y a longtemps, j’ai vu « le fantôme de la liberté » de Buñuel, film qui avec sa verve nous montre combien nous tournons en rond dans nos fantasmes. Mais ce jour-là, j’ai un choc devant une séquence : des parents, bon chic bon genre, , apprennent que leur petite fille est notée absente à l’école. Inquiets ils se précipitent, la maîtresse confirme bien le fait. A ce moment surgit du fond de la classe leur enfant pour les saluer. Mais ses parents ne la voient pas, et sortent toujours inquiets, de l’établissement accompagnés de leur fille qui sautille. Cette séquence drolatique m’a paru résumer ce que je vivais alors : on ne veut pas voir concrètement les élèves. (le fameux pays réel !)
On parle beaucoup du drame de l’école, de baisse catastrophique du niveau. Et si nos enfants à force d’y être inscrits ( en fait de force) y devenaient absents de leur vocation, de leur liberté?
@ Henri ; je suis de ton avis, évidemment, comme tu l’es du mien. Tout à l’heure, je faisais un catéchisme des CM1 centré sur le début des. « Actes des apôtres », le début de la prédication et de la vie des premiers chrétiens.
7 enfants (j’en ai 12 le samedi) ; nous lisons le texte : presque à chaque mot, je dois interrompre celui que je fais lire pour demander aux autres s’ils ont compris tel ou tel substantif… C’est pitoyable.
Ces enfants sont pour la plupart issus de familles de bonne, voire très bonne bourgeoisie : leur vocabulaire est nul, leurs connaissances historiques en dessous de tout.
Je crois et je crains que nous ne nous rendions pas compte de l’effondrement, parce que des gens comme nous, dans nos familles ont à peu près – et avec quel mal ! – inséré des digues.
Mais le pire est à venir.
Pierre , Nous sommes tous insérés dans l’histoire et nos actres sont confiés à la main de Dieu .( Guardini, à propos de résistants allemands ) A nous de jouer …..
L’effondrement de l’école républicaine est quasiment total (et pour une part, je m’en réjouis). Rien ne peut la sauver. Il faut faire ce que faisaient nos rois : laisser pourrir et construire autre chose. Ou restaurer l’école catholique. C’est faisable… pour le moment.
Bon, quand je dis que l’école de la gueuse est fichue, ça ne concerne pas, bien sûr, les quelques lycées parisiens (genre Louis-le-Grand ou Henri-IV) où l’on maintient un niveau très haut pour les fils des hauts fonctionnaires (en le baissant partout ailleurs). Faudrait quand même pas renouveler les élites. L’égalité qu’on vous disait…