La Jeanne 2023 restera, c’est certain, dans les annales de l’Action française.
Mais c’est la communication autour de l’événement qui nous intéressera plus particulièrement ici.
Je voudrais replonger l’espace d’un instant le lecteur quelques années en arrière. Rappelez-vous, ce n’est pas si vieux. Il y a une trentaine d’années quand ceux de ma génération (les quasi quinquagénaires) commençaient à militer comme étudiants. À l’époque le niveau journalistique était certes plus élevé : on ne serait pas permis de parler de « groupuscule » pour un mouvement aussi ancien et ayant eu une influence aussi profonde que l’Action française sur la vie politique et culturelle. En revanche, le combat médiatique était perdu d’avance pour les dissidents. C’était tracts et petites revues d’un côté, journaux, radios, télévision pour les chiens de garde du système de l’autre. En effet, pas d’Internet, donc pas de possibilité pour le Français ordinaire (de bonne volonté) de prendre directement connaissance des idées et du discours de la véritable opposition à la source, sur les sites web ou les comptes officiels sur les différents réseaux sociaux de ladite opposition. Cette marginalisation radicale avait peut-être le mérite de pousser les militants à se dépasser pour compenser la faible audience par la qualité de la production (il est plus formateur intellectuellement de créer une revue que d’alimenter un compte Instagram) mais elle avait surtout pour conséquence de décourager à terme les meilleures bonnes volontés, une fois la fougue et les illusions de la première jeunesse épuisées.
Quel changement en 2023 ! Les tweets de l’AF sur les menaces d’interdiction du colloque et du cortège ont été très massivement partagés et ont atteint des dizaines de milliers de personnes, plusieurs journalistes, notamment sur CNEWS, — un type de média qui n’existait pas il y a trente ans ! —, ont pointé les incohérences et les dérives liberticides des autorités, les images diffusées sur notre chaîne YouTube, accessibles à tous, ridiculisent à l’avance toute tentative pour amalgamer l’AF avec les groupes servant d’épouvantails à l’État, portant tenues noires et cagoules, avec qui nous ne partageons pas grand-chose mais dont il faut quand même reconnaître, en passant, qu’ils étaient infiniment moins nuisibles à l’ordre public que leurs équivalents (au moins vestimentaires) d’extrême-gauche, qui venaient justement de mettre, — en toute impunité —, le pays à feu et à sang pendant de nombreuses semaines. Alors certes, l’évolution est lente et l’on enrage de voir les manipulations dont se rendent encore si souvent coupables les médias pour diaboliser en le défigurant le discours des patriotes et des nationalistes, mais il est incontestable que la situation est meilleure qu’il y a trente ans, que petit à petit une « nouvelle opinion publique » qui se renseigne elle-même sur la Toile, qui n’est plus inféodée à la grosse presse (elle-même de moins en moins grosse car de moins en moins lue) et qui a cessé depuis longtemps d’accorder du crédit aux discours officiels, se développe et prend son autonomie. ■
*Ancien président du comité directeur (CRAF) et membre du Bureau Politique.
Action française
Cent fois d’accord avec Stéphane ! Nous étions enfermés – depuis bien plus que trente ans – dans un entre-soi qui pouvait être plaisant, mais qui n’avait aucune prise sur la réalité politique. « Cornerisés » comme on dit en football. Aucun quidam n’avait la moindre idée de nos combats, ni même de notre existence.
Cette visibilité nouvelle est bienvenue ; mais elle ouvre la porte à une autre question : que pouvons-nous en faire CONCRÈTEMENT ?
Et ça, c’est une autre paire de manches…