Il y a 131 ans, le 30 avril 1892, la Revue Bleue publiait le conte de Charles Maurras Les Serviteurs, qui fait partie des neuf contes composant le livre Le chemin de Paradis, paru à la fin de l’année 1894 chez Calmann-Lévy.
Sur l’un des murs de Notre-Dame de Paris figure une statuette de Cybèle, appellation romanisée de Gé-Déméter, devant laquelle se trouvent un livre ouvert, représentant l’exotérisme, et un livre fermé, symbole de l’ésotérisme.
Charles Maurras fit vraisemblablement sienne cette antique sagesse qui veut que toute pensée doit s’exprimer suivant deux modalités : l’une ouverte, transparente, exotérique, et l’autre dissimulée, cryptée, ésotérique.
Voici un passage de L’étang de Berre (1915) où il évoque un type de connaissance « qu’on ne confie pas au livre, ce qui ne se communique que de maître à ses disciples, oreille contre oreille », ce qui suggère qu’il avait en tête cette dichotomie au sein de la rhétorique littéraire : la directe et l’indirecte.
Son très mystérieux ouvrage Le Chemin de Paradis, qu’il écrivit au tournant du XXe siècle, intitulé ainsi en référence à sa maison familiale de Martigues, sa ville natale, peut être interprété de cette manière : il aurait choisi d’exprimer le volet métaphysique de sa pensée sous la forme d’apologues ayant une morale implicite, soit – pour le dire autrement – de façon voilée, réservant le champ de l’exotérique à ses réflexions « physiques », c’est-à-dire politiques.
Lire ce Chemin de Paradis qui fut si discuté, si controversé même, oblige à s’aventurer dans d’énigmatiques méandres.
C’est explorer des rivages inconnus qui semblent néanmoins familiers, dans la mesure où son contenu est fondamentalement une Mythologie grecque revisitée.
C’est au fond accéder à « Maurras en son mystère », pour reprendre l’expression d’Hilaire de Crémiers, qui, dans la conférence ci-dessous, qui s’est tenue à Marseille le 4 octobre 2017 à Marseille, proposait une herméneutique de l’œuvre la plus cryptée du Maître de Martigues :
https://www.youtube.com/watch?v=RaByL3z7oHo
Cette nouvelle édition commence par un avant-propos signé justement Hilaire de Crémiers, qui vient apporter de précieux éclaircissements sur cette œuvre à part, qui portent autant sur les raisons de sa réalisation que sur le sens de ces apologues qu’Anatole France qualifia d’ingénieuses fables.
Nombre de pages : 252
Prix (frais de port inclus) : 26 €
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Publié le 18 mai 2023 – Actualisé le 31 mai 2023
S’agit-il de l’édition de 1895 ?
Je crois que sur l’œuvre cryptée, « ésotérique » de Maurras, Hilaire de Crémiers ne se trompe pas. C’était d’ailleurs un usage traditionnel chez les écrivains du XVIe siècle. Dans les sociétés traditionnelles, l’ésotérisme n’est pas en opposition avec ce qui est explicite, c’est moins un niveau caché qu’une ouverture sur des niveaux moins accessibles. Car, au contraire de l’épistémologie du rationalisme « moderne », les sociétés traditionnelles ont toujours perçu la multiplicité des niveaux de la réalité (cf. la dialectique du Ciel et de la Terre dans les idéogrammes chinois, le mythe de la caverne chez Platon, les pratiques shamaniques, ou « que votre volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » du « Notre Père » donné par la Christ…
Pour abonder dans le sens de Michel Michel, il faut jeter un œil sur le roman peu connu de Maurras, «Le Mont de Vénus», contenant, du reste, des aperçus «autobiographiques»… Et puis, je mentionnerai l’article, jusque-là jamais reproduit, du grand poète Pierre Pascal, article intitulé «Les numéros d’écrou de Charles Maurras étaient naturellement des nombres sacrés», article dont Pierre Pascal m’avait fait l’honneur de m’en réserver la publication (ce qui fut fait, dans l’éphémère revue «Les Échos d’Ici, d’Ailleurs et de Nulle part», en 1987, sauf erreur)… Si cela intéresse quelque(s)-un(s), je pourrais en communiquer duplicata (photocopie numérique) à qui me le demandera…