Il ne faut sûrement pas attendre du Figaro qu’il prenne les armes de la contre-révolution pour accomplir en vérité ce « retour de la grande politique » qu’il appelle à juste titre de ses vœux tout en constatant avec lucidité combien il est impossible dans le cadre du système « politicien » actuel, toujours dominant malgré le poids croissant des urgences qui l’ébranlent jusque dans ses fondements. Tel est le manque, la contradiction et le paradoxe de cet éditorial qui aurait pu être excellent s’il était allé jusqu’aux fond des choses. Il aurait alors justifié son titre, « Défi historique, loi anecdotique« . Le « défi historique » reste donc à relever.
La menace qui déséquilibre déjà tout un pays, sur le plan social, sécuritaire et culturel, impose le retour de la grande politique.
L’urgence des temps interdit les réflexes « politiciens »: c’est ce que dit le ministre de l’Intérieur aux parlementaires LR. Gérald Darmanin a mille fois raison: la pression migratoire est telle qu’il faut se hisser à la hauteur d’un défi historique. La menace qui déséquilibre déjà tout un pays, sur le plan social, sécuritaire et culturel, impose le retour de la grande politique. Changer le cadre de la loi par une réforme de la Constitution, consulter le peuple, afficher une volonté d’État intraitable, empêcher le moindre appel d’air…
Malheureusement, le projet de loi qui sera examiné dès lundi matin au Sénat est un texte anecdotique, «politicien», au sens où il privilégie les demandes contraires de la majorité parlementaire au détriment des nécessités du moment.
L’eau tiède du « en même temps »
D’abord portée il y a dix-huit mois par Gérald Darmanin, qui affichait alors une réelle volonté de rupture, l’entreprise a été ramollie, racornie dans l’eau tiède du «en même temps»: suppression d’obstacles administratifs à l’expulsion des illégaux, contre la création d’une prime à l’illégalité par le fameux article 3. Match nul, balle au centre. Comment en serait-il autrement? Élisabeth Borne, par sa filiation socialiste, est étrangère à toute politique d’immigration ferme. Il y a quelques mois, elle disait que ce sujet n’était pas prioritaire parce qu’il «divisait» les Français. C’est cet irénisme persistant, pourtant, qui fracture notre pays. Emmanuel Macron s’est construit politiquement contre toute vision sécuritaire, culturelle ou identitaire. D’attentats en émeutes, de crimes répétés en violences ordinaires, il a été obligé de conclure à la «décivilisation», mais sans que les mots entraînent les actes. Rappelons que, depuis les saccages et les pillages du début du mois de juillet, le président s’est tu, et, quand il a parlé, c’était pour affirmer qu’ils n’avaient rien à voir avec l’immigration…
Voilà qu’il convoque opportunément sur le thème de l’extension du référendum une nouvelle réunion avec les chefs de parti. C’était déjà l’un des sujets de la réunion précédente, et, si les usages techno-managériaux sont respectés, la deuxième réunion devrait vraisemblablement accoucher d’une troisième. Conversion présidentielle ou ultime manœuvre «politicienne» ? ■