Par Philippe Mesnard.
Juste après s’être envolé pour Marseille rencontrer un pape qui a affirmé ne pas être venu en France, Emmanuel Macron est revenu à Paris pour longuement parler de ce qu’il croyait pouvoir faire en négligeant complètement de rendre des comptes sur ce qu’il n’a pas fait ni réussi.
« Nous devons lutter pour préserver nos patries, et nos rites, et nos langues, et nos vies. »
Quelques jours auparavant, il s’était félicité de recevoir Charles III qui a évoqué l’amitié indéfectible entre la France et le Royaume-Uni, faisant aimablement fi de quelques siècles pénibles, amitié qui servira de socle à un monde transformé par la transition énergétique. Au même instant, le Premier ministre anglais expliquait qu’il comptait bien ralentir sur les voitures électriques – avant que Macron ne fasse lui-même machine arrière, Carolus III exit, sur tous ses engagements sur le charbon, le glyphosate et les chaudières à gaz. C’est une « écologie à la française », garantie British free.
Ce n’est même plus le pays réel contre le pays légal, c’est le métavers virtuel contre les pays réels. Un virtuel que dénonçait d’ailleurs le pape à Lisbonne : « Aujourd’hui beaucoup de réalités qui nous attirent et nous promettent le bonheur se révèlent ensuite pour ce qu’elles sont : des choses vaines, des bulles de savon, des choses superflues, des choses inutiles et qui nous laissent vides intérieurement ».
François avait-il conscience que ses paroles s’appliquent merveilleusement à sa vision chimérique d’une Méditerranée « laboratoire de paix », alors que les immigrants augmentent la criminalité partout où ils arrivent ? Une Méditerranée « polyédrique » (j’ai pas compris non plus, mais je cite : « Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n’est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c’est le mot. »), une Méditerranée qui est « la mer du métissage, culturellement toujours ouverte à la rencontre, au dialogue et à l’inculturation réciproque », bref une Méditerranée utopique, une mare nostrum qui n’aurait connu ni les violentes conquêtes romaines, ni les guerres médiques, ni la piraterie barbaresque.
Une Méditerranée « polyédrique »
Voilà donc le pape à Marseille, ville ravagée par les guerres communautaires, dévorée par la drogue, ensanglantée par les gangs nigérians. Considère-t-il la réalité ? Non. Il célèbre le vivre-ensemble, « todos, todos, todos ! » comme un préfet de province, et engage tous les catholiques et tous les Français à s’installer dans la bulle de savon de la fraternité, valeur républicaine ! « L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. » Et que meurent les Français et crèvent les Arméniens.
Le pape est installé dans une réalité alternative, en compagnie de Macron et Charles III, du Secrétaire général de l’ONU et d’Ursula von der Leyen. Ils sont les pocos qui ordonnent aux todos de les rejoindre dans leur utopie mortifère ou plutôt qui ordonnent aux todos de se sacrifier pour que les pocos puissent jouir en paix du monde tel qu’ils le rêvent. Qu’importe que les Français vivent dans la peur, que les catholiques soient massacrés d’un bout de la planète à l’autre, que les Unionistes soient promis à la pauvreté sans le secours de la foi, que les peuples soient asservis à la finance, états-unienne ou non… Seul compte le magnifique mensonge d’une France enfin dissipée, d’une Église enfin dissoute dans le siècle, d’une Europe enfin effacée ; car pour les pocos ces vieux corps sont tous coupables (mais eux seuls ! ni l’islam ni le boudhisme ni l’Asie ni l’Afrique ne doivent périr, les pocos gardent dans leur folie l’orgueil de leurs puissances éteintes) et les todos doivent être privés du secours des vieilles murailles. Ils doivent être dévorés vifs par ceux qu’ils intègreront, nouvelles forces vives qui, elles, les assimileront, dévorations bénies par l’Union fédérale et l’église universelle.
À moins que d’autres pocos ne se lèvent pour défendre les todos. Nous devons lutter pour préserver nos patries, et nos rites, et nos langues, et nos vies. Nous sommes ces voix criant dans le désert planifié où d’aucuns nous commandent d’admirer des mirages flamboyants. La charité nous commande de proclamer que ce ne sont que des nuées et nous devons avec foi apporter l’espérance à ceux qui désespèrent de devoir renoncer à eux-mêmes pour satisfaire aux chimères des mauvais maîtres. « We few, we happy few, we band of brothers ». ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.
«Méditerranée polyédrique», cela doit vouloir signifier que cette région aurait plusieurs facettes, c’est-à-dire, dans les faits, plusieurs conflits : Libye, Palestine, Syrie, passons… En somme et plutôt, du «multiculturisme» : à qui peut se montrer le plus «gonflé» politiquement.
Cela dit, par définition lexicale, le terme d’«inculturation» ne peut pas être réellement réciproque : ce mot employé pour les missions chrétiennes signifie que le missionnaire s’adapte aux us et coutumes de la terre où il a pris pied ; certes, pour établir des «échanges», mais avec la volonté d’évangéliser, c’est-à-dire de convertir les peuples chez lesquels il s’est rendu. Seulement, cela s’entend au sens de doctrine religieuse, certainement pas de commerces économiques ou de revendications socio-politiques.
La Sainteté qui est à Rome oublie encore que sa mirobolante «mer du métissage, culturellement toujours ouverte à la rencontre, au dialogue», si elle ne baigne pas trop la sueur, a bien souvent connu le sang qui se jetait en elle, tout comme aujourd’hui et, sans doute, plus «inhumainement» encore qu’en d’autres temps moins républicains…