Par François Marcilhac.
Qui n’a jamais eu pitié d’un hamster tournant indéfiniment sa roue dans sa cage ? Il y met du sien avec une telle détermination qu’il semble condamné à cet exercice inlassable mais, en fait, cette dépense est nécessaire à son équilibre tant physique que psychologique. Peu importe que l’agitation soit vaine au sens où, nous, humains, l’entendons. Le hamster n’a d’autre objectif que de dépenser son énergie, surtout la nuit – il est insomniaque et dort très peu.
Le syndrome du hamster
Il semble que, pour être dorée, la cage élyséenne dans laquelle est enfermé Macron ne lui laisse guère d’autre alternative que de dépenser, lui aussi, inlassablement son énergie. Et on le dit insomniaque. Surtout, son agitation ne semble avoir d’autre objectif qu’elle-même, tant, inlassablement, toutes ses tentatives pour relancer un quinquennat que la loi sur les retraites, et plus encore la façon dont il l’a imposée, a définitivement plombé, semblent tourner à vide. Il a tout essayé : relancer les Conventions prétendument citoyennes, lancer et décliner en différentes moutures le Conseil national de la refondation, prendre une « initiative politique d’ampleur » en invitant les partis représentés à l’Assemblée à l’Ecole de la Légion d’Honneur de Saint-Denis, proposer sur le marché de nouveaux gadgets institutionnels, tel le préférendum, ersatz de référendum à entrées multiples : rien n’y fait, tel le hamster il court, il court, il s’agite, mais c’est en pure perte. À force d’avoir voulu réinventer la République — tout un programme — en ne proposant aux Français que des innovations en trompe-l’œil, personne ne le prend plus au sérieux. La démocratie que cherche à réinventer Emmanuel Macron est une démocratie Potemkine. D’autant que son mépris du pays réel, lui, n’a jamais rien eu de factice : il s’est toujours traduit par la plus concrète des violences.
Il semble le seul à ne pas avoir compris que chacun, même et surtout dans son camp, attend son départ, anticipé si possible, sinon à la date fixée. Avec les retraites, il a raté le coche de réunir une majorité de gouvernement que les urnes ne lui avaient pas donnée en juin 2022 : il n’a pas réussi à forcer l’indécision des LR qui ne savent plus vers qui, vers où se tourner. Et il y réussira encore moins — nous prenons les paris — avec son projet de loi, à venir, sur l’immigration. Le « en même temps » dont il sera la traduction mécontentera en premier la Macronie, avant de réunir les oppositions contre lui : la gauche et les extrêmes gauches le trouveront trop dur pour ce qu’il a de doux, la droite et les extrêmes droites trop doux pour ce qu’il a de dur.
Un a priori européen
N’ayant aucun grand dessein à proposer aux Français, il est également paralysé par une Europe qui, d’avance, lui interdirait toute politique un peu audacieuse, si d’aventure il avait l’envie d’en conduire une, notamment sur les plans énergétique ou migratoire. Une paralysie volontaire : non qu’il ne soit pas tenu, comme par ses prédécesseurs, par les traités, mais comme ses prédécesseurs, il a voulu ces traités et, plus encore qu’eux, l’Europe est l’a priori de son action politique. Il est allé jusqu’à faire d’une fantomatique « souveraineté européenne » la boussole de celle-ci. Autant dire qu’il délègue à ce Yalta d’un nouveau genre, informel, réunissant Bruxelles, Berlin et Washington, le gouvernement de la France, sa frénésie diplomatique dissimulant mal une agitation brouillonne où il cherche toujours à en faire trop pour paraître exister, au risque de déplaire à nos partenaires tout en nous humiliant : ainsi avec le Maroc à la suite du dramatique séisme ; de manière quasi-structurelle avec l’Afrique où il n’a fait, par son amateurisme doublé d’une morgue évidente, qu’aggraver la situation peu brillante laissée par ses prédécesseurs. Mais quel jeu propre peut de toute façon avoir une France que l’on dissout dans une nébuleuse dont elle est la dernière à tirer des profits ? Elle ne fait plus que recueillir le mépris de partenaires qui croyaient qu’elle avait conservé une parole différente, non alignée sur les grands impérialismes ou les volontés de puissance régionales. Notre double soumission à l’Europe et à l’OTAN signe notre impuissance et, pire que tout, notre résignation, voire notre hâte à ne plus peser sur le cours de l’histoire.
Pourtant, des sujets d’ampleur, capables de mobiliser les Français, il en existe : ils vont d’une réindustrialisation ambitieuse à la volonté concrète de redonner à l’instruction la place qu’elle devrait avoir comme grande cause nationale, en passant par la promotion d’une agriculture à la fois compétitive et « durable » ou une politique écologique non punitive en harmonie avec les paysages et répondant à nos besoins — même certains écologistes commencent à découvrir des vertus au nucléaire. Mais l’affichage tient lieu d’action dans une Europe qui ligote toute velléité des peuples à sortir des carcans prédéfinis par les bureaucrates de Bruxelles ou ceux de pays qui, défendant mieux leurs intérêts, ne voient à juste titre dans l’Europe qu’un faire-valoir de leur nation et dans la « souveraineté européenne » qu’une foutaise. Certes, les Français sont de moins en moins naïfs sur l’évolution d’une République dont on ne vante plus les valeurs comme des mantras que pour mieux les endormir. Là encore, ils semblent désormais assister à un spectacle qui ne les concerne plus, même s’ils savent que leur existence dépend en grande partie des décisions d’« acteurs » politiques qui ne jouent précisément qu’un rôle puisque, en grande partie, ces décisions sont prises ailleurs.
L’invasion migratoire
Certains gouvernements en sont d’autant plus conscients quand, pieds et poings liés à l’Europe, pour des raisons essentiellement financières, ils ne peuvent mener la politique qu’ils souhaitent et, surtout, celle qu’ils avaient promise aux électeurs. Le bilan de Mme Meloni en Italie est très mince, voire étique, non seulement sur les questions économiques et sociales, mais aussi en matière migratoire, notamment à Lampedusa, cette île italienne devenue une des principales portes d’entrée de l’invasion migratoire. Dire qu’on n’avait pas trouvé de mots assez durs pour terroriser la démocratique Europe de l’arrivée à la tête du conseil des ministres italien d’une nostalgique assumée du Duce. Il y avait assurément tromperie sur la marchandise et, politiquement parlant, Mme Meloni s’inscrit surtout dans le droit fil de de Mario Draghi, son prédécesseur imposé par la Commission européenne : autant par idéologie (elle est atlantiste) que parce qu’elle n’a pas le choix, car l’Europe, quel que soit la couleur politique du gouvernement italien, lui dicte sa loi. C’est pourquoi Meloni est la première à réclamer « plus » d’Europe dans la répartition des migrants : c’est, à court terme l’intérêt de l’Italie.
L’invasion migratoire va devenir un des principaux sujets de préoccupation des mois à venir : pour l’Europe et donc pour la France, qui, on peut compter sur Macron et Darmanin, seront de bons petits soldats des desiderata immigrationnistes de la Commission européenne, en dépit de rodomontades qui ne convainquent plus personne. Mais les élections européennes sont la prochaine échéance et il convient de montrer aux électeurs que la Macronie est au rendez-vous de la défense des Français, au moins sur ce plan-là. Car sur les autres, le bilan n’est pas florissant non plus. Ce qui ne justifie ni l’obsession monomaniaque de certains, ni évidemment le discours lénifiant de ceux qui voient dans chaque migrant un hôte aux droits imprescriptibles, en parfaite complicité avec des organisations criminelles de trafic d’êtres humains qui, parce qu’elles s’autobaptisent « ONG » ont pignon sur rue.
Pouvoir d’achat en berne, insécurité galopante, invasion migratoire : tous les ingrédients sont là pour un réveil brutal des Français. Et, par la même occasion, d’une classe politique qui compte sur l’apathie de nos concitoyens. ■