Par Philippe Caubère.
COMMENTAIRE – Cet article est paru dans Le Figaro du 20 septembre. Philippe Caubère est comédien. Pourquoi ajouter à son témoignage ? Le meilleur commentaire que nous puissions produire on le trouvera dans l’entretien vidéo que nous mettons en ligne par ailleurs, entre le jeune et brillant torero El Rafi et son interlocutrice prudemment opposante de France Inter. Notre ligne ? Par-delà la question de la tauromachie, nous défendons les traditions populaires et l’enracinement, comme Mistral (pas très pro-corrida), Maurras, Simone Weil, Gustave Thibon, etc.
TRIBUNE – Le comédien raconte sa passion pour les courses de taureaux et exprime son soutien à la corrida de Méjanes (Camargue), au bénéfice des enfants malades.
« Le comédien, auteur et metteur en scène que j’étais encore en gestation, s’était trouvé ce soir-là devant l’un des derniers vestiges, sinon l’ultime, de la tragédie antique. »
La première fois où j’ai eu la chance de pouvoir assister à une course de taureaux — c’était dans les années 1968-1969, aux arènes de Nîmes —, j’avais trouvé cela horrible, cruel, sanglant et incompréhensible. C’est dans les années 1970 qu’assistant à une novillada dans ces mêmes arènes, la passion m’est venue. Un tout jeune torero au visage couleur de plomb, tel ceux des tableaux du Greco, affrontait avec un courage stupéfiant et une maestria éblouissante des bestiaux qui, bien qu’âgés seulement de trois ans, comme on m’expliqua que c’était la règle, avaient déjà l’allure de monstres redoutables.
Le beau matador portait le nom de Nimeño II. J’appris plus tard que ce patronyme était celui de Christian Montcouquiol. À partir de cette soirée, la passion ne me quitta plus. J’avais réalisé que le comédien, auteur et metteur en scène que j’étais encore en gestation, s’était trouvé ce soir-là devant l’un des derniers vestiges, sinon l’ultime, de la tragédie antique. Trente ans plus tard, je créais, toujours à Nîmes, mais cette fois-ci seul sur le sable de l’arène, l’adaptation théâtrale de Recouvre-le de lumière, le merveilleux livre qu’Alain Montcouquiol, frère aîné de Christian, avait écrit sur leur extraordinaire aventure et la tragédie par laquelle elle s’est achevée. Chaque fois qu’on me propose de donner mon point de vue sur la corrida ou ma participation à quelque opération qui la concerne, c’est à ces deux moments fondateurs de ma vie artistique que je pense aussitôt.
Aussi est-ce avec un très grand plaisir et non sans une certaine fierté que j’ai accepté la proposition qui m’a été faite par Marc Serrano de parrainer cette corrida de Méjanes dite «de bienfaisance». Ce qui ne m’étonne pas, car aucun monde n’est moins égoïste ni plus généreux que celui de la corrida: le Mundillo comme on dit. N’en déplaise à ses adversaires et à ses ennemis qui, au moins sur ce sujet, devraient savoir en prendre la leçon. La Camargue enfin, c’est mon enfance. J’y passais mes vacances, près de Caissargues et de Méjanes ; Crin-Blanc fut le livre de mon adolescence. Le fan de Johnny qu’un peu plus tard évidemment je fus y trouva lui aussi son compte. Aujourd’hui encore, à 73 ans, je tourne dans toute la France un triptyque théâtral intitulé La Chèvre, La Mule et Les Étoiles, composé de Lettres d’Alphonse Daudet, dont l’une des dernières porte ce nom sublime : La Camargue.
Voilà, tout est dit et ici réuni pour que cette journée dédiée au sort si triste et si dramatique des enfants malades, auxquels nous allons essayer tous ensemble: toreros, apoderados, ganaderos, actores, comediantes et aficionados, de porter aide et amour, reste dans les mémoires, les leurs comme les nôtres, inoubliable.
Et maintenant, à toutes et à tous : Suerte ! ■
Notons que Philippe Caubère – qui n’est d’ailleurs pas de nos amis – est certainement bien connu de la plupart de nos amis pour avoir interprété avec un grand talent le père du petit Marcel Pagnol dans les deux superbes films d’Yves Robert, « La gloire de mon père » et « Le château de ma mère ».
Il a d’ailleurs pris position de façon décidée contre la loi idiote de l’idiote Roselyne Bachelot qui pénalisait la clientèle des prostituées.
Ce qui montre, avec son soutien à la corrida, qu’il possède un solide bon sens