Un nouveau et inquiétant totalitarisme transgenre émerge, observe Jean-Paul Brighelli. Au secours !
Par Jean-Paul Brighelli.
Commentaire – Cet article, intéressant, subtil et de grand bon sens – comme toujours – est paru dans Causeur le 27 mai. Il s’agit de réflexions sur un sujet largement marginal et pour cette raison même, monté en épingle par une société en proie aux lubies de prétendues élites en pleine décomposition. Comment ajouter un commentaire sur ce phénomène, si bien décrypté ici ?
Après avoir assidument courtisé les pédagogistes, les islamistes, les féministes de deuxième dégénération, les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, les gens de gauche et la plupart des gens de droite, les adolescents de degré zéro et les crétins de toutes farines, Jean-Paul Brighelli tente de séduire les transgenres. Ne le décourageons pas, quoique l’issue d’une telle drague soit courue d’avance.
Dans quels débats byzantins nous perdons notre énergie et le peu qu’il nous reste d’âme !
Sur le papier, Kathleen Stock coche toutes les bonnes cases. Universitaire, féministe, lesbienne, spécialiste de l’égalité des sexes. Nous ne sommes pas loin de la caricature. Mais voilà : elle a déclaré, en 2021, que le sexe biologique était une réalité inaliénable, comme le rappelle Arnaud De La Grange dans Le Figaro : « Concrètement, elle estimait qu’en ce qui concerne les vestiaires, les toilettes ou encore les prisons, les femmes devaient avoir des espaces réservés et non mixtes, afin notamment d’être protégées d’éventuelles agressions sexuelles. Et qu’elles ne devraient pas participer à des compétitions sportives avec des femmes transgenres. »
Moins ils sont nombreux, plus ils hurlent
Péché mortel pour tous ceux qui affirment, ces derniers temps, que le trans est l’avenir de l’homme et de la femme. Kathleen Stock a dû démissionner de son poste à l’université du Sussex — non, je ne me permettrai aucun jeu de mots débile sur Sussex. Invitée à s’exprimer à Oxford le 30 mai, elle est la cible d’une coalition de militants déchaînés — moins ils sont nombreux, plus ils hurlent, l’occupation de l’espace sonore compense leur faiblesse numérique — épaulés par des universitaires désireux de surenchérir sans cesse par peur d’être à leur tour pris pour cibles.
Un jeune universitaire honorable, John Maier, a rédigé une pétition de soutien à Kathleen Stock, parue dans The Telegraph. Pétition co-signée de certains de ses collègues — mais d’autres, explique Maier, ont retiré leur nom, par peur des réactions. Le courage du corps enseignant m’étonnera toujours.
Plusieurs centaines de ces mêmes enseignants ont signé une lettre pour contester la décision de faire Kathleen Stock chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique, affirmant que sa « rhétorique néfaste » sur les personnes transgenres renforçait « le statu quo patriarcal ». Admirable. Quand on touche de l’idéologie à l’état pur, il faut la mettre en conserve pour l’édification de notre époque.
Alors, allons-y pour une bonne louche de patriarcat blanc — forcément oppresseur. Mais comme chantait Polnareff: « Je suis un homme, comme on en voit dans les muséums… »
Il y a au Louvre une admirable statue en marbre d’un transgenre de l’époque romaine, inspirée d’un original grec en bronze du IIe siècle av. JC. L’une des plus belles paires de fesses de la statuaire mondiale. Un vrai — né comme ça. Les hermaphrodites, ça existe. On en a dénombré à ce jour environ 500 à l’échelle mondiale. Nombre de médecins considèrent cette simultanéité d’organes mâles et femelles comme une aberration chromosomique — d’autant qu’un hermaphrodite ne peut se reproduire, ni en tant qu’homme, ni en tant que femme, contrairement à nombre d’animaux (les escargots par exemple) et de plantes à hermaphrodisme avéré. La nature n’a aucun intérêt à les multiplier.
Mais, me direz-vous, il s’agit là d’un cas très particulier. Les transgenres qui s’agitent aujourd’hui sont bien plus nombreux : ils ont lu Simone de Beauvoir de travers, et estiment donc qu’on ne naît pas femme (ni homme), mais qu’on le devient par un effort de la volonté. Et que né Richard ou Jean-Pierre, j’ai le droit de me faire appeler Héloïse ou Carmen, si je le ressens ainsi, le droit de faire la queue (non, je résisterai au jeu de mots !) dans les toilettes des filles, et de violer sous la douche les membres (non ! Je ne veux rien entendre !) de l’équipe féminine où je me suis fait une place.
Soyons sérieux. Que des adolescents perturbés (pléonasme !), parvenus à cet âge-charnière où les hormones vous incitent à vous poser gravement des questions insolubles, se demandent s’ils aiment les garçons ou les filles, j’y consens : toutes les enquêtes prouvent qu’il y a un noyau incompressible de 4,5% d’homosexuels des deux sexes. Plus quelques-uns que l’on a persuadés qu’ils l’étaient : c’est ainsi que Philippe d’Orléans, né en 1640 deux ans après son frère Louis, fut élevé comme une fille, afin qu’il ne renouvelât pas le complot permanent de Gaston d’Orléans contre Louis XIII. Philippe développa donc pour les palefreniers du Palais-Royal les goûts qu’avait son frère pour les chambrières. De là à se demander s’il était bien un garçon… S’il n’était pas né fille, et si les ustensiles qu’il trimballait par devant n’étaient pas des simulacres… Si…
Une époque troublante
Nous vivons une époque étrange, où les questions les plus sérieuses sont évacuées, et remplacées (habilement, diront certains) par ces problèmes sociétaux qui font jaser les gazettes. Si votre enfant a, pour parler comme Judith Butler, un trouble dans son genre, parlez avec lui, au besoin confiez-le à un psychothérapeute intelligent (oxymore !), mais en aucun cas n’entrez dans son jeu pervers consistant à s’habiller en fille en se faisant appeler Joséphine ou Daphné, comme Tony Curtis et Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud.
Certains jours, je pense très fort que les garçons qui se sentent filles cherchent juste un moyen d’aimer… les garçons sans se faire traiter de gays. Et pareil pour les filles. Les parents consentent à ce que leurs bambins prennent des traitements hormonaux ou recourent précocement à la chirurgie plastique pour se faire greffer des nichons. Les parents qui entrent dans ces fantasmes sont des imbéciles, à qui, neuf fois sur 10, leur progéniture malheureuse, après quelques mois ou années d’errance, reprochera amèrement d’avoir contribué à leur malheur.
Écrire cela, ce n’est pas être réactionnaire : c’est se prémunir contre un totalitarisme nouveau, qui sous l’étiquette woke est aussi pervers que le stalinisme. Les fascistes ne sont pas dans le camp que l’on croit — je me suis exprimé sur le sujet. Et pendant que nous nous perdons notre temps à interdire de parole des universitaires conscientes (ou des romancières intelligentes, voir ce qui est arrivé à J.K. Rowling, boycottée par les « trans » pour avoir émis sur l’identité féminine des opinions de bon sens), les Chinois, silencieusement, augmentent leur production industrielle et s’achètent de larges pans d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Ils doivent rigoler, les Fils du Ciel, quand ils voient dans quels débats byzantins nous perdons notre énergie et le peu qu’il nous reste d’âme. « Décivilisation » ? dit Macron. Décomposition plutôt. ■