« Merci à Michel Michel qui permet de tels débats. » (Corcelles)
Par Michel MICHEL.
Réflexions faisant suite à l’article d’Yves Morel publié dans JSF le 8 septembre : Vers un front républicain inédit, ainsi qu’au débat qui s’est est suivi dans les commentaires. Merci !
« Droite » « gauche », cette fiction fait partie intégrante du Système que nous voulons abolir. Il ne comporte pas seulement des règles du jeu juridiques, mais aussi un ensemble de mythes et de symboles, assez creux mais efficaces pour maintenir le troupeau de l’opinion dans cadre du bercail républicain.
Notre ambition n’est pas tant de « prendre le pouvoir » dans ce Système, mais de parvenir à en maîtriser les « règles du jeu ». La libération commence déjà dans nos têtes… Il faut bien connaître le langage du Système dominant (sinon nous sommes en exil), mais il faut élaborer et pratiquer un autre ensembles de concepts. C’est la vocation première de l’Action Française comme « Mouvement-Ecole ». (…)
Sur le fond : que penser d’une stratégie électorale qui présenterait aux suffrages un parti royaliste ? Nous n’y sommes pas opposés par principe mais par expérience.
Notre objectif c’est un changement de Régime. Or l’Histoire montre qu’aucune Assemblée parlementaire n’a jamais été à la source d’un tel événement. Même après 1870 où l’assemblée était massivement monarchiste. Et Napoléon III, même en position de Président de la République a dû se résoudre au coup d’Etat pour devenir Empereur.
Le suffrage universel est conservateur, l’électeur moyen craint tout vrai changement. On vote pour défendre ses intérêts immédiats ou ses passions… Les seuls partis qui « marchent » sont ceux qui cultivent ces ressorts très primaires sous l’emballage de grands principes ambigus et creux (cf. la théorie des « résidus » et « dérivations » de Pareto).
Or, le royalisme, surtout après deux siècles d’interruption, n’est pas une passion mais un raisonnement élaboré de droit constitutionnel. Même chez nos militants nous le savons, les motivations qui les mobilisent relèvent plus de motivations « métapolitiques » que politiques. C’est pour cela que la fonction de l’Action Française comme école de pensée est indispensable : il s’agit de transformer des passions patriotiques, contrerévolutionnaires, des désirs de libertés, des humiliations historiques, des rejets esthétiques des laideurs modernes, etc., en « nationalisme intégral », c’est-à-dire en royalisme politique. Puis à un second niveau de transformer une partie de ces « royalistes politiques » qui en auraient la vocation en « royalistes de conspiration ».
Pour autant nous ne nous désintéressons pas des élections ; c’est la posture narcissique de certains « émigrés de l’intérieur » qui ne veulent pas se « salir les mains » (c’est pourquoi ils n’ont pas de mains dirait Péguy) . Nous ne devons pas nous priver du micro-pouvoir que le Système nous accorde, même s’il est le plus souvent dérisoire et au mieux permet de choisir le moindre mal.
« Par tous les moyens, même légaux ». Nous ne refusons pas à priori le dispositif électoral classique. Nous savons qu’on ne peut en tirer que ce qu’il peut donner ; s’opposer à un changement (comme ce fut le cas pour la Communauté Européenne de Défense dans les années 50, ou au référendum de 2005 sur le Traité de constitution européenne. En revanche une majorité parlementaire n’initiera jamais un changement de Régime ; tout-au-plus peut-elle l’accompagner en cas de défaite massive comme en 1870, 1940 ou devant la menace des parachutistes en 1958. Mais dans ces cas-là, la couleur idéologique des parlementaires est de peu d’importance.
Renforcer un parti de « passion patriotique », ou comme les trotskyste lambertistes faire de l’entrisme dans la nébuleuse d’un « parti de gouvernement » ? Pourquoi pas ? Mais sans illusion. Cela se négocie en dehors de tout « patriotisme de parti ». Et cela se négocie avec un appareil qu’il s’agit, au-delà de l’Ecole de pensée, de construire.
■
Maître de conférence en sociologie.
Dernier ouvrage paru …
Cliquer sur l’image.