Par Samuel Piquet.
Nous n’ajouterons pas de commentaire à cet article paru hier (31 août) dans Marianne. « Rosse et bien écrit ». Lisez-le pour vérifier ce que nous venons d’en dire !
C’est un peu l’évènement de la rentrée, au moins aussi attendu que les premiers récits de vacances des collègues à la machine à café. Le film de BHL, Slava Ukraini, qui avait déjà réuni pas moins de 1 024 personnes en salles dont 1 023 journalistes, soit seulement 20 442 976 personnes de moins que Bienvenue chez les ch’tis est désormais visible sur Canal plus à la demande. Oppenheimeret Barbie peuvent trembler. À mi-chemin entre Platoon et Starship Troopers, ce grand film sur la guerre en Ukraine de BHL a été réalisé par Bernard-Henri Lévy, joué par Bernard-Henri Lévy et narré par Bernard-Henri Lévy. Sans qu’on ne parvienne jamais à savoir si le ton employé et la scansion, qui feraient passer Michel Houellebecq pour un monstre de dynamisme et feu Benoît XVI pour un sacré boute-en-train, sont volontairement parodiques. C’est un des deux mystères du documentaire avec l’intérêt des interventions du philosophe.
On ignore si c’est lui également qui joue au piano la musique du film mais cela ne nous étonnerait pas tant ce virtuose a plus d’un tour dans son gilet pare-balles qu’il porte avec élégance sur le costume pour mieux tromper l’ennemi. On le voit tour à tour prendre la parole dans un anglais impeccable que n’aurait pas renié Raffarin, parler aux généraux, aux soldats, inspecter une arme, écrire « Victory is close » sur un drapeau ukrainien ou consoler les affligés, et ce n’est que par pudeur qu’il ne s’est pas filmé en train de guérir les malades.
Au bout de 4’05 a lieu le premier évènement du film : un plan sans BHL sans doute glissé par erreur et qui perd par conséquent tout intérêt. Fort heureusement, toute la suite n’est qu’une longue déclinaison des talents de l’auteur, aussi innombrables que les neurones d’Aurore Bergé. Car beaucoup l’ignorent, mais BHL est un grand stratège, ce n’est donc certainement pas par vanité qu’il se met en scène dans des villes dévastées, mais par pure générosité, pour faire bénéficier l’armée ukrainienne de son génie géopolitique au moins équivalent à celui d’Anne Hidalgo. Régulièrement, il n’hésite pas à désarçonner ses interlocuteurs en leur posant des questions aussi décisives et ingénieuses que : « Les Russes vous tirent dessus ? ». Sans son documentaire, qui l’aurait su ? Il s’interroge aussi sur « cette guerre folle » sachant trop bien qu’historiquement il ne s’est toujours agi que d’actes raisonnables et d’envois de ballons en forme de cœur ou de missiles de barbe à papa. Bref, comme il le dit si bien lui-même après avoir interrogé un témoin, « ça change des experts occidentaux qui, au même moment, nous prédisent une guerre sans vainqueur. »
ENTRE PYTHIE ET PITIÉ
Comme on le devine à cette réflexion, BHL est aussi un grand visionnaire, une sorte de prophète moderne capable de prononcer des oracles avec la fréquence d’un twittos compulsif car il sait mieux que quiconque que « tout au fond était écrit ». Il déplore : « L’Europe court à l’abîme et nul ne veut l’entendre ». Pas l’auteur de Looking for Europe qui aurait certainement préservé la paix sur notre continent si tout le monde avait couru voir sa pièce.
Bien conscient de son rôle de messie de notre époque, celui que Dominique de Villepin avait qualifié de « Christ sans plaies » parsème généreusement son documentaire de références à ses anciens films afin de multiplier les chances des téléspectateurs d’accéder au salut par la foi en lui. Rencontrant l’officier du renseignement du régiment Azov, Ilia Samoilenko, dans les sous-terrains d’Azovstal, le narrateur-acteur principal se demande par exemple : « Quel souvenir a-t-il de notre dialogue d’alors et de l’idée que j’avais lancée d’un bateau français de la dernière chance évacuant dans l’honneur les assiégés de Marioupol ? » C’est effectivement LA seule question qui vaille. Même lorsqu’il visite une aciérie, le demi-dieu français ne peut s’empêcher de rappeler un épisode passé le mettant en scène et loue « ces ouvriers d’Ukraine en train de produire des containers semblables à celui qui nous abrita sur la route de Koupiansk ». L’unité de temps de lieu et d’action du théâtre classique peut aller se rhabiller : elle est définitivement surpassée par l’incroyable unité du « tout est BHL ».
SUBLIMÉ PAR LA POÉSIE DE BHL
Mais l’orateur-prophète sait également se muer en philosophe-poète pour délivrer son message avec plus de force. Il sait aussi bien prendre des accents hugoliens (« Et cette vérité terrifiante qui sourde la terre pétrifiée : nulle part il n’est écrit que l’humanité doive durer ») que poser des questions métaphysiques aussi profondes qu’Augustin Trapenard : « Les chemins de la liberté seraient-ils aussi ceux de la mort et du deuil ? ». On a déjà hâte de ne pas connaître sa réponse. ■
Tel Nicolae Ceaucescu en tant que Danube de la pensée, BHL est le Dniepr de la pensée polluante et polluée de la bien-pensance occidentale !!!
Ce n’est pas très gentil de se moquer de celui qui nous a fait découvrir le philosophe Botul ( qui n’existe pas!) et dont la contribution apocryphe au Kantisme fut décisive pour déboulonner BHL.
BHL n’a pas dit que des c…, il en a aussi filmées ( comme dirait Pierre Desproges).