Par Etienne Lombard.
Au lendemain de sa disparition le 4 décembre 1923, la IIIème République faisait à Maurice Barrès les honneurs d’obsèques nationales, sentant bien que le Nancéien incarnait comme personne l’âme française.
Un poète de génie, jeté aux oubliettes
Oublié depuis, il a eu depuis, parmi d’innombrables titres de noblesse celui d’avoir suscité la jalousie d’un Gide, ne supportant pas que Barrès puisse être le « prince de la jeunesse » française, à la fois enracinée dans son terroir ainsi que dans sa patrie, et férocement libre, voyageur ouvert au monde, les pieds dans sa terre, la tête dans les étoiles…
Aujourd’hui encore, Barrès est par excellence l’ennemi intellectuel à abattre, pour une génération de la gauche sociétale post soixante-huitarde dont Bernard-Henri Lévy résumait dès 1985 la pensée profonde dans le manifeste de la revue Globe : « Bien sûr nous sommes résolument cosmopolites. Tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref, « franchouillard » ou cocardier, nous est étranger, voire odieux. »
Pourtant, Barrès ne correspond pas à ce portrait volontairement réducteur et caricatural. S’il mérite aujourd’hui d’être redécouvert, et surtout par les nouvelles générations, c’est justement parce qu’il avait su donner un sens à la vie d’un jeune Français. Nourrir son besoin d’idéal, sa curiosité du monde et sa soif d’une mystique, tout autant que son inscription dans une histoire, dans une lignée française, en sa qualité d’héritier qui réclame respect pour la « terre et les morts ».
Autant de valeurs dont la « République des laïcards »manquait déjà fortement à la veille de la première guerre mondiale, et dont on cherche vainement les traces dans celle de d’Emmanuel Macron, de Cyril Hanouna et de Jean-Luc Mélenchon…
Un injuste procès en antisémitisme
Emmanuel Godo a eu la bonne idée de faire publier récemment chez Tallandier un Maurice Barrès, le grand inconnu d’excellente facture, qui rend justice au penseur engagé et corrige enfin les erreurs nombreuses dont les calomnies des jaloux ont laissé des traces dans l’histoire des idées.
Et il a été intenté à Barrès, comme à bien d’autres gêneurs, un procès en antisémitisme aussi exagéré dans sa portée qu’injuste dans ses motivations. Il a certes été emporté, comme la quasi-totalité du spectre politique, par un antisémitisme né à gauche au XIXe siècle avant de basculer à droite par la suite. Mais contrairement à ce qu’a pu prétendre un temps Zeev Sternhell dans Ni Droite, ni Gauche. L’idéologie fasciste en France (Folio Histoire), l’antisémitisme barrésien fût purement conjoncturel (nourrie entres autres péripéties par les scandales politico-financiers et par l’affaire Dreyfus), et surtout pas biologique (ce dont nombre d’idéologues du nazisme lui ont d’ailleurs fait le reproche dans les années 30). Aujourd’hui, si le travail d’historien de Sternhell sur Barrès reste valable pour la rigueur de son enquête, ses conclusions en faisant un fondateur d’un « fascisme à la française » n’est plus guère revendiquée que par une certaine gauche en quête d’épouvantails imaginaires nécessaire à sa survie.
Relire Barrès, mais quoi ?
Maurice Barrès, le républicain, socialiste rallié un temps au boulangisme, puis se réclamant du nationalisme, a entretenu avec le royaliste Charles Maurras, une amitié personnelle à laquelle s’est ajoutée au fil du temps une amitié politique. Pourtant, Barrès n’a jamais adhéré au royalisme, parce qu’il croyait en la possibilité de réformer la république et estimait la monarchie comme appartenant définitivement au passé. Il s’en est expliqué dans la réponse qu’il a fait à Maurras, à lire dans l’Enquête sur la Monarchie (que l’on trouve en occasion dans l’édition de 1986 du Porte-Glaive). Mais de Barrès lui-même, outre l’ouvrage culte Les Déracinés , on peut trouver Le Culte du Moi chez Hachette BNF, et découvrir la seule pièce de théâtre de sa composition, Une Journée Parlementaire, qui vient d’être éditée aux Editions de Flore. ■