Par Christophe Boutin.
Fausses photos de Rimbaud et de Van Gogh générées par intelligence artificielle.
On s’en amuse, on ne devrait pas : la mémoire retient immédiatement ces fausses images et les intègre non comme une œuvre d’art imaginée (un tableau) mais bien comme réalité – ce qu’avaient compris les soviétiques en retouchant les photos officielles pour en ôter les bannis.
Insidieusement, l’IA ajoute ainsi à notre réalité des éléments qui n’en sont pas, et peut, grâce à la force absolue de l’image – je l’ai vu donc c’est vrai – modifier notre vision du passé.
Il nous restera maintenant en mémoire ces photos – et nombre d’autres à venir – ce qui, au mieux, créera un sentiment de doute devant toute nouvelle image, et, sinon, influencera ce que nous croyons savoir… et donc nos réactions futures.
On se souvient de la nouvelle de Borges, « Tlön, Uqbar, Orbis Tertius » : ces images sont les premiers objets de Tlön, d’un autre monde qui entre dans le nôtre. ■
Précédemment publié sur la page Facebook de
Comme son intitulé l’indique clairement, «l’intelligence artificielle» est un produit mal dénommé mais dont la cellophane d’emballage a pu été améliorée : bêtise formatée sous couvert d’aseptie améliorée.
De mieux en mieux: dans les pays totalitaires ( et pas que ) quand une personne n’était plus en odeur de sainteté, on la supprimait de la photo; avec l’IA on a fait un grand pas vers l’uniformité de l’information et le bourrage de crane.
Il y a lieu de remarquer sur ces fausses photos que les physionomies respectives du poète et du peintre sont re-traitées. On peut y déceler une vulgarisation de leurs traits distinctifs : Rimbaud a une frimousse de jeune premier vingtièmesiéclard voyoucratique et Vincent la barbe bien peignée d’un merdeux Cassel et les cheveux rafistolés à la Maqueron dessus la calvitie. Ce sont bel et bien des personnes ARTIFICIELLES. Sachant à quelles figures il a été aspiré d’accéder représentativement, qui ne s’en aperçoit pas est lui-même artificialisé.
C’est vrai : à bien y regarder , « y a quicon que truco » dans ces photos.
Pour le « rafistolage » , les bonnes vieilles méthodes, restent encore inégalées .
Ainsi , il y a quelques années, une intéressante émission de télévision analysait une photo entrée dans l’ histoire -celle du soldat de l’armée rouge plantant le drapeau soviétique au sommet du Reichstag –
Sur la photo initiale , le personnage avait une montre à chaque poignet , signe de pillage , ce qui n’avait échappé à Staline -un homme de goût- qui aurait demandé la suppression d’une de deux montres !