Repris de nos archives
Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Paru le 17 mai 2021.
Il aura donc suffi de quelques roquettes délibérément lancées à l’aveugle par le Hamas contre l’Etat hébreu, sous prétexte de tensions intra-israéliennes, et la réaction que cela a provoqué, pour que la question israélo-palestinienne mobilise à nouveau chancelleries et opinions publiques.
David Ben Gourion a proclamé l’indépendance d’Israël à Tel-Aviv le 14 mai 1948. Trois quarts de siècle plus tard, on se demande encore combien de décennies seront nécessaires pour que l’existence de cet Etat ne constitue plus, quelle que soit l’issue, un de ces problèmes qui empoisonnent les relations internationales. Sans être extrémiste ou antisémite, on peut penser qu’il eût quand même été plus simple qu’il n’existât point. Mais il existe et on ne peut dénier à un Etat souverain, et quoi qu’on pense de lui par ailleurs, le droit, le devoir même, de se défendre, voire de contre-attaquer.
Le fameux plan de partage de la Palestine voté par l’Onu dès 1947 prévoyait bien un État juif, un État arabe et l’internationalisation de Jérusalem. Même remanié, Jérusalem y devenant capitale partagée des deux Etats, ce plan n’a jamais été appliqué et risque fort de ne jamais l’être, tant il est irréaliste de prétendre mettre d’accord malgré eux des belligérants bien décidés à occuper le maximum de la même terre, et même à détruire l’autre purement et simplement. Cette dernière position reste celle des islamo-terroristes du Hamas, qui peuvent compter sur l’alliance improbable de l’Iran chiite et des opinions publiques des pays arabes très majoritairement sunnites, ce qui leur confère un pouvoir de nuisance dont se méfient ceux de ces pays qui se sont rapprochés d’Israël (Egypte, Soudan, EAU, Maroc, etc.) et qui se trouvent contraints à une « paix froide » avec l’Etat hébreu.
Le partage prévu aurait pu permettre à la France de jouer le rôle auquel la prédisposait ses relations historiques avec la région. Aujourd’hui, elle s’y tient mordicus parce que, avec peu de moyens et presque aucune volonté politique, c’est plus commode de faire comme les autres. A une époque, c’était en 1967, où on pouvait encore penser à la possibilité d’avoir une politique proche-orientale digne de ce nom, De Gaulle parlait des Juifs comme d’un « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », formule dont il devait préciser plus tard qu’elle avait été sortie de son contexte, donc mal comprise et qu’en fait elle était plus un compliment qu’une critique. Il n’empêche : prononcés quelques mois après la fulgurante victoire israélienne de la guerre des Six Jours, ces mots soulignaient quand même l’existence d’un problème. Vingt-cinq ans plus tard, en mars 1982, François Mitterrand déclare encore, amicalement paraît-il, à la Knesset : « Nul doute qu’il y a problème, et que, non résolu, il pèsera d’un poids tragique et durable sur cette région du monde. » Mais cela, c’était dans le monde d’avant. Depuis, on a vu à Jérusalem Jacques Chirac en train de gesticuler (1996), M. Jospin insulté et caillassé (2000), puis les visites banales et consensuelles de MM. Sarkozy (juin 2008) et Hollande (novembre 2013) et enfin le « coup de sang » de M. Macron, gêné lors de son entrée dans la basilique Sainte-Anne, domaine français au cœur de la vieille ville (janvier 2020). De tous ces déplacements, il ne reste rien, tout simplement parce qu’ils n’étaient que de pure forme.
On peut prévoir la suite et la fin de la crise actuelle : médiation en tout ou partie nord-américaine, cessez-le-feu, aide matérielle et financière européenne aux « victimes » de Gaza, etc. Jusqu’au prochain tir de roquettes. Tout le monde y trouvera son compte, même les Européens, et surtout les Français, dont les populations plutôt mélangées comportent en leur sein une cinquième colonne islamo-gauchiste toujours prête à manifester et parfois à tout casser en brandissant le drapeau palestinien, celui de leurs « frères et sœurs ». Ce fut le cas à Paris durant l’été 2014, à l’occasion de la « guerre de Gaza » avec de nombreuses manifestations fomentées par l’extrême-gauche et rejointes par une population, immigrée ou « française », essentiellement de confession musulmane. « Scènes de guerre à Barbès » avait titré la presse : aux cris de « Allah Akbar » et « Mort aux Juifs » on s’en était pris évidemment à la police, moins évidemment à la station de métro, et pas évidemment du tout à l’hôpital Lariboisière (tous « sionistes », paraît-il). On comprend pourquoi la manifestation de ce samedi était interdite et pourquoi les effectifs des forces de l’ordre étaient élevés (quatre mille hommes) – ce qui a permis malgré tout d’éviter le pire.
Aujourd’hui, plutôt absente de la scène internationale, la France est paradoxalement de plus en plus concernée par les événements d’Israël, au vu d’une partition comparable des populations, les Arabes israéliens constituant 20% de la population. Il s’agit bien désormais d’éviter que le mimétisme qui pousse si facilement les populations arabo-musulmanes à s’enflammer (ceux qui ont vécu dans un pays arabe pendant la première guerre du golfe le savent bien) ne devienne source de manifestations, toujours susceptibles de dégénérer en violentes émeutes. Il n’est pas anodin, même si la formulation n’est pas forcément la meilleure, qu’aient été employés pour Israël et pour la France, à deux semaines de distance, les mots de « guerre civile ». ■
** Agrégé de Lettres Modernes.
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