Par Pierre Builly.
Pépé le Moko de Julien Duvivier (1937).
Chaleur de la Kasbah.
Introduction : La police cherche à coincer un caïd du milieu parisien, Pépé le Moko, réfugié avec sa bande dans la Casbah d’Alger. Il y est intouchable, mais ne peut en sortir sans se faire arrêter. Mais il rencontre un jour Gaby, une jeune demi-mondaine entretenue par un homme riche, touristes qui visitent Alger la Blanche. Gaby représente tout ce que la Casbah n’est pas, tout ce qui manque à Pépé : parisienne, élégante, sensuelle et sophistiquée. Inès, la maîtresse indigène de Pépé ne s’y trompe pas. Parallèlement l’inspecteur Slimane, lui aussi indigène, redoutablement subtil, suit tout cela très attentivement : il compte sur les développements de ce triangle amoureux pour faire sortir le caïd de sa planque et l’arrêter enfin. Et naturellement…
Tous les clichés de la France d’avant-guerre s’emmêlent et s’entassent dans ce Pépé le Moko, et, pour autant, par leur redondance même ne lassent, ni n’agacent.
Outre l’exotisme de la Casbah d’Alger, son côté carte postale (délicieuse présentation du site par l’Inspecteur Slimane (Lucas Gridoux) aux policiers métropolitains), il y a le malfrat bourreau-des-cœurs (Gabin, forcément), son emprise sur la petite bande de truands qui voit en lui un père – Pierrot – (Gilbert Gil) ou un frère – Jimmy – (Gaston Modot), voire un neveu doué – Grand-Père – (Saturnin Fabre). Naturellement, il y a le traître gluant de veulerie, Régis (Charpin) qui, son forfait découvert sera exécuté, lors d’une des plus belles scènes du film, sur ritournelle de piano mécanique, par celui qu’il a trahi, Pierrot, mourant et soutenu par tous les autres qui l’aident à tirer.
Il y a bien sûr, la belle amante exotique, Inès (Line Noro), possessive, jalouse, dévorante, qui ne parviendra pas à retenir son mec, happé par Gaby (Mireille Balin) poule parisienne venue s’encanailler dans la Casbah pour supporter l’ennui que lui fait subir le gros porc suant-soufflant qui l’entretient.
Tous les clichés, vous dis-je, y compris la rengaine entonnée à tue-tête par Gabin sur les toits blancs de la Casbah, qui fait croire à Inès qu’il est heureux, alors qu’il ne chante que parce qu’il a rencontré Gaby…
Et donc, forcément, comme toujours dans ces histoires de paumés qui voudraient – et pourraient presque – refaire leur vie, ça finit mal. Comme dans Quai des brumes, il y a du sang de Gabin sur le pavé…
Romantisme du mauvais garçon, romantisme de l’Afrique du Nord (Mon légionnaire – la chanson – date à peu près de la même époque), romantisme des amours idéales, donc impossibles…
Fatalitas ! (comme lance Chéri-Bibi vingt ans auparavant). ■
DVD autour de 12€.
Chroniques hebdomadaires en principe publiées le dimanche.