PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Commentaire – Mathieu Bock-Côté continue ici de creuser son redoutable sillon dissident envers le Système aujourd’hui dominant. Son analyse évoque assez nettement si l’on conserve le souvenir analogique de certains phénomènes historiques des siècles passés, le dernier surtout, qui ont consisté en des déplacements massifs de population, déportations ou transplantation de masses humaines considérables qui ont produit ici ou là d’assez horribles dégâts. Ceux du passé on les exècre, ceux de notre temps on les dit bénéfiques, « progressistes », en tout cas inévitables. On les programme, d’où l’expression d’ingénierie sociale » judicieusement forgée par notre auteur. Et on leur tresse, selon les méthodes totalitaires d’autrefois, des couronnes faites de charité évangélique, fraternité, moraline… Cette « chronique » à laquelle nous ne voyons rien à objecter, est parue dans Le Figaro de ce samedi 3 juin. G.P.
CHRONIQUE – Nous sommes témoins d’une expérimentation idéologique à l’échelle d’une civilisation visant à amener les peuples à consentir à une mutation démographique de grande ampleur ou du moins, à ne pas y résister.
Le commun des mortels, qui ne voit pas que des vertus à la transformation démographique de son pays, est désormais sommé de garder pour lui ses inquiétudes
À l’approche des Jeux olympiques de 2024, le gouvernement a entrepris de répartir les migrants installés en Île-de-France à la grandeur du territoire national. Il serait nécessaire d’agir ainsi pour éviter que ne se constituent à Paris des camps de migrants, qu’il est toujours ardu de démanteler. On demande alors aux préfets de préparer des structures d’accueil susceptibles d’accueillir ces populations. Mais ces installations engendrent de vives tensions, comme on l’a vu à Callac, et de manière plus grave encore, à Saint-Brévin. On peut s’attendre à ce qu’elles se multiplient. Le gouvernement est toutefois prêt à prendre les grands moyens pour que ce ne soit pas le cas, quitte à interdire l’expression publique de ce refus. À Réalmont, dans le Tarn, une manifestation contre l’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile a été interdite. La justification donnée par le préfet, François Xavier Lauch, à cette interdiction pouvait toutefois sembler étonnante. «Pour ce qui est de cette manifestation, je l’interdirai, considérant que c’est une manifestation qui a un soubassement qui est sans doute fait d’idées antirépublicaines, qui est également motivé, pour un certain nombre de personnes, par des personnes qui appartiennent à l’extrême droite. Donc je prendrai mes responsabilités en l’interdisant.»
L’imprécision des fondements intellectuels de cette interdiction frappe. On demandera, en vain, probablement, ce que sont des «idées antirépublicaines». Et suffit-il désormais qu’un rassemblement soit organisé par des individus associés à l’extrême droite pour qu’il soit justifié de l’interdire, d’autant qu’encore une fois, la définition de cette dernière demeure approximative. Les médias dominants associent généralement le RN et Reconquête à l’extrême droite. Faut-il désormais proscrire leurs activités militantes, d’autant que cette étiquette n’est jamais revendiquée, et leur est toujours associée par des adversaires politiques cherchant à les disqualifier et les frapper d’interdit en la leur accolant ?
La mécanique de l’ostracisme est bien rodée: des associations «vigilantes» et des intellectuels militants assimilent un mouvement ou une idée à l’extrême droite, l’accusation est reprise et normalisée par la presse de gauche, qui l’installe dans le vocabulaire courant, et le pouvoir peut alors reprendre cette classification pour frapper d’interdit ceux qui portent le stigmate maudit. On y verra sans se tromper le signe d’une radicalisation autoritaire de l’extrême centre, terme revendiqué, celui-là, qui réclame tout à la fois le monopole de l’esprit démocratique et républicain. Hors de son périmètre, point de respectabilité démocratique.
Le commun des mortels, qui ne voit pas que des vertus à la transformation démographique de son pays, est désormais sommé de garder pour lui ses inquiétudes – s’il veut les exprimer publiquement, dans un engagement politique, il deviendra un paria. Une idéologie officielle exige désormais le consentement à la répartition des migrants ou le silence. Le discours public s’occupera de rééduquer les réfractaires, à travers un conditionnement idéologique permanent, les slogans sur l’ouverture à l’autre et la richesse de la diversité tournant en boucle dans les médias – ils sont d’ailleurs enseignés dès le plus jeune âge à l’école, pour fabriquer des citoyens ayant pleinement intériorisé l’idéologie diversitaire.
La chose est aussi vraie à la grandeur de l’UE, comme on le voit notamment avec les pays d’Europe de l’Est, traités comme des pays parias parce qu’ils refusent d’accueillir leurs « quotas » de migrants. Les grands eurocrates ne s’interdisent pas non plus de menacer les peuples qui pourraient élire des gouvernements opposés à l’immigration massive, comme on l’a vu en Italie, quand Ursula von der Leyen avait rappelé disposer « d’outils » pour mater un pays qui s’engagerait dans une dissidence explicite avec l’idéologie officielle de l’UE. Le régime diversitaire fait preuve contre les peuples de la fermeté qu’il s’interdit d’exercer quand vient le temps de faire respecter les frontières.
Nous sommes témoins d’une expérimentation idéologique à l’échelle d’une civilisation, où des peuples cobayes sont soumis à une forme sophistiquée d’ingénierie sociale, visant à les amener à consentir à une mutation démographique de grande ampleur – ou du moins, à ne pas y résister. Les élites européennes, globalement, sont aspirées par une utopie dont ils ne savent plus sortir, et qu’elles veulent imposer à leurs peuples à tout prix. L’interdiction de colloques et de manifestations au nom de l’ouverture et des droits de l’homme laisse croire qu’un cap a été franchi. C’est désormais au nom de la démocratie qu’on restreindra désormais les libertés publiques. Que cela suscite si peu de réactions en dit beaucoup sur l’amollissement de l’esprit public. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
C’est peu dire qu’il n’y a pas de réactions, incendier la maison du maire responsable demain celle du préfet peut-être? En attendant des violences physiques et plus tard des crimes?
Il semble que la violence ne soit plus l’apanage des islamistes et la politique de Gribouille du gouvernement y contribue. Est-ce que cette politique est en train de détourner les populations françaises de la « démocratie »? Ce serait une bonne nouvelle!
A Saint Brévin le feu a été mis aux voitures du maire et s’est communiqué à la maison près de laquelle elles étaient gérées ; ce qui est un peu différent. Curieusement les responsables de l’incendie n’ont toujours pas été retrouvés.