Dominique Labarrière met ici en évidence non pas tellement l’irréalisme ordinaire mais le déni volontaire des réalités les plus immédiatement perçues par une large majorité de Français. Cette autre réalité est elle aussi niée, ignorée, considérée comme négligeable et indigne d’être prise en compte. Exit la démocratie. Y compris sous sa forme la plus acceptable, celle qui consiste pour les gouvernants à écouter, à être à l’unisson de ce que souhaite le Pays dans ses profondeurs et dans la durée, au fil de sa continuité historique. Ce que n’ignoraient pas les souverains dits absolus » de l’Ancienne Europe. Alors que l’intellectuel, le sachant, le puissant d’aujourd’hui s’en moque. Il surplombe tout et, parce que le réel a été préalablement écarté, sa volonté est souveraine. Exit la démocratie et s’installe un nouvel « absolutisme », de la pire espèce celui-là, totalitaire et illimité puisque fondé sur le mensonge. Telle est, avec ses contradictions les plus claires la volonté de la doxa encore dominante. Ce billet est paru le 19 juin dans le toujours excellent site Causeur.
Par Dominique Labarrière*.
Pour le sociologue pro-Macron Jean Viard, la délinquance des immigrés n’a rien d’alarmant et les migrants sont essentiellement des « universitaires »
Voilà quelques jours, sur le plateau de télévision d’une chaîne du service public, un très éminent sociologue (Il enseigne à Sciences Po, c’est tout dire…) déclarait sans rire que les migrants qui débarquaient à présent chez nous étaient – je cite – « essentiellement des universitaires ». Surprise ! Ce n’est pas exactement la perception que j’avais du phénomène. Qu’à cela ne tienne ! Consentons donc à nous incliner devant tant de science exposée, qui plus est, avec tant de sérieux. Recourant à ce qui paraît bien relever tout de même d’une espèce d’accommodement avec la réalité, le locuteur espérait très certainement nous inciter à considérer que cette immigration de haute valeur ajoutée ne pouvait représenter qu’une fabuleuse chance pour la France. (Ah ! L’immigration, une chance pour la France ! On devrait mettre cela en musique, en faire un hymne qu’on chanterait dans les écoles le matin, à l’appel de la darbouka). Cependant, permettons-nous un soupçon d’irrévérence. Si notre savant homme dit vrai, d’un seul coup d’un seul, l’affaire prend une tout autre dimension. Une dimension d’une gravité à la fois sociale, politique et éthique. Rien que cela. Si ces migrants « essentiellement universitaires » sont, du fait de leur niveau intellectuel même, une chance pour la France, leur fuite ne peut être, a contrario, qu’une malchance pour leur pays d’origine, où, cela va de soi, ils seraient au moins autant utiles qu’ici. Ainsi, les encourager dans cette entreprise, les y aider comme se plaisent à le faire, le cœur en bandoulière, les belles âmes des ONG, reviendrait ni plus ni moins à ajouter encore au malheur de ces pays-là. On s’étonne donc que ceux qui nous assènent à longueur de temps l’accusation d’avoir pillé et de piller encore leurs matières premières se fassent une gloire de faciliter et d’organiser le pillage de leur matière grise. Scandale ! Que fait la commission européenne !
Mais à cela on nous oppose – toujours le même maître sociologue – que ces « migrants essentiellement universitaires » n’auraient d’autre choix que de fuir leur pays où tout ne serait que chaos, guerre, famine, dictature, bref l’enfer sur terre. Soit. Mais prenons l’Afrique, au hasard. Je ne sache pas que le continent dans son entier soit à feu et à sang. Certains de ses pays connaissent même un développement remarquable, des taux de croissances des plus enviables, un niveau technologique qui leur permet, par exemple, de s’engager dans la conquête de l’espace en envoyant des satellites sur orbite. Ces pays-là ne seraient donc pas demandeurs de gens « essentiellement universitaires » ? Et n’est-on pas fondé à se dire que ces cerveaux en rupture d’un chez soi invivable pourraient être autant une chance pour leurs voisins et frères qu’ils le seraient, prétendument, chez nous ?
Chez nous où, si on a bien compris, leur seraient dévolus les boulots des fameux métiers en tension, restauration, bâtiment, propreté, etc., tous turbins qui, c’est bien connu, font le rêve et l’ambition ultime de tout universitaire qui se respecte. À ce propos : ne pourrait-on débusquer un vieux fond de condescendance un peu raciste sous cette vision des choses ? Si nous n’avions pas affaire à un aussi docte penseur, nous serions effectivement tentés de poser la question. Nous le ferons d’autant moins que personne ne peut croire vraiment que ces migrants sont bel et bien « essentiellement des universitaires ». La réalité est un peu moins flatteuse, du moins à ce qu’il semble. J’ignore donc si cette émigration est une fuite des cerveaux ou non, mais je sais en revanche que nous avons la nôtre, de fuite des cerveaux, ici, chez nous, où nombre d’intellectuels ne cessent de s’égarer, eux, dans une fuite obstinée du réel. ■
Dernière parution : Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien, coll. Poche Histoire, éditions Lanore.
Jean Viard: la non pensée.
Tout cela est bel et bon. Mais rappelons que s’il y a des migrants universitaires, ils sont aussi… français. Combien de jeunes thésards, artistes, entrepreneurs partent aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne pour y faire fortune ? Au bout d’un moment, il faudrait qu’on se posât la question de les ramener.