Commentaire – Il se trouvera bien quelques lecteurs pour nous remontrer que Luc Ferry professe bon nombre d’idées que nous détestons. Mais on nous fera la grâce de croire que savons bien cela. Raison de plus, d’ailleurs pour trouver intéressante et significative l’analyse qu’il livre au fil de cet article paru dans Le Figaro de ce matin. Et nous ne pouvons que l’approuver lorsqu’il règle leur compte aux « élites européennes et américaines » dans l’affaire ukrainienne. Avec une vigueur et même une forme de radicalité plutôt en dissidence avec ce que la doxa dominante serine à l’opinion française, notamment, via les médias « mainstream » indissolublement liés aux délices et aux sortilèges sonnants et trébuchants des « puissances » d’Argent. Quant à son pronostic sur les conditions auxquelles s’achèvera un jour le conflit en cours, nous lui en laissons la responsabilité. D’ores et déjà, il nous paraît assez sûr que Poutine aura réussi à renverser la table de l’ordre mondial d’avant cette guerre, sous hégémonie exclusive des Etats-Unis d’Amérique. Un « ordre » d’ailleurs auquel l’U.E. s’était intégralement soumise, ce qui amoindrit aujourd’hui ses perspectives de survie, du moins sous sa forme actuelle.
CHRONIQUE – Les élites européennes et américaines sont incapables d’autre chose que de « booster » une guerre aussi insensée que meurtrière.
Le débat sur l’Ukraine est devenu radioactif. La moindre divergence avec un Zelensky désormais érigé en réincarnation du Christ vous vaut aussitôt le titre de «collabo-poutiniste». Or malgré les milliards de dollars d’armes déversés par les États-Unis, la fameuse «contre-offensive» est d’ores et déjà un échec reconnu par Zelensky lui-même. Il est désormais clair que personne, ni Zelensky ni Poutine, ne pourra gagner cette guerre de sorte qu’une paix négociée sous l’égide de l’UE serait tout sauf une faiblesse, mais au contraire une formidable preuve d’audace et d’indépendance par rapport aux États-Unis.
Dans un récent article, mon ami Manuel Valls, reprenant les arguments bien connus des atlantistes en faveur d’un armement indéfini de l’Ukraine, nous reproche, à Nicolas Sarkozy et moi, d’accepter une soumission à Poutine pour des raisons peu honorables: pour protéger notre économie et par peur du nucléaire russe. Cette lâcheté se paierait cher: en essayant d’acheter la paix comme un Daladier à Munich, on n’obtiendrait, selon la formule bien connue, que «le déshonneur et la guerre».
Pour légitime qu’elle soit parfois, la morale du courage n’en est pas moins ici tout à fait hors sujet. Oui, c’est vrai, dans le 6e arrondissement de Paris, on est prêt à se battre courageusement jusqu’au dernier ukrainien. Faut-il rappeler qu’en 1940, nos parents, eux, y sont allés en personne, qu’ils ne se sont pas contentés d’envoyer des armes, alors de grâce, arrêtons les leçons de vertu qui plombent tout débat sérieux: personne ne risque rien à Paris, c’est le peuple ukrainien qui meurt sous les bombes russes, pas nous!
Notre différend est donc tout à fait ailleurs, il porte d’abord et avant tout sur les causes du conflit: Manuel Valls, comme tous les partisans de l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et de son armement jusqu’à sa victoire complète, c’est-à-dire jusqu’à la restauration de son intégrité territoriale incluant la Crimée, refuse de voir que ce pays désormais divisé est un pont entre la Russie et nous. Son intégration dans l’UE (du reste aujourd’hui impossible!) ne ferait que le déchirer davantage. À l’en croire, Poutine veut reconstituer «l’empire» et si on ne l’arrête pas, il ira jusqu’à Varsovie, voire pire! Faut-il rappeler que l’Otan est une puissance nucléaire et que Poutine le sait, lui qui n’a cessé de clamer que «ceux qui ne regrettent pas l’URSS n’ont pas de cœur, mais ceux qui veulent la restaurer n’ont pas de tête» ?
Diktat américain
La vérité, sacrilège désormais indicible, c’est que ce sont les Ukrainiens qui ont enclenché la mécanique de la guerre en décidant dès 2015 de soumettre les régions séparatistes par les armes, puis en n’ayant jamais eu la moindre intention, comme l’a avoué par inadvertance François Hollande, d’appliquer les accords de Minsk qui prévoyaient des élections dans ces territoires. La première décision prise place Maïdan fut de détrôner la langue russe, celle qu’on parlait dans ces communautés: c’était non seulement une faute, mais une effroyable bêtise. Le séparatisme qui s’ensuivit à Louhansk, Donetsk et en Crimée était prévisible. Déclencher contre lui la guerre du Donbass au lieu de négocier une forme d’autonomie était aussi absurde que suicidaire.
Aucune victoire n’est désormais possible dans les termes de Zelensky: la population de Crimée est à 85% russe, jamais un président russe ne voudra la quitter de sorte que le seul moyen raisonnable de décider de son sort est d’y organiser des élections libres sous l’égide de l’UE. En outre, un «après Poutine», avec un profil du type Medvedev au pouvoir, serait pire à tous égards. Au lieu de tout faire pour améliorer et faire appliquer les accords de Minsk, l’UE s’est pliée (là est la soumission honteuse!) au diktat de Biden, ce qui a permis à Poutine de rassembler autour de lui une pléiade de nations antiaméricaines, et désormais antieuropéennes, non seulement une vingtaine de pays d’Afrique, mais aussi les Brics qui viennent de s’élargir à six nouveaux entrants dont l’Argentine et l’Iran. Beau résultat !
Les Européens veulent-ils vraiment passer aux yeux du monde entier pour les idiots utiles d’une Amérique dont les intérêts sont diamétralement opposés aux nôtres? On rêverait d’un de Gaulle, d’une UE capable d’imposer un plan de paix qui, sauf catastrophe, devra ressembler aux accords de Minsk, mais nos élites européennes sont incapables d’autre chose que de «booster» une guerre aussi insensée que meurtrière dont je prends ici le pari qu’aucune solution ne sortira jamais pour personne. ■
Le gouvernement ukrainien n’a d’ailleurs pas caché son intention d’expulser la population russe habitant en Crimée, l’immense majorité, en fait, si les armes leur permettait de réoccuper ce territoire, sur le modèle de l’expulsion des populations allemandes de Prusse, de Poméranie, de Silésie et de Bohême-Moravie. Ce projet est du reste bien antérieur à la guerre actuelle. Dès 1998, les mouvements Pravy Sektor et Svoboda considéraient cette mesure comme une « rétribution » pour compenser l' »holodomor », la famine de 1936.
Sans compter le fait que la partie occidentale de l’Ukraine appartenait à la Pologne avant de tomber dans l’escarcelle de l’URSS laquelle faisait partie des nations victorieuses de la seconde guerre mondiale.
Comme l’ UKRAINE est à la fois « occidentale » et Russe ( les légendaires COSAQUES ont servi le Tsar de Russie) , pourquoi ne pas considérer ce pays comme la SUISSE de l’Est, donc un pays neutre, ni possession Russe, NI colonie Américaine
Après tout, les SUISSES se sont très bien débrouillés durant les DEUX maudites guerres mondiales