PAR PIERRE BUILLY.
BAC Nord de Cédric Jimenez (2020).
Est-il déjà trop tard ?
Après la présentation de Bac Nord au dernier Festival de Cannes, un journaliste irlandais a déclaré Moi je me dis : peut-être que je vais voter Le Pen après ça ! D’une certaine façon, il accusait donc le réalisateur, Cédric Jimenez de faire le jeu du Rassemblement national, ce qui est, comme on le sait, le crime majeur de notre époque ; mieux vaudrait en effet avoir assassiné père et mère et violenté ses enfants qu’être complice d’un populisme toujours aussi nauséabond. D’ailleurs Jimenez s’est débattu comme un beau diable contre cette infamante accusation.
On pensera ce que l’on veut et on votera comme l’on veut, mais en tout cas on aurait bien tort de ne pas aller voir le film, sorti aujourd’hui même sur les écrans (mercredi 18 août) et qui est remarquablement mené et interprété, qui est haletant, poignant ; et d’une certaine façon, terrifiant. C’est en tout cas beaucoup mieux qu’un précédent film du réalisateur, La french qui date de 2015 et qui, lui aussi, tournait autour du trafic de drogue et de l’impuissance de la police et des Pouvoirs publics d’y mettre fin.
Bac Nord s’inspire de faits réels, qui remontent à l’automne 2012 et qui avaient constitué un scandale assez grave : l’accusation portée contre des membres de la rude Brigade Anti Criminalité des quartiers Nord de Marseille d’avoir racketté des consommateurs de cannabis pour leur enrichissement personnel. Cela arrivait juste après la mise en examen du Commissaire divisionnaire Michel Neyret, n°2 de la Police judiciaire lyonnaise pour des faits à peu près analogues.
Il n’est pas douteux que les méthodes employées par les services de police étaient assez vives, assez brutales même mais il est certain que la confrontation continue avec le banditisme et la voyoucratie ne conduit pas forcément à la douceur des mœurs et au respect absolu des Droits de la Défense. Dans l’un et l’autre cas les policiers affirmaient que les petites (ou moins petites) combines et les accommodements avec la Loi n’avaient d’autres objectifs que de rémunérer des indicateurs capables de les mettre sur le chemin de véritables affaires.
Le film est entièrement orienté sur cette version des faits : l’équipe fraternelle ne respecte guère le Code de la route et a des pratiques de shérifs assez viriles, mais elle est absolument honnête et vouée passionnément à son boulot. Cette équipe est dirigée par Grégory (Gilles Lellouche) qui est accompagné d’Antoine (François Civil) et de Yassine, dit Yass (Karim Leklou). Yass vit avec Nora (Adèle Exarchopoulos) qui lui donne un petit garçon. Les trois flics sont continuellement sur le terrain, affrontant l’incroyable dureté de leur secteur, celui des immenses cités du nord de Marseille.
Il importe peu, après tout, à mes yeux en tout cas, que les policiers aient été conduits à franchir la ligne jaune (même si la quasi totalité des accusations s’est très rapidement effondrée). Ce que Bac Nord démontre avec une clarté totale – et une grande lucidité – c’est tout d’abord la totale inutilité – j’irai même jusqu’à dire la nocivité – de la lutte contre la drogue, hydre inatteignable qui renaît sans cesse de ses cendres et alimente des flux financiers propices à toutes les corruptions et à tous les terrorismes. Encore bien davantage que la ridicule prohibition des États-Unis de l’Entre-deux-guerres. Aujourd’hui même les Douanes viennent de saisir, à Dunkerque, 416 kilos de cocaïne. Cela signifie que 4000 sont entrés en France. D’ailleurs, Il y a quinze jours, on en a saisi 116 tonnes en Équateur. Un produit qui ne coûte presque rien à produire et qui se revend très cher : quelle meilleure combine rêver ?
Il y a la conséquence évidente que des quartiers entiers, qui vivent de ces trafics, se sont institués en principautés indépendantes. Bien plus encore que dans Dheepan de Jacques Audiard, que dans Les Misérables de Ladj Ly), le spectateur effaré assiste à cette impossibilité des policiers à simplement entrer dans les cités sauf à y venir en grand nombre et armés ; mais d’armes dont ils ne peuvent se servir que pour écarter la meute qui rapidement les assiège.
Ce qui est glaçant, dans Bac Nord, dès le pré-générique c’est cette impuissance qui entraîne frustrations et humiliations ; et l’assurance incroyable des caïds, la certitude qu’ils sont chez eux et que l’intrusion sur leur territoire est inadmissible. Il y a plusieurs scènes très fortes et très bien filmées où l’on perçoit la tension et la haine. Et la violence qui terrifie : formidable morceau de bravoure de la prise d’assaut d’une planque en plein cœur d’un quartier et de la déflagration de toute la chaîne du trafic après la réussite de l’opération. On dirait volontiers que c’est du grand spectacle si l’on ne savait que la réalité est sans doute encore pire.
Ainsi va le monde, ainsi va la France dans notre siècle déjà bien entamé. J’aimerais assez qu’on me dise qu’on y peut encore quelque chose. ■
* Sortie sur les écrans le 18 août 2021.
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Publié – Actualisé jeudi 15 juin 2023.
Il faut chercher la constante de ce trafic : tous les gouvernements ont dit s’en préoccuper et l’ont (presque) fait. C’est à cause des intérêts financiers que ce trafic représente pour tous les partis politiques, que la répression échoue toujours. Les grands moyens : faire abattre les dealers au pied de leurs tours, par des parents de victimes d’over-dose, devant les télévisions locales. Pour cela, doter les commissaires de pouvoirs judiciaires, prévenir les dealers qu’ils n’auront droit qu’à deux flags avant la balle qui mettra fin à leur commerce de mort. Arrêt immédiat de la vente, faillite des gros bonnets .. et déconfiture des politiques privés de leurs revenus.
On dira cette loi dure, mais nous en connaissons d’autres et ce n’est pas fini !
Vos rudes « grands moyens », Besnard, si impossibles qu’ils sont à appliquer, pourraient avoir quelque pertinence si la drogue n’était une marchandise totalement mondialisée. Je ne vois, pour ma part, comme solution, que la totale légalisation.
Un récent sondage, très utilisé par les « anti-vaccin » indique que les Français sont opposés à ce que l’État leur impose des normes et obligations de santé. Alors ? L’alcool est en vente libre et il tue beaucoup plus de monde – du point de vue sanitaire – que les drogues. Ce qui tue, ce sont les conflits de gangs.
Mais je crains d’ici ouvrir un débat ; j’ai parlé d’un film formidable : restons-en là s’il vous plaît : ce qui est grave, c’est moins que un très large tiers de notre population s’adonne au cannabis : c’est que des Cités se soient constituées, là-dessus, en principautés indépendantes et hostiles.
Il y a toujours une solution et, si nos gouvernants se refusent à l’envisager, L’Islam vainqueur à ce régime avec ses talibans locaux qui sont déjà en place, n’hésitera pas à faire le nécessaire avec en tête, rétablir la peine de mort, puis au besoin, les chatiments corporels, un séjour à l’hopital aux frais de la famille étant plus dissuasif qu’une peine de prison, véritable stage initiatique, ou le port du bracelet autour de la cheville qui devient une nouvelle « Légion d’Honneur » qu’on affiche ostensiblement.
Les élites Romaines , dit-on, ont succombé sous l’effet du plomb des canalisations de leur Ville lumière, innovation qui minait leur cerveau. Nous suivons le même chemin avec les drogues, y compris douces, qui favorisent l’éclosion des schizophrénies larvées ‘(entre autres). Il est d’ailleurs étonnant qu’on songe à les libéraliser au même moment où un verre de vin peut vous ôter votre permis.
Les Municipalités pondent des arrêtés mutiples: limitation de vitesse à 30 !, stop aux musiques assourdissantes, marquer l’arrêt, port du masque, interdiction de stationner, de se baigner, de fumer, etc… mais ne se donnent pas les moyens de les appliquer. Les trottoirs vont devenir plus dangereux que la chaussée avec les trotinettes maniées par des falabraques qui slaloment entre les poussettes.
Ces exemples pour dire que le probléme n’est pas la drogue, mais l’Etat devenu trop faible, et qui tôt ou tard s’écroulera sous l’impulsion des Barbares qui, eux, n’auront pas d’états d’âme.
N’oublions quand même pas que la drogue ne tue pas que les dealers , elle tue ou démolit aussi nos enfants dans nos familles , à l’école et ailleurs et cela dès le drogues dites douces. ( Tout le monde peut en témoigner! ) Qu’on aille faire un tour dans les écoles ! Bien sûr qu’on n’arrivera jamais à extirper ce qui est bien un fléau, ni empêcher le trafic, mais tout encouragement par la légalisation ou autre est à refuser. On ne doit pas la mettre sur le même plan que le vin, les conséquences ne sont pas les mêmes.
L’alcool tue bien davantage, ne serait-ce que par les massacres effroyables de gamins à la sortie des boîtes de nuit (où il est souvent couplé avec le cannabis, j’en conviens).
Mais pas davantage que l’alcool, on ne devrait interdire la consommation domestique, simplement la proscrire dans le champ public, comme l’alcool (conduite de véhicules).
Pour les drogues plus intenses, que dire ? Vous avez vu les zombies de la colline du crack ? Vous croyez que vos enfants pourraient en être ? Si c’est le cas, posez-vous la question de la façon dont vous les avez éduqués.
Quant à la cocaïne, c’est une drogue de minorités excitées, de journalistes, de publicitaires, de stars de la télé ou de la chanson. Ça vous dérange qu’ils se démolissent la cloison nasale ?
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Cela étant – je le regrette, cette suite de message porte bien trop sur la drogue, beaucoup moins sur l’indépendance des Cités. Les deux sujets sont liés, mais non absolument. Si, comme je le souhaite, le cannabis était vendu dans les bureaux de tabac et autres cochonneries (les jeux de tirage, de grattage, etc.) les Cités devraient bien trouver de quoi vivre. Le seul problème est là.
Que des jeunes se tuent en voiture, hélas je ne le sais que trop avec ou sans excitants. Pour le reste allez voir dans les écoles et les familles où même le cannabis ( et souvent la suite ) a fait des ravages et a rendu agressif. Le fond du problème est probablement notre désespérance. Inutile d’en rajouter . Maintenant le vin est chanté par Platon; la bible célèbre la vigne, ,j’ignore si les paradis artificiels le sont.
Je ne vous ferai pas l’injure d’évoquer Baudelaire, Jean Cocteau, Thomas De Quincey et quelques centaines d’autres. Quel rapport ?
Je nie pas la qualité des auteurs cités.. Plus précisément sur l’inspiration: Platon montre que le vin peut aider à l ‘éclosion de la plus haute philosophie, Quant au rôle de la vigne et du vin dans la Bible , il est au cœur … Quant à Rome . Le rapport? A chacun de …..
Henri, tu places la question sur le plan de la morale et de l’hygiène, ce qui n’est pas la bonne orientation.
Si je n’ai jamais consommé de substances hallucingènes (même pas une cigarette de cannabis, et pourtant 21 ans en 68 !), j’ai beaucoup trop fumé (3 paquets quotidiens) et je bois toujours beaucoup. Mais il y a tant d’autres dépendances : au Jeu, à la pornographie, aux écrans, au body building, à ceci et à cela. Et chez certains, les ravages sociétaux sont aussi immenses (quand je dis « le jeu », je ne pense évidemment pas au brave type qui fait son tiercé hebdomadaire, mais aux hallucinés des casinos ou aussi aux jeunes gens qui peuvent passer dix ou douze heures par jour en « réalité virtuelle »).
Je ne. parle ni morale, ni hygiène : je parle politique. Que faire pour – au moins en France – décapiter ce trafic ? Puis les autres, car les Cités devront bien vivre de quelque chose pour s’acheter BMW et magnums de champagne dans les boîtes de nuit ?
Le problème vient de la Cité, plus que de la drogue. Toi qui es cinéphile, souviens-toi de « Razzia sur la chnouf » d’Henri Decoin en 1955 : la drogue n’était problème que pour ceux qui la consommaient. Ce qui était leur affaire.