Message de Madame Marie-Armelle BEAULIEU, Rédactrice en chef de Terre Sainte Magazine.
Aux pèlerins qui devaient se rendre en Terre Sainte lorsque les événements ont éclaté en Israël. Voyage naturellement aussitôt annulé. Message aussi remarquable à titre d’information sur la situation vécue sur place que de la hauteur de vue et hauteur d’âme dont il témoigne. Très loin du propos habituel des beaux-parleurs compassionnels franco-européens…
Jérusalem le 10 Octobre 2023.
Chers amis,
Devant le nombre de personnes qui ont la gentillesse de vouloir prendre de mes nouvelles, je suis contrainte à écrire ce mot collectif. Pardon pour la longueur, elle précède un long silence sur l’essentiel.
Je ne cours pas de danger immédiat. Parce que je ne suis ni juive ni palestinienne, parce que ça se voit, je dirais ici « ça se flaire ». Le risque qu’une roquette qui tomberait sur Jérusalem m’atteigne est infinitésimal et je ne vais pas aller, avant un bon moment, en dehors du périmètre de l’agglomération.
Je n’ai pas un tempérament qui me porte à m’inquiéter pour ma vie. Jérusalem où je vis est atterrée et les gens restent chez eux, suivant les directives de la sécurité civile. Je suis amenée à me déplacer pour des raisons professionnelles.
Dans les deux réalités de la ville, arabe et juive, le constat est le même 75% des magasins sont fermés, il y a peu de gens dans la rue. C’est, de fait, moins dû au risque pour nos vies que du fait que tout le monde est anéanti.
Nos âmes sont mises à rude épreuve depuis samedi.
Je condamne sans hésitation les massacres perpétrés par le Hamas. Le nombre de morts est non seulement effarant mais les conditions dans laquelle des civiles, enfants, femmes, personnes âgées ont été assassinés sont barbares. Les morts de la rave party, le pogrom du kibbutz de Be’eri sont inqualifiables dans l’horreur.
Suis-je surprise ? Par tout ce qui se passe depuis samedi : oui. Surprise, atterrée, effarée, glacée, sidérée.
Pour autant, quiconque suit la situation palestinienne 𝐬 savait que la situation était intenable et exploserait. Cela fait des mois que l’on s’interrogeait sur la possibilité d’une troisième intifada. Avant, samedi 7 octobre, l’année 2023 était déjà la plus meurtrière depuis des années dans les deux camps israéliens et palestiniens.
En revanche personne n’aurait imaginé cette forme. Et dans la faillite des services israéliens et dans la barbarie du Hamas.
Le volcan couvait on le savait. Et de la part des Eglises, ce n’est pas faute d’avoir alerté. J’espère que ceux qui ont créé ces conditions en répondront un jour.
Hier, un jeune israélien m’a dit : « Vraiment nous sommes surpris ? Comme si nous n’avions pas été assez arrogants en croyant que nous avions réduit 5 millions de Palestiniens à vivre comme des indiens (« natives Americans ») dans les réserves que nous leur laissions ».
Plus tard dans la conversation, il m’a dit qu’il avait été soldat d’élite et qu’il avait tué des quantités de Palestiniens et qu’à l’époque il était « à l’aise avec ça ». « C’était comme descendre un paquet d’ordures, ce n’est pas agréable mais ça le fait. » Et il a poursuivi : « Un jour dans mon unité, l’un d’entre nous a protégé la vie d’un terroriste contre tous ceux qui voulaient le lyncher. C’est lui le héros. Tuer c’est facile, c’est à la portée de n’importe quel imbécile. Voir l’Homme dans ton ennemi, c’est ce qui fait de toi un Mensch, un être humain. Ce jour-là, j’ai grandi en regardant ce que les héros savent faire. »
Ce qui est arrivé aux Israéliens est innommable, ce que de nombreux Israéliens réclament, l’élimination pure et simple de 2 millions de gaziotes, ne l’est pas moins. Les mesures prises par le gouvernement israélien de coupure de l’eau et de l’électricité ne sont pas prises pour éradiquer le Hamas comme indiqué mais pour punir collectivement une population qui vit sous le joug de ces radicaux musulmans depuis 2006.
Tous les gens que je rencontre sont dévastés. Y compris les Palestiniens que je connais. Je n’ignore pas que certains se réjouissent encore. Encore qu’entre les réjouissances de samedi matin à l’idée que la sécurité israélienne puisse avoir été ainsi déjouée et la réaction aujourd’hui à l’idée des réactions en cascades, il y a d’immenses différences.
Et moi là-dedans ? J’aime les deux peuples, chacun pour des raisons différentes. Plus qu’ils ne le peuvent imaginer. Je trouve les deux légitimes à vivre sur cette terre. Je reconnais les deux.
Partir ? J’ai choisi cette terre et ses habitants et n’ai pas l’intention de les quitter. (…).
Depuis 25 ans que je vis ici, j’ai travaillé à mon échelle à rendre les voies de la conciliation possibles, à défaut de réconciliation avant longtemps. J’ai refusé d’épouser les discours de l’un contre l’autre. J’ai travaillé à ne pas me laisser empoisonner par la haine. Ce n’est pas faute de voir de quoi basculer.
Je ne suis ni Israélienne ni Palestinienne. Je ne prétends pas être neutre. Je prétends – comme l’ont dit les papes venus ici – que ce pays a besoin de ponts et non de murs. Je revendique de pleurer sur tous les morts, sans distinction de sexe, de religion, de parti politique. Je prétends que la situation dans laquelle nous sommes est la preuve qu’on ne peut pas continuer à ignorer les droits des Palestiniens à vivre dans la dignité, sur la terre où ils ont vu le jour et leurs pères avant eux.
J’ai dû prendre la décision de refuser d’intervenir dans des médias aux formats courts qui ne me donnent pas l’occasion de m’exprimer dans la nuance. Et d’ailleurs j’entrerai dans le silence avec soulagement. (…) ■
Publié le 13.10.2023 – Actualisé le 14.10.2023
Très belle dignité intellectuelle et cordiale. Nous devrions nous mettre tous à cette école.
Seulement, il faut considérer les points auxquels nous sommes tenus. Madame Beaulieu «bénéficie» (si j’ose dire) de la proximité avec le réel ; quant à nous, nous pâtissons de la gangrène médiatique. Nous ne réagissons donc pas tant à la réalité qu’aux aspects «orientés» que l’on entend nous coller sous le nez.
Or, le temps que peut mettre la réalité pour parvenir aux naseaux des «observateurs» détachés, traîne plus en longueur qu’on ne l’imagine.
Par contraste, ne cessons jamais de penser à l’Ukraine, car il est encore imaginable de pouvoir penser à deux choses simultanément…
Depuis l’affaire israélo-hamasienne, il semblerait que l’Ukraine soit sensiblement passé sous les radars des bonnes consciences et des autres… Que s’y passe-t-il donc qui mérite moins d’attention des uns au profit de la nouvelle compassion qu’ils répandent sur autre chose. Les Ukrainiens sont des «Européens», disait-on, d’où le fait que nous dussions être davantage concernés par ici que par des guerres plus lointaines. On voudrait nous convaincre qu’Israël ne serait pas d’Orient mais d’Europe, telle qu’une «colonie», au fond… Et si c’était bel et bien cela : un coin introduit dans les reins de «toute la région» (selon la périphrase consacrée pour parler des alentours de Palestine, que l’on s’autorise ainsi à ne plus désigner par son nom)…
En tout état de ces réflexions, remercions madame Beaulieu pour ses paroles, pour sa franche décision de ne pas céder à la tentation des «formats courts», et rendons honneur à son soulagement, dans le silence où elle entend entrer.
magnifique et émouvant et bien triste témoignage de la directrice de Terre Sainte Magazine.
Magnifique.
Hélas les artisans de paix ne seront pas encore entendus. Il faut cependant distinguer le Palestiniens de ceux, parmi eux ne l’oublions pas, mus par la haine du juif, alimentée par leurs dirigeants religieux et même par leur « livre sacré » se sont livrés et se livreront encore à ce qu’il y a de plus diabolique dans leur nature. Que nos « journalistes n’emploient pas l’adjectif bestial, aucun animal ne se conduit comme cela.
Les gazaoui se rendent compte que le Hamas est la source de tous leurs malheurs, pas Israël, il y eu des manifestations contre lui il y a peu avant cette horreur. Y en aura-t-il d’autres, je le pense.
Mustapha Kemal, le Shah d’Iran et Habib Bourguiba pensaient que l’Islam était la source de l’arriération de leur pays et l’ont combattu; mais l’hydre regénère ses têtes coupées
Mustapha Kemal, le Shah d’Iran et Habib Bourguiba furent, ni plus ni moins, que des traitres à leur civilisation. Leur tresser quelques lauriers que ce soient revient à flétrir la fidélité spirituelle et à promouvoir le sens de la compromission matérielle, qui ouvre la voie aux systèmes de corruption.
Mais ce n’est pas tout : louer ce genre de personnages, revient à justifier ceux qui, aujourd’hui, se comportent sous nos latitudes comme eux se comportèrent sous les leurs, hier.
Il faut aller prendre des leçons de ce que n’a jamais même su rêver toute la «tolérance» moderniste, il faut mettre son intelligence à l’école des grands «empires» – au sens authentique de civilisation, non au sens politique restreint du terme –, dans l’idée carolingienne du Saint-Empire, chez les Grands Mogols, chez les authentiques «Shah» de cette fabuleusement belle civilisation qu’a été la Perse, durant des millénaires, chez le Wang chinois, d’immémoriale mémoire, chez le Sapa Inca des Andes…
Israël représente pour les «démocraties» le plus sûr moyen d’achever ce qui pourrait survivre des anciens mondes traditionnels ; sans doute, existe-t-il des espèce de Mustapha Kemal dans le Hamas, de cette espèce de gens qui, une fois la pseudo-indépendance obtenue, détruisent les peuples qu’ils ont feint de représenter, seulement afin de pouvoir concurrencer les systèmes qu’ils prétendaient combattre – ceci explique d’ailleurs cela, puisque, comme chacun sait, sous le manteau des subventions opaques et des judiciarisations rocambolesques, les «ONG» occidentales collaborent étroitement avec les faux indépendantistes et autres gangsters “démocratiquement élus”…
La question de la légitimité territoriale des Palestiniens et/ou des Juifs en Méditerrannée n’est pas plus fondée, ni moins, que ne le serait celle d’un État prussien sur la Baltique ou d’un État kurde sur le territoire que se partagent Iran, Irak, Turquie et Syrie… Etc.
Les Grands Empires pouvaient se disputer entre eux ces territoires (ce qui fut le cas du Kurdistan entre les Ottomans et les Perses), mais, quelque eussent été les annexions impériales, les peuples concernés demeuraient ce qu’ils étaient, tant culturellement (i.e. spirituellement) que socialement.
Toutefois, l’«impérialisme» arabo-islamique présente un cas aussi problématique que l’impérialisme christiano-occidental ; du reste, ces deux-là se trouvent justement être aux origines historiques de la décadence sociale moderne, au point que d’aucuns peuvent considérer que la modernité constitue leur «hérésie» majeure ; ainsi, chez nous, la devenue (à moitié) célèbre observation du grand Gilbert Keith Chesterton, dans “Orthodoxie” : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. »
N’oublions tout de même pas que le Hamas a été favorisé par Israël parce que Netanyahou espérait ainsi enterrer définitivement l’État palestinien de Mahmoud Abbas en favorisant ceux qui étaient les plus hostiles à tout compromis. Je sais qu’en rappelant ce fait bien connu, je ne me ferai pas des amis au moment où les esprits sont sous le choc du massacre, mais, comme le dit cette dame, l’état de choses actuel est une poudrière toujours prête à exploser. Quant aux Palestiniens, l’épuration ethnique est impossible: où iraient-ils? Tous les pays voisins leur sont fermés et les pays plus éloignés n’en veulent pas. Nous devons garder les yeux ouverts et ne pas se laisser dominer par l’émotion.
Pour résoudre la situation, je ne cesse de poser la question : comment peut-on faire entrer un litre et demi d’eau dans une bouteille d’un litre ?
Celui qui répondra aura droit à la reconnaissance générale.