Commentaire – Il se trouvera bien quelques lecteurs pour nous remontrer que Luc Ferry est démocrate, qu’il ne conclut pas à grand chose, en tout cas pas à la contre-révolution, et que, par ailleurs, il professe bon nombre d’idées que nous détestons. Mais nous savons tout cela, après quelques décennies actives passées dans le courant maurrassien, à l’Action Française en particulier. Il n’empêche : cet article – paru dans Le Figaro de ce matin – qui met en cause – sans d’ailleurs les réprouver formellement – les maux qui nous rongent de l’intérieur de nous-mêmes au moins autant sinon davantage que ceux dont nous subissons l’offensive de l’extérieur du peuple français historique – cet article, donc, mérite d’être lu. Avec l’esprit critique qui convient. Notre école de pensée en mai 68, déjà, avait développé sa critique à la fois de la montée en puissance de l’individualisme anti-social qui allait submerger et subvertir les sociétés « occidentales », et ce consumérisme – nous disions : société de consommation – lui aussi destructeur et qui lui était lié. Sur ces points-là, nos convergences avec les « gauchistes » de l’époque (maoïstes, trotskystes…!) étaient réelles quoique sans suite. Luc Ferry, en tout cas, ne répond guère, ou pas du tout, au problème qu’il soulève : comment « l’individualisme mou » pourrait-il s’opposer avec succès au « communautarisme dur » ? Pour nous, la réponse est en creux de l’énoncé de la question. Luc Ferry n’en dit rien. Il constate avec lucidité l’effondrement de la société traditionnelle sur ses bases mais en était-il partisan ? Les a-t-il défendues ? Pour aujourd’hui, il ne propose guère que l’arrêt de l’immigration. Qui, en effet, en la circonstance, s’impose. Mais quid de notre « individualisme » mou qui nous décompose et nous désarme ? Quid du « consumérisme » qui avilit, appauvrit, dénature ? Quid de notre déculturation terrifiante qui ne tient pas seulement, loin s’en faut, aux effets de l’islamisation du Pays ? Luc Ferry a sans-doute des choses à dire sur ces différents sujets. Il ne les dit pas ici. Ici qui ouvre donc seulement à la réflexion et au débat.
CHRONIQUE – Face à un individualisme qui infiltre tous les recoins de la société, les quartiers sont restés attachés à des communautarismes ethnico-religieux dont la dureté contraste avec notre « ouverture à l’autre ».
Laxisme de gauche contre fermeté de droite ? Depuis des décennies que le débat dure sans jamais déboucher sur autre chose que des dépenses aussi ruineuses qu’inefficaces, il finit par lasser. La vérité, c’est qu’au fil des gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1980, c’est l’idéologie de gauche qui l’a emporté sans faille sur le réalisme de droite, et ce même quand la droite était au « pouvoir » (en vérité largement dans l’impuissance…).
Nicolas Sarkozy avait promis de «passer le Kärcher» , c’est tout juste si on a vu sortir un mince filet d’eau d’un tuyau crevé. La question qu’il faut désormais se poser est donc la suivante : pourquoi le surmoi idéologique de la gauche l’a-t-il systématiquement emporté sur les exigences de lucidité qui venaient de la droite ? La réponse porte un nom : individualisme.
Dès le début des années 1980, nous fûmes quelques-uns à publier des livres qui diagnostiquaient l’inexorable montée en puissance de l’individualisme démocratique dans le sillage de Mai 68, une notion qui éclaire comme nulle autre ce que nous venons de vivre dans les quartiers et que nous vivrons sans cesse davantage si nous continuons à nous voiler la face. De fait, en quelques décennies, alors qu’une autre religion gagnait les banlieues, nous avons vécu au nom de cet individualisme démocratique un véritable effondrement du catholicisme en même temps que des grands récits, patriotisme et communisme, portés par des causes transcendantes. J’ai souvent cité ces chiffres, mais il faut les rappeler dans ce contexte tant ils disent tout sur la situation actuelle : en 1950, plus de 90 % des Français étaient baptisés, ils ne sont plus que 30 %! 45.000 prêtres diocésains prêchaient dans nos églises, ils ne sont plus que 4500, tandis que l’électorat communiste passait de 25 % à 2,5 %! En réalité, Mai 68 ne fut guère que le symptôme délirant d’une lame de fond déconstructrice qui prenait sa source véritable dans le capitalisme d’innovation, d’hyperconsommation et de rupture avec les traditions.
Un tsunami moral et spirituel
Les conséquences de ce tsunami moral et spirituel au terme duquel il n’y a plus d’après, plus de transcendance, plus d’au-delà de l’individu sont abyssales. Elles impactent toutes les formes d’autorité qu’un individu désormais fou de son autonomie ne peut que rejeter. Paradoxe suprême : c’est au nom de cette hostilité à l’autorité (à « l’hétéronomie ») qu’on a laissé s’installer dans les quartiers les visions du monde les plus autoritaires et les plus haineuses à l’égard de la France, nos démocraties gentillettes rejetant au passage toute volonté d’intégration, pour ne rien dire de cette assimilation que la gauche n’a cessé de dénoncer comme « fasciste » et négatrice de « l’altérité de l’autre ».
Ces grands récits qui donnaient du sens à la vie et plaidaient pour l’obéissance aux lois, aux valeurs et aux principes d’une nation, d’un parti ou d’une église, sont aujourd’hui concurrencés par les discours de la psychologie positive et des théories du développement personnel qui nous promettent le bonheur en quinze leçons. De fait, s’il n’y a plus de deuxième vie après la mort ou après la Révolution, c’est ici et maintenant qu’il s’agit d’être heureux, en quoi nous vivons le passage de l’acceptation d’un bonheur différé à l’exigence du bonheur immédiat.
Le problème, c’est qu’en face de cet individualisme pétri de bons sentiments, de quête d’autonomie et de bonheur qui infiltre tous les recoins de la société et alimente le wokisme dans nos universités, dans de nombreuses jeunes entreprises, mais aussi dans une bonne partie de la presse et de la classe politique, les quartiers sont restés attachés à des communautarismes ethnico-religieux dont la dureté contraste avec notre « ouverture à l’autre ». Répéter en boucle que tout vient de leur pauvreté, que l’exclusion est notre faute, c’est se coller des écailles sur les yeux. Rappeler que 90 % des jeunes arrêtés pendant les émeutes de ces derniers jours sont Français, que ça n’a donc rien à voir avec l’immigration, est certes une vérité, mais qui ne sert paradoxalement qu’à cacher la réalité, à savoir que les émeutiers cassent tous les symboles de la France en prétextant la mort d’un jeune homme tandis que pour celle d’un septuagénaire tué par un adolescent, la société des individus ne lève pas le petit doigt. Tant que nous n’aurons pas compris que nos démocraties molles font face à des communautarismes durs qu’il faut cesser d’alimenter par une immigration folle associée à des politiques de bisounours, nous continuerons d’aller dans le mur en klaxonnant. ■
Sur son lit de mort, Ferrry se convertirait-il ?. Croirait-il donc au jugement dernier ? Illusion ! ce sont ses droits à la retraite, ses rentes qu’il tente de protéger de l’orage. Quant à son analyse, elle est indigente. L’individualisme n’est pas nouveau; il est même de tous les temps. Il comprend du bon et du mauvais.Seul l’exemple donné par les dirigeants peut l’endiguer pour le meilleur. De Gaulle avait réussi à nous faire oublier les décourageantes catastrophes militaires. Ses successeurs ont laissé le champ libre au gigantisme industriel et commercial à tout va, broyeur, lui aussi, de vies humaines, individuellement vécues. La télévision, abandonnée à l’hideuse « pub », au vedettariat, au clinquant, au toujours plus, L’école et ses exigences, son émulation, sa discipline, sa morale, elle aussi, abandonnée…
Plutôt que l’éternelle litanie, je propose un raccourci brutal : pourquoi nos enfants ne sont-ils plus protégés contre la pornographie ? Parce que la pornographie en libre, universel et débordant accès est bonne pour la croissance, cette justification universelle de la religion énarchique.
Où Ferry voit-il donc de l’individualisme ? Hamburgers Adidas, Nike, Coca et globish partout ! C’est d’égoïsme ignorant, aveugle et moutonnier que la France souffre, encouragée par ses chefs.
Luc Ferry écrit pour le « Figaro »ce que les lecteurs de ce journal attendent d’y trouver .
Tout simplement.