Nous poursuivons ici notre survol barrésien des dimanches de cette année 2023, avec, pour le mois de décembre, l’annonce de la réédition du Jardin sur l’Oronte (1922), initialement publié par Plon, aujourd’hui réédité par Belle-de-Mai Éditions.
Lors de sa sortie, ce volume fit énormément parler de lui, comme l’atteste cet extrait de la revue de presse d’Abel Manouvriez, parue dans l’Action Française du 12 juin 1922.
Barrès et le romantisme
M. Guy-Grand rapporte dans Paris-Midi, la conversation de deux amis des lettres parlant, devant lui, des romantiques et des classiques, à propos d’« Un jardin sur l’Oronte ».
Romantique, disait l’aîné des interlocuteurs, Barrès fut, est et restera jusqu’à sa dernière goutte d’encre :
Prenez le Jardin sur l’Oronte, ce poème d’amour et de mort que Barrès, dans une trêve du souci civique, vient de nous offrir pour notre délice. Est-il rien- de plus foncièrement romantique ? Je ne vous rappellerai pas, car vous y avez tout de suite songé, la filiation de ce poème avec Du Sang, de la Volupté et de la Mort. Ce sont bien les mêmes accents, plus âpres encore, plus déchirants, et cependant d’une mollesse si perfide ! Analysez ce philtre, vous en retrouverez tous les ingrédients. Voici l’Orientale de Barrès, son conte de Palestine et de Syrie, après ceux d’Espagne et d’Italie : triomphe de l’exotisme romantique ! Voici son exaltation du Moyen Âge, de la Croisade et de la Chevalerie, thèmes classiques des romantiques !
Et bien d’autres choses encore : le goût secret de Barrès pour Wagner, le plus délicieux, le plus abominable mélange da christianisme et de paganisme, de volupté et de sainteté, « une mixture qui eût scandalisé jusqu’à Châteaubriant lui-même ».
À quoi le plus jeune répondait, « néo-classique », assure M. Guy-Grand :
D’abord Barrès, s’il garde en cœur une complaisance coupable pour le romantisme, ne cache pas qu’il le condamne. « C’est dans l’amour heureux que notre âme respire. » Voilà la leçon de l’expérience, nous sommes loin des apologies de l’insurrection. Ensuite, admettons que la foi de Barrès soit pas très orthodoxe ; mais son évêque, comme il est sage ! Par la réconciliation des chrétiens et des musulmans, il veut construire la chrétienté de Syrie », et il veut « construire sur des tombeaux », comme il convient au père de la terre et des morts ; cela vaut bien qu’on ferme les yeux sur quelques caresses trop ardentes, et qu’on aime les dames sarrasines ».
Quant à Oriante, cette ensorcelante et traîtresse amoureuse, elle sacrifie son amour à son ambition, et cela est bien de chez nous. C’est au fond une fille de Corneille, et, par son art de courber les hommes devant soi, elle méritait de conduire de saintes filles.
Ce qui constitue proprement, en effet, cet aspect du péché romantique, ça n’est pas la complaisance, trop naturelle à l’homme, pour les penchants de la sensibilité, c’est l’abdication de la raison devant celle-ci, c’est l’intelligence renonçant à son office au milieu des plaisirs et cessant de les juger.
Or qui oserait jamais supposer semblable renoncement chez le hautain et délicieux analyste de soi-même qui nous promène aujourd’hui, émerveillés et ravis, dans les sentiers d’ « Un jardin sur l’Oronte », comme il fit autrefois chez Bérénice ou sur les âpres versants de la sierra tolédane ?
Nombre de pages : 108.
Prix (frais de port inclus) : 20 €.
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