PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique a été publiée dans Le Figaro d’hier samedi. Nous nous dispenserons d’en donner un commentaire, cela ayant déjà été fait hier dans nos colonnes, et remarquablement, par Jean de Maistre, parmi les commentaires que nous avons reçus comme chaque jour et qui forment d’ailleurs, sinon le seul, du moins le forum le plus vivant et du meilleur niveau, de la mouvance maurrassienne. Selon notre ligne, celle de l’école d’Action Française que nous nous efforçons de prolonger de notre mieux. Le commentaire de Jean de Maistre est repris par ailleurs. Bonne lecture !
CHRONIQUE – À moins de réduire la nation française à une simple entité juridique, il faut convenir que la présente séquence met justement en scène des populations qui ne croient pas appartenir au même peuple.
Une guerre civile se vit au sein d’un même peuple, divise les familles, fracture les communautés et brûle d’abord du feu de la passion idéologique
Les scènes de violence, de pillage et les agressions contre les policiers dont nous sommes témoins depuis mercredi soir n’ont rien de surprenant.
La France, depuis vingt ans, redoute une réédition des émeutes de 2005. Tous les éléments sont rassemblés pour qu’il en soit ainsi. Le drame de la mort du jeune Nahel a été immédiatement instrumentalisé par ceux qui cherchent toutes les occasions possibles pour semer le trouble.
Mais, dans la nuit de jeudi, les émeutiers qui saccageaient les banlieues ont décidé de mener des raids sur Paris, pour s’y adonner au pillage, pour y semer la terreur aussi. Nulle surprise: depuis des années, il suffit de regarder la carte de Paris pour constater qu’elle est en quelque sorte assiégée. On pourrait dire la même chose des autres grandes villes du pays. La fracture identitaire engendrée par l’immigration massive et la mutation démographique qu’elle entraîne s’expose à qui veut bien la voir.
Ceux qui s’imaginaient protégés dans des métropoles forteresses et digicodisées découvrent qu’on pourra demain tirer à balles réelles sous leurs fenêtres, et que les «jeunes» perdus de la République, grimés en martyrs de la France postcoloniale par la sociologie progressiste, entrent dans les villes convaincus d’avoir le droit de les piller, poussés par une pulsion qui relève moins de l’agressivité idéologique que de l’instinct de conquête. Comment nommer la présente situation, sans céder à la tentation médiatiquement recommandée de l’édulcoration ?
La référence à la guerre civile est pour plusieurs raisons tentantes et s’impose dans le vocabulaire politique ordinaire, comme si un tabou venait de sauter et qu’il était enfin permis de parler d’une réalité que tous ressentent plus ou moins intimement. Mais cette référence est pourtant inexacte. Car une guerre civile se vit au sein d’un même peuple, divise les familles, fracture les communautés et brûle d’abord du feu de la passion idéologique. C’est même ce qui la caractérise.
Or, à moins de réduire la nation française à une simple entité juridique, il faut convenir que la présente séquence met justement en scène des populations qui ne croient pas appartenir au même peuple. On s’en désolera, naturellement. Mieux vaudrait parler d’émeutes au sein de territoires qui se vivent comme des enclaves étrangères, que la France a tout fait pour ramener dans son sein, à coups de dépenses publiques pharaoniques, sans y parvenir. D’autres y verront peut-être les prodromes d’un choc des civilisations.
« La sécession est indéniable »
De ce point de vue, certains parleront tout à la fois de sécession et de conquête. La sécession est indéniable. L’agression de plusieurs journalistes en marge des émeutes est révélatrice: les médias français sont traités comme des médias étrangers. C’est aussi pour cela que les symboles de l’État sont partout rejetés et incendiés.
Mais c’est aussi une guerre pour la maîtrise du territoire qui se dévoile sous nos yeux. Elle se mène depuis longtemps, d’ailleurs, pour peu qu’on comprenne que le harcèlement sexuel dans les transports par les «racailles» s’inscrit dans cette volonté d’exercer une souveraineté nouvelle sur le corps des femmes, qui ont d’ailleurs pris l’habitude d’y porter des vêtements amples, en espérantqu’en adoptant les mœurs nouvelles qui s’imposent en France, elles retrouveraient une certaine sécurité.
On y revient: ces raids ne sont pas ceux de militants, même si ces derniers ont cherché à encadrer la marche blanche, en l’inscrivant sous le signe de l’indigénisme, et même si on peut être certain que trente ans de propagande antifrançaise aujourd’hui relayée par LFI et la gauche radicale ont assurément joué un rôle central dans le pourrissement de la situation, cette dernière rêvant ouvertement d’une France s’embrasant.
Il n’existe pas, en France, de zones de non-droit, seulement des zones où s’exerce une souveraineté nouvelle, qui s’exprime en détruisant tous les symboles représentant les autorités françaises. De même, les territoires perdus de la République sont d’abord des territoires où la France est rejetée. Mieux vaudrait parler de territoires en situation de partition ethnoculturelle dominés par les dealers et les islamistesque certains voudraient pousser une dynamique insurrectionnelle La population locale désireuse de s’intégrer est prise en otage par ce nouvel ordre.
Ni Lola, ni Shaina, ni Alban Gervaise n’ont suscité dans le pays une réaction semblable à celle dont nous sommes actuellement témoins. Ce n’est pas un détail. Ils furent nombreux, ces dernières années, à annoncer que le choc entre ces deux mondes viendrait. Hommes de gauche, de droite, de centre, le confessaient volontiers à micro fermé, tout en fustigeant publiquement ceux qui confessaient la même chose publiquement. Mais le déni de réel ne tient plus, et le courage élémentaire, pour bien des politiques, consistera demain à redire publiquement ce qu’ils disaient en privé. Je serais hélas surpris qu’ils le fassent. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
La première condition d’existence d’une société c’est l’ordre; ce sont les politiques successives depuis soixante ans, et l’absence de volonté et de courage du personnel politique qui ont créé le désordre actuel. On privilégie, et on en est fier, l’intelligence en politique et on choisit les dirigeants sur ce critère, mais les plus néfastes ont été ceux qui semblaient des parangons d’intelligence, sans remonter à Léon Blum, citons entre autres Giscard, Mitterrand, pour aboutir à l’actuel; aucun des précédents n’a eu une politique courageuse pour préserver l’unité et la souveraineté nationale. On dénigre la monarchie au nom de l’absence d’intelligence de certains souverains et même de la sottise de plusieurs, mais regardons l’œuvre de mille ans qui a aboutit à la France!
Bel exemple de sottise la récente déclaration de repentance du roi batave, mais les Pays-Bas ne sont plus un état souverain depuis la dernière guerre et même peut-être depuis la première.