Par Pierre Builly.
Voulez-vous danser avec moi de Michel Boisrond (1959).
Chachacha des thons.
C’était l’époque où Brigitte Bardot, devenue mythe universel à l’instar de Marilyn Monroë, pouvait tourner n’importe quoi. C’était l’époque où Michel Boisrond, dont personne ne se souvient plus aujourd’hui, avait la réputation d’un cinéaste léger, civilisé et intelligent. C’était l’époque où avec une grande vedette et trois ou quatre faire-valoir de talent, on sortait quelque chose qui s’exporterait sur les Ancien et Nouveau continents sans difficulté. C’était une époque qui n’est pas si ancienne que ça, mais un film qui paraît maintenant complètement antédiluvien.
Il ne reste rien de Michel Boisrond ; 23 films tournés, 4 ou 5 à peine édités en DVD, le plus souvent dans des collections de kiosque, qui ne durent qu’une saison. Qu’est-ce qui reste de Brigitte Bardot au cinéma ? Et Dieu… créa la femme, En cas de malheur, La vérité, Vie privée et, pour ceux qui aiment ça, Le mépris. Bon prince, j’ajoute Viva Maria. 54 films tournés, une aura qui, en France, a dépassé tout ce qu’on connaissait et une maigre récolte.
Et ce n’est pas Voulez-vous danser avec moi ? qui va rehausser le tableau.
Bardot, durant la petite décennie de sa plus grande gloire a alterné les films sulfureux, érotiques, charnels et les films légers, anodins, superficiels. Parmi les premiers Les bijoutiers du clair de lune, La femme et le pantin, La bride sur le cou, Le repos du guerrier. Parmi ceux de la veine frivole, dans les mêmes années, La mariée est trop belle, Une Parisienne, Babette s’en va-t-en guerre, Une ravissante idiote.
Voulez-vous danser avec moi ? fait partie de cette catégorie et donne à voir une actrice séduisante, sexy mais candide, bien éloignée de la fille amorale et vénéneuse de Et Dieu ou de la paumée aboulique animale de La vérité. Cette volonté de fraîcheur correspondait à une volonté (sans doute largement partagée par Bardot elle-même) d’élargir son public à des couches plus vastes, familiales, finalement assez contentes d’aller pouvoir admirer au cinéma sans être gênées celle à qui le général de Gaulle trouvait »une simplicité de bon aloi ».
Je m’aperçois que je n’ai pas dit grand-chose du film en soi. Mais qu’est-ce qu’on peut raconter de cette pauvrette historiette à relents policiers, à base d’une scène de ménage qui tourne mal, de photos compromettantes, d’un chantage et d’un mystérieux assassinat.
Henri Vidal joue aussi mal que de coutume, Dario Moreno trimballe avec grâce son physique de loukoum (qu’on ne se méprenne pas : j’ai une vraie tendresse pour ce Turc invraisemblable et bariolé) ; Dawn Addams est bien belle, et Noël Roquevert grinche comme à l’accoutumée, Paul Frankeur est égal à lui-même.
Ajoutons que, pour le monde de l’époque offre la folle audace de présenter un protagoniste ouvertement homosexuel (Philippe Nicaud), dans la journée professeur de danse mais qui se produit le soir en travesti dans une boîte ad hoc où officie également la tête de fouine de Pascal Mazzotti, effrayé qu’on puisse le découvrit là, parce qu’il est père de famille.
Voilà un petit côté archaïsant qui donne un peu de sel à cette soupe. ■
DVD autour de 13€.
Chroniques hebdomadaires en principe publiées le dimanche.