C’est depuis un village des Landes où il vit depuis sept ans que le philosophe Jean-Claude Michéa poursuit sa critique d’un monde urbain qu’il estime aujourd’hui trop déconnecté. À l’occasion de la sortie de son dernier essai, il est « monté à Paris » pour s’entretenir avec Guillaume Erner.
« Les guerres sont devant nous »
À quels des penseurs et philosophes que nous avons lus ou connus et entendus, qui ont formé notre propre culture, et forgé les fondements de notre politique, nous renvoie ou en tout cas, nous fait penser le propos de Michéa ? Le lecteur, s’il le veut, y pensera.
Il y a là, nous semble-t-il un enracinement, un réalisme, une connaissance et une intelligence de la modernité,, d’une profondeur tout à fait rares et singulières. Il y a même, si l’on écoute bien, une poésie de cet enraciné. Come nous l’avons connue chez Thibon.
Il faut écouter Jean-Claude Michéa, sans aucun doute.
Mon idée du capitalisme tel que le définit Marx est très floue et je m’en contente. Tout en admirant le sociologue, je me défie du théoricien, contrairement aux anciens marxistes. Ceux-ci peinent visiblement à se dépêtrer de leur lourd bagage conceptuel. Marx annonce à sa façon la mondialisation du capitalisme. À mes yeux ce changement d’échelle, la mondialisation, pèse infiniment plus lourd que le « capitalisme » lui-même et décrit le mieux notre situation. Marques commerciales, musique, films, pub, modes, styles, architecture, art, cuisine, langue … tout se mondialise irrésistiblement. Ré-écoutons Claude Levi-Strauss. La technique, la science, les infrastructures de tous ordres en sont parmi les causes premières. Pourtant celles-ci, pour la plupart, ont une essence ou un statut juridique public et répondent à une demande de toute la population. Que les « capitalistes », petits ou grands, en profitent est évident mais ils n’en sont pas le moteur initial.
Ce qui me semble central dans ce qui se passe sous nos yeux, c’est l’effacement des Ètats-nations, de leurs pouvoirs régaliens, de leurs entreprises et services publics, de plus en plus réduits à un décor de carton doré et aux faux-semblants d’ « éléments de langage médiatiques ». Les pages de JSF le déplorent tous les jours. Or cet effacement, parce qu’il est inavoué (il est même impensable, impossible, scandaleux pour beaucoup) n’est pas vraiment expliqué. Il n’est surtout pas maîtrisé et, ce faisant nous entraîne vers l’inconnu. Cette mondialisation largement anonyme ce n’est plus du « capitalisme » à la papa, produit d’une bourgeoisie familière et vilipendée, sous la houlette d’un pouvoir régalien plus ou moins vigilant. C’est une toile d’araignée invisible, insaisissable qui semble aliéner (au sens marxiste) et appauvrir la plupart des capitalistes, propriétaires et bourgeois d’antan.