Commentaire – Cet article est paru le 27 septembre sur le site marocain en ligne Le360. Disons-le simplement : en un sens, nous faisons nous aussi partie de la région dont il est question ici. À raison de nos relations existentiellement conflictuelles avec l’Algérie et, notamment, à raison de la présence sur notre sol d’une communauté algérienne dont on sait l’importance en nombre et, désormais, en influence via certains partis politiques nationaux. Une communauté de plusieurs millions de ressortissants en partie radicalisée dans un complexe mélange d’hostilité à la France, d’islamisme militant et de différentes activités délictueuses, émeutières ou terroristes. Communauté qui dans sa partie active ainsi désignée est aisément manipulable de l’extérieur. C’est à dire depuis Alger via différents canaux dont celui des mosquées. Certaines mosquées… Le Maroc, s’il n’est pas exempt d’une présence islamiste radicalisée – active aussi en Europe – est, on le sait, en conflit constant avec l’Algérie, sur la question du Sahara, mais aussi, on le verra, sur d’autres sujets de fond. Ce n’est donc que par la faute de la diplomatie macronienne que la France – par peur pure et simple de l’Algérie – a trouvé le moyen de se brouiller avec les autorités du Royaume chérifien. C’est évidemment contraire à son intérêt.
Vidéo Fidèle à ce qui est devenu la méthode Omar Hilale, à froid mais sans concession, l’ambassadeur-représentant permanent du Royaume du Maroc à l’ONU a de nouveau offert une véritable leçon à son «collègue» algérien, Amar Bendjama. Sur l’affaire du Sahara, mais aussi sur ce que l’Algérie indépendante doit au Maroc et sur le concept d’autodétermination que la junte défend en dehors de ses frontières, mais refuse aux Kabyles.
Il est de ces grands commis de l’État qu’il vaut mieux ne pas trop chercher. Omar Hilale en fait partie. Stoïque, l’ambassadeur-représentant permanent du Maroc à l’ONU, n’en est pas moins percutant, le mot étant faible quand il s’agit de répondre à des inepties. En la matière, il a été généreusement servi par l’ambassadeur de l’Algérie, Amar Bendjama, qui, au radotage d’un lexique suranné sur l’affaire du Sahara, a ajouté une bonne dose d’ambivalence et d’hypocrisie.
Le mardi 26 septembre, lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, et dans un énième rabâchage de la nomenclature algérienne, Amar Bendjama a réaffirmé le soutien de son pays à l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara -option complètement «zappée» par l’ONU, et défendu «son camp», celui, tenez-vous bien, de «la justice», de «la liberté» et des «droits de l’Homme». Nous parlons bien de l’Algérie, dont le représentant s’est fait l’avocat du Polisario, réfutant les accusations de terrorisme qui pèsent sur cette milice séparatiste armée. Mais la phrase de trop aura certainement été l’expression des condoléances d’Alger au Maroc suite au séisme du 8 septembre.
Larmes de crocodile
Il n’en fallait pas plus pour que Omar Hilale fasse valoir, et contrairement à ses habitudes, son droit de réponse. D’abord pour apporter un minimum de cohérence. «J’aurais tant voulu que l’Algérie, qui se dit compatissante et solidaire, ait la décence de garder le silence face au deuil qu’observe le Maroc et les milliers de morts et destructions qu’il déplore. On ne peut pas verser des larmes de crocodile et, en même temps, attaquer un pays qui vit toujours un drame. Vous exprimez votre soutien, mais, en même temps, vous injectez votre venin. Vous insultez les morts, les Marocains et cela dure depuis cinquante ans déjà», a recadré le diplomate marocain.
Partant du parti pris établi de l’Algérie dans le différend au sujet du Sahara, Omar Hilale a également mis en relief une autre contradiction voulant que le voisin se réclame comme neutre dans l’affaire du Sahara, tout en agissant comme acteur principal. «Mais qu’êtes-vous donc? Qu’est-ce qui vous pousse à prendre la parole si vous n’êtes pas partie prenante, à opérer autant de distorsions historiques et à faire preuve d’autant d’ignorance sur ce que l’ONU a entrepris. Vous parlez de référendum et de Conseil de sécurité, mais vous oubliez que cela fait 23 ans que le même Conseil de sécurité ne parle plus de référendum», relève-t-il.
Un avocat commis d’office
Quant au principe d’autodétermination défendu par Alger, le diplomate marocain s’est contenté de retourner la question à son homologue. «Vous agissez comme un avocat commis d’office qui prétend défendre le droit, mais qui n’hésite pas à le violer. Si ce principe est si cher à votre cœur et à votre esprit et si lié à votre Histoire et votre ADN, pourquoi ne l’appliquez-vous pas chez vous? Il y a un peuple qui existait avant l’État algérien et qui revendique depuis des décennies son droit à l’autodétermination: le peuple kabyle. Vous lui refusez ce que vous voulez offrir à des citoyens qui revendiquent leur marocanité», remarque le diplomate.
Et de souligner que, tout en parlant de «peuple sahraoui», Alger continue de fermer les camps (à Tindouf, en Algérie, NDLR) où il est séquestré, interdisant au passage à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de procéder à l’enregistrement de ses populations. Le tout, sans être partie prenante. Évidemment.
Le diplomate revient également sur l’envoi par l’Algérie, le simple observateur, d’une note dénonçant la dernière résolution du Conseil de sécurité, celle adoptée le 27 octobre 2022 sous le numéro 2654, qui stipule un retour aux tables rondes de «toutes les parties au conflit», dont l’Algérie. «Aucun autre pays n’a fait une telle objection et aucun pays n’envoie pareilles missives sur des sujets qui ne le concernent pas directement», a noté Omar Hilale. Et d’épingler par la même occasion le refus d’Alger de prendre part au processus des tables rondes mené sous l’égide de l’ONU. «Vous êtes partie prenante à ce conflit, mais vous ne voulez pas l’entendre», administre le diplomate marocain.
Un pays « neutre » qui joue des coudes
Une preuve de plus que la neutralité algérienne est, là encore, une imposture. Hilale rappelle à ce titre la lettre datée du 22 juillet 2002 et signée par le prédécesseur de l’actuel ambassadeur algérien à l’ONU, où il est spécifié que l’Algérie est disposée à examiner la proposition concernant une possible partition du territoire du Sahara entre le Maroc et le Polisario. «La réponse du Maroc a été formulée le même jour et elle a été cinglante: non! Il n’y aura jamais de partition avec qui que ce soit», rappelle l’ambassadeur.
Difficile, au passage, de penser que l’Algérie agit par pure grandeur d’âme, malgré ses vaines tentatives de paraître comme une partie sans intérêt direct dans le conflit. «Vous êtes concernés, vous êtes responsables. Et si le problème du Sahara persiste, c’est à cause de vous-même, même si vous continuez toujours à prétendre que vous n’y êtes pour rien. Les Nations unies vous somment de participer aux tables rondes, mais vous refusez. Les Nations unies adoptent des résolutions, mais vous les rejetez. Vous êtes en train d’induire en erreur ou de mentir à l’Assemblée générale et à la communauté internationale comme vous avez menti à ces populations que vous avez transportées par la force dans les camps de Tindouf pour leur faire miroiter l’indépendance. Une indépendance chimérique pour créer une entité fantoche qui ne dépend que de vos services de renseignement. La voilà, cette Algérie qui présente ses condoléances et qui exprime sa solidarité. Celle-là même qui veut saper l’unité du Maroc et qui, depuis cinquante ans, ne fait qu’armer, financer et soutenir un mouvement séparatiste, un groupe armé qui a en plus des connexions avec le terrorisme international», résume le représentant du Royaume.
Le diplomate dit avoir souhaité de la part son «frère» algérien plus de décence et de respect, pour les victimes du récent séisme, mais aussi pour les Marocains qui ont versé leur sang pour l’indépendance du pays tout aussi «frère». «Vous avez la mémoire courte. Nous le comprenons parce que vous n’avez aucun principe. Ni le principe de bon voisinage, ni le principe du respect, ni le principe du règlement pacifique des différends ni le principe, ou plutôt le courage, d’assumer vos actes, votre politique et votre agenda destructeur et déstabilisateur de la région. Voyez autour de vous ce qui se passe. La seule frontière stable, c’est le Maroc», note-t-il.
Le Sahara, un paradis « meilleur que les grandes villes algériennes »
À la remarque de l’ambassadeur algérien ironisant sur le «Sahara occidental devenu, sous l’occupation marocaine, un paradis», Omar Hilale persiste et signe: «Oui, un paradis meilleur que les villes en Algérie où les gens font la queue pour le blé, pour les bananes, pour le lait, pour la farine. La voilà, l’Algérie qui dépense des milliards de dollars pour armer un groupe séparatiste, mais qui affame son peuple».
Et d’inviter l’assistance à consulter le rapport du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association de l’ONU, publié il y a une semaine, après sa visite en Algérie où il décrit la limitation de la liberté de mouvement, les emprisonnements et les accusations fallacieuses, notamment contre les militants du Hirak. «Voilà la liberté dont vous parlez. Voilà l’autodétermination que vous voulez. Laissez votre propre peuple s’autodéterminer avant de revendiquer l’autodétermination aux autres. Quant au Maroc, il est dans son Sahara et il le restera jusqu’à la fin des temps».
Au Sahara, le Maroc construit, consolide l’État de droit et permet à tous les Sahraouis, mêmes les anciens séparatistes, de s’impliquer. «Maintenant, des anciens du Polisario gèrent des régions, participent à l’exploitation des ressources, à la vie politique, économique et culturelle, de de la région», rappelle l’ambassadeur.
À une autre provocation du représentant algérien, Omar Hilale a de nouveau pris la parole. Cette fois, pour répondre à deux reproches: le fait que le diplomate marocain n’ait pas évoqué le Sahara à proprement parler (quoique !) et le second que le discours de ce dernier ait été dirigé «exclusivement» contre le voisin.
«C’est dans les tables rondes que nous discutons de la question du Sahara et l’Algérie y est invitée. Rendez-vous est pris. Comme nous l’avons fait durant les deux premières tables rondes», a insisté Hilale. Quant au focus sur l’Algérie, le diplomate l’explique par un seul motif: «L’Algérie est la mère de tous les malheurs de notre région».
Que fera l’Algérie au Conseil de sécurité ?
La grande question est: que va faire l’Algérie lorsqu’elle aura accédé au Conseil de sécurité, alors qu’elle en rejette les résolutions? «Ceci, d’autant que contrairement à ce que croit l’Algérie, le Conseil de sécurité ne traite pas la question du Sahara en tant que problème de décolonisation, mais de paix et de sécurité. Et c’est dans ce contexte-là, dans cet esprit-là, que l’Algérie, qui a été à plusieurs reprises membre du Conseil de sécurité, a voté les résolutions sur le Sahara marocain», souligne le diplomate.
Alger ne manquera pas de faire de sa place au Conseil de sécurité un motif de fierté et une victoire diplomatique. Mais il faudra raison garder. Si le voisin oriental y siège, c’est uniquement grâce au principe de rotation. «C’est le tour de l’Afrique du Nord et c’est un principe égalitaire que nous défendons. Autrement, l’Algérie n’aurait jamais accédé au Conseil de sécurité. La preuve, elle n’a même pas un seul soldat au sein des forces de maintien de la paix. Pire, elle abrite un groupe armé séparatiste qu’elle arme. Je regrette d’ailleurs que l’Algérie se compare à un groupe terroriste. Nous avons beaucoup d’estime pour le FLN et pour les chouhada, dont le sang s’est mêlé au sang des soldats et des volontaires marocains, pour l’indépendance de l’Algérie. Mais là…».
Cet héritage, le voisin le spolie désormais en défendant des groupes terroristes. La preuve en est que Abou Walid Sahraoui, un des dirigeants de Daech au Sahel, venait se soigner dans les camps de Tindouf chaque fois qu’il était blessé après les attaques des forces françaises. «À trois reprises, il a trouvé refuge dans les camps», précise Omar Hilale. Parler de neutralité dans une affaire où la junte joue sa survie relève, en effet, de l’indécence. ■