PAR RÉMI HUGUES.
Cette série d’articles, qui correspond à la base écrite de l’exposé de Rémi Hugues fait au cercle d’Action Française d’Aix-en-Provence Roi René le 17 novembre 2023, est l’ultime pièce d’un triptyque sur l’usure ; la première s’intitulant « L’usure c’est le vol ! » (4 août 2020) et la deuxième « L’usure c’est la guerre ! » (6 mars 2023).
Cette histoire ubuesque montre à quel point l’économie britannique est minée par l’inflation. Ainsi la gestion de la Banque d’Angleterre est aussi catastrophique que la BCE ou la FED. Celle-ci est d’ailleurs en faillite : le 3 novembre Sunday Times relate que le Trésor va lui verser 170 milliards de livres sterling pour la sauver. Jack Barnett, qui signe l’article, pointe du doigt les pertes colossales à cause de l’assouplissement monétaire, qui a consisté en un programme d’achat des obligations d’État – ou bons du Trésor – à des taux se situant autour de zéro, voire même à certains moments négatifs.
Si on applique sa conduite à celle d’un individu lambda, cela équivaut à distribuer partout autour de soi ses économies – pour ainsi dire jeter l’argent par la fenêtre – et donc ensuite se trouver sans rien, ce qui amène à se retrouver à la rue et mendier pour éviter de mourir de faim.
Le tourisme alimentaire de Josh et Archie évoqué juste avant n’est pas sans rappeler les virées des Bulgares et des Grecs en Turquie pour profiter de l’aubaine que représente une monnaie – en l’occurrence la livre – affectée par l’hyperinflation pour le consommateur étranger.
Ce texte, publié par France 24 le 27 novembre 2021, l’illustre parfaitement :
« Depuis le début de l’année, la monnaie turque a perdu 40 % de sa valeur face au dollar. Une inflation galopante qui met à mal les finances des Turcs mais qui est perçue comme une aubaine pour les voisins grecs et bulgares. Ils sont désormais nombreux à passer la frontière pour faire leurs achats. […]
C’est devenu une habitude. Vendredi 26 novembre, des centaines de voitures immatriculées à l’étranger ont traversé la frontière à Edirne, dans le nord-ouest de la Turquie, région limitrophe de la Bulgarie et de la Grèce. Tous sont venus profiter d’une nouvelle chute de la livre turque pour venir faire leurs achats. “C’est vraiment moins cher qu’en Bulgarie, quatre fois moins cher même”, témoigne Ayhan, auprès de France 24. On achète des vêtements, on fait le plein d’essence, et on repart en Bulgarie”.
“En Grèce, nous n’avons pas de gros salaires. Acheter ici, c’est une très bonne opportunité pour nous”, témoigne une autre famille, qui a roulé quatre heures pour atteindre la Turquie depuis Thessalonique, en Grèce. “La dernière fois que nous sommes venus, un euro valait 9 livres. Aujourd’hui, on est à 14. Donc c’est mieux pour nous.” »
Les pays méditerranéens sont avantagés par la douceur de leur climat. Car l’explosion des prix de l’énergie en Europe – renforcée par la guerre en Ukraine qui a débuté le 23 février 2022 – pénalise tout particulièrement les habitants du nord, comme on l’a vu en abordant le cas du Royaume-Uni.
Une idée saugrenue – comparable à celle d’aller faire ses courses en Pologne quand on est Anglais – a jailli du fait de cette forte hausse des prix de l’énergie : le thermo-tourisme, si l’on peut dire, c’est-à-dire proposer aux Allemands de faire des économies en passant l’hiver dans une station balnéaire turque. Une fois de plus, Lidl se trouve au cœur de cette histoire abracadabrantesque :
« Lidl irrite la Turquie en proposant aux Allemands d’aller passer l’hiver au chaud. Le distributeur hard-discount vend des séjours de vacances à prix cassés sur la Riviera turque comme une alternative pour ne pas payer une facture énergétique démesurée cet hiver en Allemagne. L’offre fait grincer des dents en Turquie, aux prises avec une inflation galopante. L’offre de Lidl a de quoi faire réfléchir. Un séjour tout compris de vingt-deux jours sur la Riviera turque en janvier, dans un hébergement cinq étoiles. Avec transfert depuis l’aéroport et service blanchisserie inclus, et même massages et soins du visage en option. Le tout pour 599 euros. Le voyagiste BigXtra Touristik, partenaire du groupe de hard-discount, mène actuellement une campagne de promotion pour inciter les Allemands à aller passer l’hiver au chaud en Turquie, et fuir ainsi autant les frimas germaniques que les factures d’énergie qui s’annoncent salées », écrivait le journaliste des Échos Pierre Demoux le 14 septembre 2022.
Par rapport aux autres membres de la zone euro la France a affiché des taux d’inflation légèrement inférieurs, ce qui résulte notamment d’un prix de l’énergie qui est resté meilleur marché qu’ailleurs en Europe. De plus le gouvernement a mis en place des boucliers tarifaires ou autres chèques, énergie ou alimentaire.
Mais une telle action n’a fait que différer le problème, puisqu’il faut bien un jour mettre un terme au bouclier, et l’on ne peut pas distribuer des chèques à l’infini sans aggraver une dette publique déjà monumentale, située bien au-delà du seuil de 60 % du PIB fixé par le Pacte de stabilité et de croissance qu’aucun État n’est censé dépasser.
Et nous voilà arrivés à cette situation, pour ce qui est de l’inflation alimentaire : « La France est désormais l’un des pires élèves d’Europe occidentale » titre BFMTV dans un papier du 13 novembre où on lit quen « seule la Belgique affiche en septembre une hausse annuelle des prix de ses produits de grande consommation supérieure à celle de la France parmi sept pays d’Europe de l’Ouest.
C’était l’un des arguments dont les membres du gouvernement usaient le plus alors que les prix alimentaires explosaient partout en Europe au début de l’année 2023: la France est l’un des pays européens où ces prix augmentent le moins vite. C’était effectivement vrai il y a encore quelques mois […].
[L]’inflation annuelle s’élevait à moins de 12% en janvier dernier en France, ce qui classait alors l’Hexagone au second rang des pays dont la hausse des prix alimentaires était la plus faible, juste derrière la Belgique qui était proche des 11%. Sept mois plus tard, la situation s’est complètement inversée et la France figure désormais parmi les “bonnets d’âne” d’Europe occidentale en matière d’inflation alimentaire. Avec une hausse des produits de grande consommation qui a atteint 9,5% en septembre, seule son voisin belge fait pire en restant au-dessus de la barre des 10%. »
Rappelez-vous qu’il y a pile deux ans – sur les ondes de Sud Radio – le ministre Bruno Le Maire expliquait que « l’inflation est temporaire », préconisant le relèvement des salaires par les entreprises pour améliorer le pouvoir d’achat des Français.
Non seulement son pronostic sur le caractère provisoire s’est avéré inexact, mais en outre son appel à la hausse des salaires était inepte, dans la mesure où un telle réponse à l’inflation vient alimenter le phénomène, puisque l’augmentation des prix est le corollaire d’une augmentation des salaires, une entreprise ne pouvant rogner sur ses marges que dans une ampleur très limitée, sinon elle doit mettre à terme la clef sous la porte.
Par une politique budgétaire faite de boucliers et de chèques, l’État républicain de Macron, Borne, Le Maire et consorts ne parvient pas à juguler le haut niveau d’inflation causé essentiellement par la politique monétaire de la BCE.
Creuser le déficit public, c’est devoir les années suivantes accroître le taux global des prélèvements obligatoires. Et par conséquent cela revient à grever un pouvoir d’achat déjà terriblement réduit par l’inflation. Ce retour de bâton fiscal porte surtout sur la taxe foncière, qui concerne les propriétaires : chaque année elle devient plus exorbitante. Visiblement, c’est aux classes moyennes que Macron demande des efforts pour résorber les dépenses excessives de l’État depuis qu’il est aux affaires. ■ (À suivre)
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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