Par Arnaud Florac.
Ce billet est paru dans Boulevard Voltaire le 20 novembre. Il est essentiellement factuel et n’appelle pas de commentaire. Sauf qu’il témoigne une fois de plus de la montée inexorable de la violence au cœur de notre société, de la faiblesse de sa capacité à y réagir par elle-même et surtout de la défaillance lâche du Politique. Le ministre de l’Intérieur se borne à faire l’éloge – d’ailleurs mérité – de « l’admirable travail de la Police Nationale » que, par ailleurs, l’État laisse attaquer de toutes parts, y compris par le Service public médiatique ou autre, et à quoi, surtout, il réduit lamentablement son action. L’État républicain apparaît comme un régime failli. Il justifiera de moins en moins son existence même aux yeux des Français de toutes tendances et origines, y compris de la partie immigrée, intégrée à la communauté nationale. Fin de règne ? Ça y ressemble furieusement.
Avec la régularité des saisons, la gauche trouve des totems, des victimes, des « petits anges » partis trop tôt, comme disait Kylian Mbappé. Il y a dans ces enthousiasmes de commande un certain nombre de points communs assez troublants. Les totems de la bien-pensance sont des délinquants, mineurs ou récemment majeurs, « issus de la diversité » (des « quartiers », disent-ils) et possesseurs d’un casier judiciaire (ou d’un relevé d’infractions, dans le cas des mineurs) déjà très correctement fourni.
C’est de la faute des policiers
Avant-hier, Zyed et Bouna, les petits anges carbonisés dans un transformateur électrique, à l’origine des émeutes de 2005 ; hier, Adama Traoré, le petit ange voleur et violeur, décédé d’un arrêt cardiaque pendant son arrestation ; aujourd’hui, Nahel, le petit ange qui conduisait sans permis, à fond la caisse, mort en refusant d’obtempérer. L’histoire se répète, sous différentes modalités mais toujours avec le même fond : c’est de la faute des policiers, la société est méchante, les « quartiers populaires », d’où les classes populaires se sont d’ailleurs enfuies depuis longtemps, méritent de l’argent magique et des panneaux de basket. Pour que les revendications soient satisfaites, on brûle, on pille, on casse, et personne n’est arrêté, évidemment – sans doute pour éviter le suraccident.
Ce dimanche, la mère de Nahel appelait à manifester à la suite de la libération du policier qui avait tiré sur son fils. Malgré les conclusions de l’enquête, ce fonctionnaire de police, victime collatérale d’un système tétanisé par la trouille, a passé des mois en détention pour rien. Apparemment, c’était encore trop gentil. Sur le podium de cette manifestation, la maman éplorée, qui naguère faisait de la moto, hilare, pour honorer la mémoire de son enfant, a ânonné un discours convenu, soufflé par une dame qui se tenait à ses côtés (voir, à ce sujet, la vidéo devenue virale sur X).
Interrogés par la presse, les amis de Nahel, vêtus de tee-shirts dont la charte graphique rappelait étrangement ceux de « Justice pour Adama » (peut-être le même fournisseur), ont tenu, eux aussi, des propos naïfs et décousus, comme « notre copain, on le voit plus, ça fait un trou ». Surprise, toutefois : ces petits anges, manifestants pacifiques selon la presse, étaient… cagoulés et coiffés de casquettes !
Visages dissimulés
On ne voyait pas leur visage. Comme on peut exclure d’emblée qu’ils craignent d’être reconnus, on ne peut que s’interroger sur les motifs véritables de cette dissimulation du visage dans l’espace public (c’est une infraction, après tout, même si on n’est plus à ça près). Avaient-ils l’intention de terminer la manif par un petit Black Friday improvisé, de charger des écrans plats et des paires de Nike™ dans des camionnettes pour rendre hommage à leur copain ?
Si l’on ajoute à cette marche masquée les slogans « De Nanterre à Gaza, on est là », on en vient à s’interroger sur les motifs profonds de ces marches. Qui est ce « on », qui est présent à la fois à Nanterre et à Gaza ? Ce n’est pas le peuple français, en tous les cas. Quel point commun entre Israël et la police française ? Aucun, sauf dans l’esprit, embrumé par le THC et les réseaux sociaux, de cette jeunesse titulaire de papiers français. Voilà où nous en sommes.
Terminons sur la mort tragique de Thomas, ce jeune homme de seize ans, poignardé gratuitement à Crépol (Drôme), ce week-end, au cours d’un pogrom antifrançais qui n’est pas le premier de l’année, selon un mode opératoire inchangé (razzia de sauvages dans une fête de village paisible, comme au temps des Barbaresques ; coups de couteau, agressions gratuites). Pour lui, il n’y aura pas de marche blanche. La France ne brûlera pas. Ses amis ne porteront pas de cagoule. On en est sûr : de Nanterre à Crépol, ils sont là. Et nous ? ■